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L’essor des légumineuses, un défi pour les organismes stockeurs
Les défauts de massification et la variabilité des flux posent de nombreux défis techniques et économiques aux collecteurs et transformateurs, pointe une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture, consacrée aux protéagineux, au soja, aux légumineuses fourragères et aux légumes secs.
La diversification des assolements à base de légumineuses, clé de voute d’une agriculture durable, résiliente et porteuse d’une transformation des systèmes agricoles et alimentaires, ne dépend pas seulement des contingences agronomiques ou encore du bon vouloir des agriculteurs. Elle est aussi fortement conditionnée par la capacité des organismes collecteurs à appréhender des flux dont la massification et la régularité sont sans commune mesure avec celles des « grandes espèces » que sont les céréales, les principaux oléagineux ou encore les cultures industrielles : tel est le contrat dressé dans une étude réalisée par Ceresco, Circoé et Terres Inovia et financée par le ministère de l’Agriculture.
Des flux critiques, variables et morcelés
L’organisation logistique des filières légumineuses doit faire face à deux difficultés majeures. Pour permettre une rentabilité suffisante des outils, ou l’accès à certains marchés comme la fabrication d’aliment, le flux doit atteindre une taille critique. C’est un point de difficulté dans le cas de flux se démassifiant, ou dans le cas de filières en cours de développement et de structuration. D’autre part, l’irrégularité des rendements et de la qualité observée sur les légumineuses fait varier la taille du flux disponible à la vente. L’équilibre interannuel entre offre et demande est ainsi complexe à assurer pour les opérateurs de la production.
Au-delà de la taille des flux entrants et de leur variabilité, l’étude pointe une tendance au morcèlement de ceux-ci. Cette tendance est renforcée, côté demande, par un marché qui s’atomise de plus en plus (émergence d’opérateurs de la transformation, segmentation selon différentes filières, avec ou sans signe de qualité), mais aussi, côté amont, par une diversification croissante des systèmes de production. Ainsi, le nombre de flux augmente et leur prévisibilité diminue ce qui impacte directement la capacité des filières légumineuses à massifier les flux.
Un défaut de coordination entre opérateurs
L’étude fait le constat qu’il existe une dynamique de développement d’activités liées aux légumineuses allant jusqu’à l’émergence de nouveaux acteurs du stockage et du tri, structurante pour les filières et pour les bassins. Ces projets émergents se caractérisent cependant par un risque commercial et industriel important (incertitude de l’offre en quantité en qualité, marchés peu stabilisés, outils de tri à optimiser), et peuvent être confrontés à certains aléas spécifiques à ces filières (insectes et écarts de tri, aux impacts potentiellement significatifs sur la production. Ces opérateurs émergents peuvent apparaître dans des zones « blanches » pour combler un besoin dans un bassin ne disposant pas d’outil (fort risque pris sur l’approvisionnement et la saturation de l’outil), ou bien dans des bassins où les légumineuses sont déjà collectées, parfois à proximité (voire en concurrence) d’acteurs historiques de la collecte de légumineuses.
Globalement, l’émergence de nouvelles infrastructures ou l’agrandissement des infrastructures existantes dans les différents bassins, met en évidence un défaut de coordination entre opérateurs économiques concurrents, avec des différences parfois fortes en termes de niveaux de subventions publiques relativement au montant global du projet.
La désinsectisation, un goulot d’étranglement
L’étape de désinsectisation des légumineuses à graines est perçue comme le principal goulet d’étranglement de la chaîne logistique, et la principale source de complexité (et de perte nette de matière première) pendant les opérations de stockage et de tri. En céréales, les insectes sont inféodés au stockage, alors que pour les légumineuses à graines, la problématique des insectes commence bien plus en amont (au champ). La pression des insectes est plus forte sur les cultures de légumineuses à graines, en particulier en ce qui concerne la bruche, un insecte qui affecte essentiellement la lentille, la féverole, et le pois. Il est alors nécessaire de procéder à une étape de désinsectisation pour la mise aux normes du grain et d’effectuer un travail du grain plus important. Ce surcroît de tri et de manutention augmente les risques de casse du grain et, plus globalement, le taux de freinte. Les opérateurs soulignent le déficit de solutions et un besoin fort d’innover sur cette question.
Des cultures associées difficiles à appréhender
Lentille-céréale à paille, fèverole-blé, pois-céréale à paille, lentille-cameline etc : les cultures associant une légumineuse et une céréale sont porteuses d’intérêts agronomiques majeurs, dont l’agriculture bio est coutumière. Il en va différemment en conventionnel. Selon l’étude, le concept constitue un potentiel de développement des surfaces de légumineuses important dans un contexte de pression croissante sur l’utilisation d’engrais azotés minéraux. Mais les OS pointent un surcoût logistique préjudiciable à leur compétitivité , auxquels s’ajoutent des risque de contamination croisée au gluten et aux allergènes. L’étude met en avant des voies d’optimisation à chacune des trois maillons de la chaine (agriculteurs, OS, clients finaux) et recommande de prévoir la possibilité du tri des cultures associées dans les silos en construction, un levier majeur à anticiper pour l’avenir pour des outils qui seront utilisés plusieurs décennies, même si cette option n’est pas activée à court terme.
Des légumes secs qui doivent trouver leurs consommateurs
En ce qui concerne les légumes secs destinés à l’alimentation humaine, l’étude relève une difficulté d’appropriation des enjeux logistiques. Les légumes secs sont caractérisés par une atomisation des flux en lien avec une segmentation croissante (espèces, variétés, signes de qualité dont un développement fort du bio) nécessitant plus d’allotement. L’étude recommande par ailleurs d’engager des actions pour favoriser l’utilisation de légumes secs locaux dans les cantines scolaires. Un besoin de formation existe à ce niveau en matière d’adaptation des marchés, de compréhension des contraintes des OS pour des volumes relativement dispersés et faibles.
Une coopération céréaliers-éleveurs à réinventer
Concernant les légumineuses fourragères, dont les surfaces sont en très forte croissance (doublement en 7-8 ans), l’étude regrette l’absence de solution intermédiaire entre le séchage en petites unités (échelle de l’exploitation agricole) et les unités de déshydratation (25 usines pour environ 700 milliers de tonnes). Elle estime urgent d'inventer de nouveaux modèles pour le séchage et la logistique des légumineuses fourragères afin de pouvoir mettre en relation des céréaliers de plus en plus enclins à en produire et des éleveurs en déficit de fourrage riche en protéines.