L'intelligence artificielle est dans les serres

L'entreprise belge Biobest, spécialiste de la lutte biologique, commercialise depuis peu une caméra capable de repérer et d'identifier les ravageurs volants dans les serres. Cette reconnaissance par intelligence artificielle s'avère plus efficace et plus précoce que celle basée sur des observations humaines. Dans le prolongement de cet outil, une solution d'élimination par drone va être bientôt disponible.

Faire de la lutte biologique, c'est chercher à établir un équilibre entre ravageurs et auxiliaires, pour descendre la population des ravageurs à un niveau non préjudiciable pour les cultures. Dans cette course contre les ravageurs, l'une des clés est de pouvoir agir tôt, pour introduire les auxiliaires au bon stade du développement de la population de ravageurs, avant que celle-ci n'explose et devienne incontrôlable.

Repérer les premiers vols des papillons

En productions végétales spécialisées, de nombreux ravageurs sont les chenilles de diverses espèces de papillons et il est donc important de pouvoir repérer la première génération d'adultes, avant qu'ils ne pondent. Dans les serres, ce repérage est généralement réalisé par les salariés, formés à l'identification des insectes adultes, de leurs œufs ou de leurs dégâts. Lorsque ces derniers sont repérés, il est souvent malheureusement trop tard pour pouvoir introduire des auxiliaires.

Une autre stratégie consiste à attirer les papillons sur des plaques adhésives avec phéromones. Toutefois, l'identification précise de l'espèce d'un papillon écrasé sur la plaque n'est pas toujours possible ; en outre, l'opération nécessite de poser, renouveler et vérifier régulièrement les pièges, ce qui sollicite beaucoup de temps de travail pour les personnels.

C'est pour répondre à cette nécessité de surveillance précise et continue des populations de ravageurs que l'entreprise belge Biobest, spécialiste de la lutte biologique, distribue depuis quelques mois une toute nouvelle solution basée sur l'intelligence artificielle. Pour cette solution, appelée PATS-C, elle a obtenu un Sival d'argent en janvier dernier, dans le cadre du salon des productions végétales spécialisées d'Angers.

Identification de l'espèce par la forme du vol

Le dispositif PATS-C est une caméra-infrarouge (capable donc de travailler la nuit), couplée à un logiciel de traitement des images, qui repère, comptabilise et identifie les papillons. L'identification de l'espèce se base sur la forme du vol, la taille et la vitesse de l'insecte. « Les expériences sur le terrain nous montrent qu'en moyenne notre système détecte les ravageurs 5 semaines plus tôt que les autres méthodes », décrit Thomas Doron, expert biocontrôle chez Biobest.

Autre avantage du système : un suivi continu, des alertes en temps réel et des données transmises sous forme de courbes, qui permettent de visualiser la dynamique des populations de ravageurs et d'évaluer l'efficacité des mesures de lutte mises en place. Si, pour l'instant, le système est capable d'identifier 10 à 12 espèces de papillons, ce nombre devrait croître à mesure que des données nouvelles seront introduites dans le logiciel d'intelligence artificielle.

Distributrice exclusive du système, Biobest propose l'outil (caméra + logiciel) en location avec mises à jour automatiques. « Il faut compter un boîtier par hectare », décrit Thomas Doron, qui insiste sur la pertinence de cet outil dans un contexte de réchauffement climatique favorable aux ravageurs : « Certaines espèces qui ne faisaient que deux cycles par an peuvent désormais en faire quatre ou cinq ».

Un drone tueur

Du côté de PATS, l'entreprise hollandaise constructrice du système, on prépare déjà la suite : après le PATS-C qui repère et identifie les ravageurs, voici le PATS-X, un drone éliminateur, que l'entreprise qualifie de « bat-like » (comme une chauve-souris). Couplé à PATS-C, ce petit engin volant décolle dès que la caméra a identifié un ravageur. Il se positionne pile dans la trajectoire de l'insecte et le tue simplement en le broyant avec ses hélices.

L'entreprise PATS s'apprête à mettre sur le marché le PATS-X, capable de tuer les papillons en vol en les percutant sur leur trajectoire. Ce drone « tueur » n'est impressionnant que pour les papillons. (Photo : PATS)

Des essais grandeurs nature ont eu lieu ces dernières semaines dans des serres horticoles aux Pays-Bas, confrontées au ravageur importé Opogona sacchari, ou teigne du bananier. Le système de détection et de lancement du drone s'est avéré capable de tuer plusieurs adultes volants chaque nuit et donc de contribuer significativement à réduire les risques de pontes sur les végétaux. 

Pour voir un "drone tueur" en action