La hausse des charges préoccupe les agriculteurs-méthaniseurs

L’année 2022 débute par des craintes sur l’augmentation des charges pour les agriculteurs-méthaniseurs. La filière est également concernée par la directive Red II sur les critères de durabilité ou encore le renouvellement des contrôles de conformité.

Alors que la situation inflationniste touche de nombreuses filières agricoles, la méthanisation n’est pas en reste. Lors du salon Bio360 qui se tenait à Nantes les 30 et 31 mars, l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) a tiré la sonnette d’alarme concernant l’augmentation des charges. Les premiers touchés sont les porteurs de projets. Ils font face à une hausse des investissements de 15 à 20%. « Ces hausses sont apparues après la signature des contrats. Les porteurs de projet pourraient avoir des difficultés dans un avenir proche », s’inquiète Jean-François Delaitre, président de l’AAMF.

Le coût des intrants pour alimenter le méthaniseur prend lui 20%. Une hausse qualifiée de « plus attendue » par le président de l’association, notamment au regard de la concurrence pour accéder aux déchets. L’augmentation du coût de l’électricité entre 50% et 80%, selon les installations, étaient, elle, bien moins prévisible. L’AAMF s’inquiète également une hausse du coût des consommables.

"On se retrouve avec une volonté de faire du gaz vert mais un business plan à l’envers"

Dans le même temps, les tarifs de rachat de l’électricité en co-génération ont perdu 12% et ceux du biogaz en injection 10%, entraînant un effet ciseau entre baisse des prix de rachat et augmentation des charges. « C’est incohérent. On se retrouve avec une volonté de faire du gaz vert mais un business plan à l’envers », regrette Jean-François Delaitre. Face à cette situation, l’AAMF incite les exploitants à se servir d’outils de gestion et de comparaison. « Nous les pionniers, nous avons appris à lancer nos méthaniseurs. Mais nous avons eu plus de mal sur le suivi technico-économique », reconnaît le président.

Deux outils pourraient permettre d’effectuer cette analyse économique approfondie en ouvrant la possibilité à chaque exploitant de se comparer en €/MWh vendu à une moyenne des méthaniseurs. Prodige est l’un d’eux. Il a été mis au point par les chambres d’agriculture, en collaboration avec l’Ademe et l’AAMF, en intégrant les données de 57 unités en co-génération et 27 en injection. Le second outil, Méthacompare, a été mis au point par l’AAMF et se base sur une approche participative. Chaque exploitant enregistre ses données pour se comparer aux autres via une interface web, ce qui permet d’enrichir la base au fur et à mesure. Une démarche que Jean-François Delaitre incite tous les agriculteurs-méthaniseurs à réaliser. « Il nous faut les vrais chiffres de la filière pour peser dans les discussions avec le ministère de l’agriculture et celui de la transition écologique et solidaire », insiste-t-il.

Au centre, Hervé Gorius, des chambres d’agriculture de Bretagne, présente l’outil Prodige.

La profession sur tous les fronts

Au-delà de l’augmentation des charges, la profession a plusieurs chevaux de bataille sur lesquels elle compte se battre en 2022. L’augmentation de la capacité du guichet ouvert permettant l’accès au soutien de l’Etat sans passer par les appels d’offres pour les nouvelles installations de moins de 25 Gwh/an en fait notamment partie. Ce point est particulièrement important pour les installations agricoles dont les tailles plus restreintes permettent d’accéder à ce dispositif.

Autre point soulevé par Xavier Passemart, directeur biométhane chez GRDF : la nécessité d’augmenter le délai possible de mise en service des installations face à un contexte de plus en plus compliqué pour les porteurs de projets. Fixé à 3 ans actuellement, la filière aimerait l’augmenter de un à deux ans. « Il y a aussi un énorme enjeu sur les délais administratifs. Il faut proposer des solutions », souligne-t-il, évoquant la baisse des effectifs et le manque de moyen dans les services décentralisés.

Prouver la durabilité du biogaz

Si la filière du biogaz a toujours soutenu qu’elle était durable, la directive européenne Red II va nécessiter de le prouver, chiffres à l’appui. « Les installations au-dessus de 19,5 Gwh/an devront respecter des critères de durabilité. Cela concerne 115 unités en injection et 119 en co-génération. Les installations mises en service après le 1er janvier 2021 devront également répondre à des critères de réduction des gaz à effet de serre », détaille Cécile Fredericq, délégué général de France gaz renouvelable. Les critères de durabilité fixent notamment des règles en terme de provenance des intrants pour alimenter le méthaniseur. Ainsi les cultures dédiées ou Cive ne peuvent pas provenir de zones à grandes valeurs en terme de biodiversité, sauf s’il est possible de prouver que cette utilisation répond à l’objectif de la zone. Les zones de stockage du carbone tels que les bois et les forêts sont également exclues pour la production des intrants. La filière a obtenu une certification simplifiée à partir du 1er juillet 2022 et pour un an. Mais à partir du 1er juillet 2023, les installations concernées devront adhérer à un schéma de certification officiel avec un audit annuel.

Un contrôle de conformité tous les quatre ans

Désormais, afin d’accéder aux tarifs subventionnés, les installations de co-génération vont devoir renouveler leur contrôle de conformité tous les quatre ans. Dans ce but, un référentiel des contrôles de conformité a été édité, reprenant les critères de l’ensemble des tarifs de rachat de l’électricité. Ce référentiel doit permettre une auto-évaluation en amont du contrôle. Le document était prévu dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2017 mais n’avait pas encore été édité. « De nombreux points de contrôle sont déjà prévus dans la charte des bonnes pratiques de la méthanisation agricole. Le message important, c’est la gestion, il faut être rigoureux sur les papiers », insiste Jean-Marc Onno, trésorier de l’AAMF. Il précise que le producteur de biogaz sera prévenu trois à six mois avant le passage de l’auditeur.

Le projet CBP avance

Les certificats de production de biogaz (CPB) sont une proposition de la filière pour soutenir le secteur du biogaz sans toucher au budget de l’état. « Il était nécessaire de relancer la dynamique de la filière après les tarifs de 2020 », précise Cécile Fredericq. Ce dispositif, validé par la loi Climat et Résilience de juillet 2021, prévoit d’instaurer une proportion obligatoire d’incorporation de biogaz aux fournisseurs via l’achat de CPB à des producteurs de ce même biogaz n’ayant pas accès aux tarifs subventionnés par l’état. Le décret définissant la durée de ces CPB devrait sortir rapidement. « Nous demandons une trajectoire de restitution à horizon 2026 », rappelle Cécile Fredericq.