La prochaine Pac loin du compte climatique et environnemental

Commanditée par le Parlement européen, une étude réalisée par l’INRAE et AgroParisTech estime que la Pac n’est pas assez ambitieuse au regard du Green Deal, tout en reconnaissant que les marges de manœuvre sont ténues, face aux enjeux de souveraineté et de viabilité des exploitations. Notre régime alimentaire est appelé à la rescousse.

« Les questions liées au climat et à la biodiversité ne sont pas suffisamment couvertes par les révisions du règlement adoptées par le Conseil des ministres de l’agriculture le 21 octobre 2020 ou par le Parlement européen le 23 octobre 2020 ». « La Pac ne permet pas d’appliquer, de rendre compte et de suivre suffisamment les progrès réalisés, ni d’imposer un plan d’action correctif efficace en cas d’absence de progrès ». « La dimension climatique et environnementale de la PAC doit être renforcée ».

Telles sont quelques-unes des assertions figurant dans la synthèse d’une étude de l’INRAE et d’AgroParisTech, commanditée par le Parlement européen. Le constat est d’autant plus inquiétant qu’il s’appuie sur les compromis très récents établis par les deux co-législateurs de la Pac que sont le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’Agriculture et qui, quoique discordants, dessinaient cependant une trajectoire susceptible d’aboutir à des compromis via les trilogues, impliquant la Commission européenne.

Les recommandations de l’étude

L’étude formule plusieurs recommandations, à commencer par le renforcement du principe du pollueur-payeur, sur lequel repose le principe de la conditionnalité, dont les dérogations devront cesser. Les dispositions des nouvelles bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) devront être renforcées au fil du temps, l’étude pointant notamment celles relatives à la protection des zones humides et des tourbières (BCAE n°2) et aux particularités topographiques à haute diversité biologique (BCAE n°9).

En ce qui concerne les flux des nutriments, des molécules et des émissions de gaz à effet de serre, l’étude recommande la mise en œuvre de nouvelles BCAE tout en incitant à dépasser les exigences de conditionnalité et à rémunérer les effort des agriculteurs via les éco-régimes (1er pilier). « Dans cette optique, deux nouveaux budgets spécifiques devraient être mis en place dans le cadre du premier pilier, 15 % des dépenses étant réservées aux mesures d’atténuation du climat et 15 % aux mesures en faveur de la biodiversité », indique l’étude. En outre, « 35 % des dépenses du deuxième pilier devraient être consacrées à des mesures environnementales ».

Des compromis impossibles ?

L’étude ne fait pas que pointer le manque d’ambition de la Pac. Elle en souligne aussi la faiblesse de sa gouvernance, que trahissent les indicateurs de performance, lesquels « ne permettent pas de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs. D’une manière plus générale, la PAC ne permet pas d’appliquer, de rendre compte et de suivre suffisamment les progrès réalisés, ni d’imposer un plan d’action correctif efficace en cas d’absence de progrès ».

Le constat est sévère. Dans le même temps, l’étude pointe deux risques majeurs liés à la feuille de route climatique et environnementale, à savoir les incidences sur notre souveraineté alimentaire, en lien avec la désintensification, ainsi que la baisse de revenus des agriculteurs induite par le renforcement des contraintes. Rien de moins.

Les consommateurs devront-ils manger moins, est-on en droit de s’interroger ? « Pas moins, mais mieux », répondent en substance les auteurs de l’étude, pour qui la transition agroécologique ne se fera pas sans transition alimentaire.

Si le Parlement commandite des études critiques sur les objectifs, les organisations professionnelles agricoles attendent de leur côté les études d’impact sur les futurs niveaux de production agricole et le coût des denrées pour les consommateurs.