PAC 2021-2027 : Petit Abrégé Concentré

Décryptage du projet de réforme de la Pac 2021-2027, à la veille du Conseil de l’agriculture et de la séance plénière du Parlement, qui par son vote sur les trois règlements de la Pac va véritablement lancer le round des négociations.

La Pac 2021-2027 s’appuie toujours sur deux piliers mais introduit un nouveau mode de gouvernance avec les Programmes stratégiques nationaux (PSN) et de nouvelles ambitions environnementales et climatiques, via les Eco-régimes et une conditionnalité rehaussée.

Autre nouveauté : l’instauration et le contrôle, par la Commission, d’indicateurs de performance des actions et des aides allouées, s’ajoutant aux contrôles de conformité. Il faut dire que la nouvelle Pac, qui s’appliquera le 1er janvier 2023, entre en résonance avec le Green Deal, le véritable sceau de la Commission européenne, avec ses deux déclinaisons que sont le Farm to fork et la Stratégie biodiversité.

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C’est le nombre règlements régissant la Politique agricole commune. Le règlement horizontal porte sur le financement, la gestion et le suivi de la Pac.

Le Programme stratégique national (PSN) est une nouveauté de la Pac 2021-2027. Il permet à chaque Etat membre de décliner les objectifs stratégiques de la Commission européenne, notamment en matière de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique.

Le troisième règlement concerne les programmes sectoriels de l’OCM unique.

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C’est le nombre d’objectifs stratégiques assignés à la Pac 2021-2027 par la Commission européenne.

Trois objectifs visent à favoriser le développement d’un secteur agricole innovant, résilient et diversifié garantissant la sécurité alimentaire (assurer un revenu juste et soutenir la résilience du secteur, renforcer la compétitivité, rééquilibrer les rapports de force dans la chaîne de valeur).

Trois objectifs visent à renforcer la protection de l’environnement et l’action pour le climat afin de contribuer aux objectifs de l’Union (s’adapter au changement climatique, lutter contre le changement climatique et s’y adapter, protéger la biodiversité, les paysages et les écosystèmes).

Trois objectifs visent à renforcer et consolider le tissu socio-économique des zones rurales (attirer les jeunes agriculteurs, redynamiser les espaces ruraux, répondre aux attentes sociétales sur l’alimentation, la santé et le bien-être animal.

Transversal, un 10ème objectif vise à encourager la modernisation, accompagner la transition numérique et partager le savoir et l’innovation.

1er pilier

Le Fonds européen agricole de garantie (Feaga) finance les aides directes versées annuellement au revenu des agriculteurs (1er pilier) ainsi que des mesures ponctuelles d’intervention sur les marchés agricoles. Il représente environ 75% du budget de la Pac.

Les aides directes se décomposent en aides découplées (droit à paiement de base, paiement vert, paiement redistributif, paiement jeunes agriculteurs) et aides couplées (bovins allaitants, veaux sous la mère, bovins laitiers, ovins, caprins, fruits transformés, blé dur, pommes de terre, féculières, chanvre textile, semences de graminées, houblon, fourrages, protéagineux, soja, semences fourragères).

Dans le projet de Pac 2021-2027, le paiement verts disparaît au profit des Eco-régimes. La conditionnalité est étendue.

2ème pilier

Le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) finance les aides de développement rural (2ème pilier). Les actions sont décrites dans un plan pluriannuel de développement rural (PDR), qui peut être régional ou national selon les Etats membres. Le taux de prise en charge varie en fonction de la mesure et des territoires et implique un cofinancement par l’Etat ou les Régions, ces dernières assurant la gestion des PDR.

Les aides directes du 2ème pilier comprennent l’Indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN), les mesures agro-environnementales et climatiques (Maec), le soutien à l’agriculture biologique (conversion et maintien dans certaines Régions), à l’installation, à l‘investissement.

Dans la Pac 2021-2027, les dispositifs du 2ème pilier sont globalement inchangés. Les engagements en faveur de l’environnement et du climat mobiliseraient 35% du budget, contre 30% actuellement. Dans la proposition de la Commission, l’ICHN ne peut pas représenter plus de 40% des 35% dévolus aux engagements en faveur de l’environnement et du climat. Une position qui ne porterait pas atteinte à la distribution de l’ICHN en France telle qu’elle s’opère aujourd’hui.

Biodiversité (Stratégie)

L’UE s’est dotée d’une stratégie biodiversité visant à stopper son appauvrissement et à esquisser une reprise écologique à l’horizon 2030. La stratégie repose sur des mesures de protection juridique (30 % des terres et des mers) et de restauration des écosystèmes dégradés.

La stratégie interfère avec la politique agricole puisqu’elle prévoit d’étendre l’agriculture biologique (25 % de la SAU), d’augmenter les éléments du paysages riches en biodiversité et de requalifier 10 % des terres agricoles en haute diversité biologique (mares, bandes tampon, haies...).

Elle vise à enrayer le déclin des pollinisateurs et à réduire de 50 % d’ici à 2030 l’utilisation et la nocivité des pesticides. Autres objectifs : réduire de 20 % l’usage des engrais chimiques et de 50 % l’usage des antibiotiques dans l’élevage et l’aquaculture.

Conditionnalité

La réforme de la Pac 2021-2027 renforce le principe de la conditionnalité des aides. Ainsi, les trois mesures afférentes au Paiement vert de la Pac 2014-2020 et qui étaient facultatives, deviennent obligatoires et sont assorties d’une définition plus stricte.

Il s’agit de la rotation des cultures (en lieu et place de la diversification),  du maintien des prairies temporaires et de la mise en place d’infrastructures agroécologiques, qui ne prennent plus en compte les cultures fixant l’azote, contrairement à ce qui prévalait avec les Surfaces d’intérêt écologique (SIE). Le Paiement vert disparaît au profit des Eco-régimes.

Contrôles de conformité et de performance

La réforme de la Pac 2021-2027 introduit une nouvelle procédure. Aux contrôles de conformité en vigueur aujourd’hui s’ajouteraient des contrôles basés sur l’évaluation de la performance des politiques et des aides allouées. Actuellement la Commission vérifie, essentiellement au moyen de contrôles sur place, le bon usage par les États membres des ressources mises à leur disposition par le Feaga et le Feader.

La prochaine Pac introduit un contrôle de performance. La Commission contrôlerait les résultats du Programme stratégique national (PSN), à partir d’indicateurs de réalisation, de résultat et d’impact. Les contrôles de conformité seraient l’apanage des États membres, faisant craindre des risques de distorsion.

Convergence 

La Commission européenne propose de poursuivre la convergence interne pour qu’aucun agriculteur reçoive comme aide découplée de base moins de 75 % de la moyenne nationale de son pays, contre 70 % actuellement. De même, elle propose de poursuivre la convergence externe pour réduire les écarts entre Etats membres des montants d’aides découplées versées aux agriculteurs.

Elle propose par ailleurs de rendre obligatoire, et non plus facultatif comme aujourd’hui, le versement du paiement redistributif pour les premiers hectares, mais aussi le plafonnement et la dégressivité des aides à partir de certains montants perçus d’aides par bénéficiaire.

Eco-régimes (Ecoschemes)

Les Eco-régimes constituent, avec le Programme stratégique national (PSN), dont ils font partie intégrante, l’une des nouveautés de la Pac 2021-2027. Ils symbolisent l’ambition environnementale et climatique de la Pac.

Dans sa proposition de réforme, la Commission européenne souhaite consacrer 40 % du budget total de la Pac (piliers 1 et 2) à cette ambition et contraindre les États membres à flécher au minimum 30 % de leurs crédits Feader (1er pilier) sur des aides environnementales, par le biais des Eco-régimes.

Les Eco-régimes comprendraient des mesures relevant de l’agroécologie (dont l’agriculture biologique), de la séquestration de carbone, de l’agriculture de précision et de l’agroforesterie

Les Etats membres auront l’obligation de proposer des Eco-régimes mais leur adoption par les agriculteurs sera facultative. Elle se fera sur la base d’engagements annuels et non pluriannuels, comme c’est le cas des Mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) du 2ème pilier.

Les Eco-régimes font débat, s’agissant de leur niveau (plus ou moins 30% du 1er pilier), de leurs modalités et de leurs objectifs. Leur mise en œuvre recèle un volant de flexibilité, prêtant le flanc à une forme de renationalisation de la Pac au détriment de son caractère commun, doublée d’un risque de distorsion de concurrence entre Etats membres, susceptibles de faire des choix très différents en la matière.

Farm to fork (de la ferme à la fourchette)

Après avoir fait de l’alimentation une norme mondiale aux plans quantitatif et qualitatif, l’UE souhaite l’inscrire dans la durabilité. Elle se fixe ainsi de réduire l’empreinte environnementale et climatique de son système alimentaire, incluant la production, le transport, la distribution, la commercialisation et la consommation.

Elle souhaite renforcer sa résilience et réduire le gaspillage de 50% d’ici à 2030. Avant la fin 2023, la Commission présentera une proposition législative fixant le cadre de ce système alimentaire durable. Y seront notamment consignées des règles en matière d’étiquetage, couvrant les aspects nutritionnels, climatiques, environnementaux et sociaux des produits alimentaires.

Green deal (Pacte vert)

Afin de lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement, l’UE a défini en décembre 2019 une nouvelle stratégie de croissance durable, visant la neutralité carbone d’ici à 2050 et réduisant les impacts environnementaux. Tous les secteurs économiques sont concernés (agriculture, énergie, transports, industrie, bâtiment, nouvelles technologies...). La transposition agricole du Green deal s’opère via deux programmes distincts que sont la stratégie Biodiversité et la stratégie Farm to fork (de la ferme à la fourchette).

La Pac constitue de fait le véhicule tout désigné pour actionner le Green deal dans le domaine agricole. Cependant, la proposition de réforme de la Pac, qui remonte à décembre 2018, est antérieure à l’annonce du Green deal, qui date de décembre 2019. Entre-temps, la composition de la Commission et du Parlement a changé. Les nouveaux élus ont décidé de réexaminer certaines parties des trois rapports de la Pac, que la Commission de l’agriculture du précédent Parlement avait adoptés, mais sur lesquels le Parlement dans son ensemble n’avait pas encore voté. Pour certains eurodéputés, la Pac n’a pas les moyens de ses ambitions au regard du Green deal. Pour d’autres, elle va à l’encontre de la quête de souveraineté et de sécurité alimentaires.

Programme stratégique national (PSN)

La Pac 2021-2027 introduit une nouvelle forme de gouvernance et un nouveau partage de responsabilités entre l’UE et les États membres. L’objectif est de préserver le caractère commun de la Pac tout en réservant aux Etats membres la possibilité d’intégrer des spécificités propres, liés aux particularismes nationaux.

Cette nouvelle gouvernance se matérialise, pour chacun des États membres, par la rédaction d’un Programme stratégique national (PSN). Celui-ci dresse un diagnostic de la situation de l’agriculture, définit une stratégie, des priorités et des critères de financement, en se conformant aux 10 objectifs stratégiques définis par la Commission européenne.

En France, le Plan stratégique national est établi par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation en concertation avec les parties prenantes (syndicats, entreprises concernées, établissements publics, etc.). Il est débattu avec les citoyens : c’est l’objet du débat ImPACtons, qui se déroule actuellement, avant d’être soumis à la Commission européenne, au début de l’année 2021.

Le PSN inclut les Eco-régimes, qui se substituent au Paiement vert actuel. Il ouvre aussi la voie à l’introduction d’un contrôle de la performance des actions et des aides, aux côtés des contrôles de conformité.

Trilogue

Après la proposition d’un cadre de réforme de la Pac par la Commission européenne, il revient au Parlement, et plus exactement à la Commission Agriculture, de faire adopter, en séance plénière, son rapport incluant les amendements aux propositions de textes réglementaires de la Commission.

La Commission Environnement du Parlement peut de son côté directement transmettre à la plénière ses propres amendements si ceux-ci ne sont pas repris dans le rapport de la Commission Agriculture. La Commission Environnement a en effet reçu certaines compétences relatives à la Pac, qu’elle partage avec la Commission Agriculture, notamment le développement rural.

L’adoption du rapport ouvrira la voie au trilogue. Le trilogue constitue la phase finale de négociation et consiste à rapprocher les propositions de la Commission européenne, du Conseil des ministres de l’agriculture de l’UE et du Parlement européen sur les trois règlements de la Pac (règlement horizontal, Programme stratégique national, OCM unique)