La pseudo-gestion du loup, un Canadair flambant neuf par an

[Edito] Alors que la prévention des incendies est l’une des vertus du pastoralisme, la France préserve un grand prédateur qui finira d’achever à petit feu l’élevage ovin, pendant que des côtelettes super-carbonées et baignant dans l’azote débarqueront encore un peu plus des antipodes.

35 millions d’euros : c’est le prix catalogue d’un Canadair DHC 515 amphibie d’une capacité de 6000 litres. Face aux feux forestiers emblématiques du changement climatique, le constructeur canadien De Havilland a décidé d’en relancer la fabrication, ce qui permettra à la France d’étoffer et de rafraichir sa flotte de 12 appareils un brin vétustes. Présent sur les sinistres de la Gironde le 20 juillet, le président de la République s’est prononcé pour l’achat de nouveaux appareils, sachant que « c’est l’Europe qui paie nos nouveaux moyens », a-t-il pris soin de préciser.

30,42 + 3,49 + 11,45 millions d’euros par an

Pendant ce temps, la France a ponctionné sur ses deniers 30,42 millions d’euros en 2021 pour protéger les troupeaux des attaques de loup, selon les derniers chiffres de l’Office français de la biodiversité (OFB). Il faut y ajouter 3,49 millions d’euros d’indemnisations pour les 10.826 victimes recensées en 2021, portant donc la facture à près de 34 millions d’euros. Selon un rapport de l’Assemblée nationale publié en février dernier, les dépenses en personnel de l’Etat liées à la politique d’encadrement de la prédation (incluant l’ours et le lynx) sont estimées au minimum à 11,45 millions d’euros par an. De quoi, au final, se payer allègrement un Canadair tous les ans et d’en assurer le plein et la maintenance pour des décennies.

L’accord de libre-échange, la goutte d’eau

Mais au fait, pourquoi faire un parallèle entre le prix d’un Canadair et le coût d’un Plan loup qui surprotège une espèce beaucoup plus menaçante que menacée ? Parce que le pastoralisme, avec ses 10 millions d’hectares qui sont autant de puits de carbone et de biodiversité, ses 50.000 exploitations familiales générant 250.000 emplois directs et un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros, est aussi générateur de services écosystémiques tels que la prévention des incendies (et accessoirement de viande et de fromage sous signes de qualité). Et bien entendu parce que le loup enfonce ses crocs dans une filière qui a déjà abandonné 50% de ses brebis en quelques décennies et qui voit la France importer 50% de ses besoins en viande ovine. Il est vrai que l’on pourra compter toujours un peu plus sur la Nouvelle-Zélande pour combler le manque, avec des côtelettes super-carbonées et baignant dans l’azote pour feindre des côtes d’agneau pseudo-fraiches à 9,90 €/kg, comme le dénonce la FNO. Bon barbecue (gare aux flammèches).

La fin d’un Etat pompier pyromane ?

Alors que les éleveurs désespèrent un sursaut de l’Etat, le président de la République a fait deux annonces en marge de sa présence sur le Tour de France le 21 juillet dans les Hautes-Pyrénées (département qui cumule la double peine loup et ours). Il s’est engagé à déployer une seconde brigade d’intervention loup et à faire évoluer le statut de l’espèce au niveau européen. Il faut dire que l’OFB a été pris en flagrant délit de tripatouillage des effectifs, l’obligeant à réévaluer a posteriori la population de loups 2020, pour éviter de faire apparaître une explosion de 47,59% sur une seule année, synonyme... d’explosion. Si l’annonce du président est salutaire, on peut néanmoins s’interroger sur un Etat qui, d’un côté, sanctuarise une ICHN et déploie des Maec DFCI (Défense de la forêt contre les incendies), et de l’autre laisse entrer le loup jusque dans les bergeries, y compris le loup d’un libre-échange dévoyé, que la France applaudit des quatre pattes.