- Accueil
- La (re)valorisation de la laine, un chantier de longue « ha-laine »
La (re)valorisation de la laine, un chantier de longue « ha-laine »
[Tech-Ovin 2025] Les initiatives se multiplient pour redonner à la laine son statut de « produit » que la sous-valorisation de la fibre naturelle a relégué, au fil des décennies, au rang de « charge » pour les éleveurs. Dans les Pyrénées-Atlantiques, un projet d’unité de granulés fertilisants pourrait offrir aux fibres de moindre qualité une massification des débouchés.
Des pulls, des gilets, des manteaux, des chaussettes, des bas mais aussi des tapis, moquettes, matelas, futons, couettes ou encore des textiles techniques tels que joints industriels, isolants thermiques et acoustiques, emballages… : la liste des produits susceptibles d’intégrer la matière première laine ne cesse de s’étoffer. A Tech-Ovin, Le Mouton Givré a présenté Bertille, Lucette ou encore Marguerite, sa mini-troupe de sacs isotherme où la laine (mais aussi le lin et le chanvre) se substituent à des matières synthétiques pour maintenir boisson et victuailles au frais (ou au chaud).
Pour autant, si la laine déroule sa pelote, le bât (bas) blesse côté économique. « A dix centimes du kilo, la laine ne paie pas la tonte, surtout quand on est sur 500 grammes par toison comme c’est le cas pour certaines races, rappelle Marie-Thérèse Chaupin, coordonnatrice de l’association Atelier Laines d’Europe, qui œuvre à la promotion de la laine de « mouton européen ». En revanche, à 4,5 euros le kilo et à raison de 2 à 3 kilos par animal, la laine est un réel complément de revenu ».
Diversité de races et petits volumes
A ce prix, on est sur le nec plus ultra, à savoir la laine de Mérinos, valorisée dans l’habillement. Mais celle-ci n’est pas représentative de l’ensemble de la production française. « Si la diversité des races est une richesse, elle induit autant de diversité en matière de typicité de laine, qui s’avère peu compatible avec les exigences standardisation et d’industrialisation, poursuit Marie-Thérèse Chaupin, qui avance également la taille relative des troupeaux, comparativement à ce qui existe sur d’autres continents.
C’est pourtant à l’export que la laine française trouve le salut, à hauteur de 80% pour les 10.000 tonnes produites annuellement dans l’Hexagone. Le solde trouve sa place auprès d’artisans et de PME disséminés sur le territoire. La crise du Covid, qui a interrompu brutalement les flux logistiques, a marqué les esprits et stimulé les initiatives pour tenter de relocaliser et de revaloriser la matière première naturelle et renouvelable. « Les consommateurs sont sensibles au fait que la laine est une fibre naturelle mais encore faut-il qu’ils acceptent d’en payer le prix, indique Marie-Thérèse Chaupin. Les fabrications souffrent également d’un déficit d’exposition, en étant trop souvent cantonnées à des magasins de producteurs. C’est un chantier de longue haleine ».
Des granulés fertilisants
A l’initiative des coopératives et groupements de producteurs, les éleveurs sont de plus en plus sensibilisés aux enjeux qualitatifs pointés par les entreprises de l’aval. Mais les process industriels (tri, lavage, cardage, peignage…) renchérissent indubitablement le prix de la matière première et altèrent d’autant la compétitivité des produits finis. D’où la quête de nouveaux usages susceptibles de massifier les débouchés avec une équation économique satisfaisante pour toutes les parties.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, on a peut-être trouvé la martingale avec un projet de transformation de la laine en granulés fertilisants. « La kératine contenue dans la laine est riche en azote, en souffre ou encore en oligo-éléments, explique Pierre-Michel Etcheverry, responsable du service entreprise à la CCI Bayonne Pays Basque et co-animateur du cluster RésoLAINE en Nouvelle-Aquitaine. Mais on butait jusqu’il y a peu sur un verrou réglementaire, résidant dans l’hygiénisation, la laine étant un sous-produit animal. Mais une solution technique vient d’être éprouvée, s’affranchissant de la phase de lavage qui aurait significativement renchéri le coût du process ».
Quand la laine souffle le chaud... et le froid
Le projet est porté par la Coopérative agricole ovine du Sud-ouest, basée dans les Pyrénées-Atlantiques et pourrait déboucher sur la construction d’une usine susceptible de valoriser 250 tonnes de laine, soit 20% gisement départemental. Les granulés fertilisants pourraient être valorisés en jardinerie mais aussi en maraichage et en horticulture. « La laine a aussi des propriétés adsorbantes à faire valoir dans les champs mais aussi dans les villes, au sein des espaces verts pour combattre les ilots de chaleur », indique Pierre-Michel Etcheverry. Quand la laine tient moins chaud.