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Le Porc de Bayeux, bientôt plus de médailles que de cochons ?
[SIA 2025] Dans l’Orne, Isabelle et Jérôme Lepoivre collectionnent les médailles au Concours général à Paris mais également dans les concours gastronomiques et peinent à satisfaire – quantitativement - leur clientèle alors même que la race locale est menacée de disparition.
Et trois récompenses supplémentaires pour Isabelle et Jérôme Lepoivre, éleveurs de Porc de Bayeux à Saint-Ouen-de-Sécherouvre (Orne) dans le Perche. Leurs truies Orphée et Tornade ont conquis les deux premières places du Concours général agricole tandis que leur cochette Vagabonde s’est classée deuxième dans sa catégorie. Les médailles, le couple d’éleveurs les collectionne et pas seulement avec leurs animaux. Leur saucisson a été élu champion de France en 2022 dans la catégorie « nature ». Un an plus tard, les éleveurs remportaient le titre au Mondial Rabelais, le concours international du saucisson. « Notre cochon a aussi terminé troisième du championnat du monde du pâté en croûte », s’enorgueillit Jérôme Lepoivre.
Le pâté en croûte en question n’est pas de fabrication « maison » mais l’œuvre de la cheffe, Emeline Aubry, basée à Saint-Maurice-lès-Charençais (Orne) et qui s’approvisionne exclusivement chez Isabelle et Jérôme pour le cochon. Mais pour tout le reste, c’est-à-dire la charcuterie et la viande fraiche, tout provient du laboratoire de la ferme, inauguré en 2017 au moment du lancement de la production, en complément de l’atelier de Salers et de la production de céréales.
Le nom de la ferme – Les cochons sont dans le pré – dit tout du mode d’élevage des 10 truies produisant bon an mal an entre 150 et 170 porcs, nourris avec du blé, de l’orge, du triticale, des pois, du lactosérum d’un élevage de chèvres voisin ou encore des drèches de brasseries locales. « Le Porc de Bayeux, c’est transformation et vente directe obligatoires car sa vitesse de croissance et 2,5 à 3 fois moins rapide que celle d’un porc charcutier conventionnel », explique l’éleveur.
On comprend mieux pourquoi la race est menacée de disparition. « On recense 26 élevages et un peu plus de 130 reproductrices dans toute la France, déclare Romain Roboam, responsable de la Ferme de l'Arche de la nature au Mans (Sarthe). « La disparition des abattoirs n’aide pas les candidats à franchir le pas ». La Ferme de l’Arche, propriété du Mans Métropole, participe à la préservation de l’espèce, en adhérant au Ligeral, l’association des Livres généalogiques collectifs des races locales françaises de porcs. « L’objectif du Ligeral est de rester en-deçà du taux de 24% de consanguinité au sein des élevages diffusant de nouveaux géniteurs », explique Romain Roboam.
La ferme de l'Arche de la nature produit des porcelets de 60 jours qu’elle revend à d’autres éleveurs, dont Isabelle et Jérôme Lepoivre, qui s’approvisionnent aussi au Conservatoire animal du Puy-du-Fou (Vendée), pour compléter leur production, qui ne suffit pas à satisfaire la demande.
Le Porc de Bayeux est donc, paradoxalement, une race menacée de disparition mais que les consommateurs s’arrachent. Comme quoi la montée en gamme, accusée ici ou là de tuer la compétitivité de la ferme France, a encore des arguments à faire valoir. A condition de conserver la race, les cochons, les éleveurs, les abattoirs... sans oublier Nicole et Marie-Chantal.