Les agricultrices, des agriculteurs comme les autres... ou presque

La MSA publie son 1er baromètre « les femmes dans le monde agricole », destiné à mieux visibiliser la gent féminine dans la profession. Si les femmes partagent avec les hommes le sentiment d’exercer un métier passion, en mal de reconnaissance et de rémunération, deux sur trois considèrent qu’il est encore plus difficile pour une femme qu’un homme de travailler dans le monde agricole.

Qui sont les femmes actives du monde agricole ? Quel est leur parcours ? Comment ressentent-elles leur place dans le monde de l’agriculture ? Quelles sont leurs motivations, envies et attentes ? Telles sont les questions auxquelles répond le baromètre « les femmes dans le monde agricole », 1er du nom, et que la MSA entend publier chaque année. Il est fondé sur une enquête réalisée par l’institut Verian (ex-Kantar), du 2 au 15 janvier (donc avant la crise agricole) auprès d’un échantillon de 1020 femmes actives agricoles représentatives des adhérentes de la MSA en terme de statut (cheffes d’exploitation, salariés, employeuses de main d’œuvre), d’âge et de région.

Des femmes d’expérience aux profils variés

Les femmes actives du monde agricole affichent une expérience solide dans leur secteur : 62% y travaillent depuis au moins 10 ans, dont même 38% depuis plus de 20 ans, 36% ont entre 35 et 49 ans et 46% ont entre 50 et 65 ans. Seule une sur deux (52%) a son conjoint qui travaille dans le domaine agricole. Cette proportion varie néanmoins selon le statut : si près de 3/4 (71%) des employeuses de main d’œuvre sont femmes d’agriculteur, ce n’est le cas que d’une cheffe d’exploitation sur deux (55%) et d’une salariée sur trois (32%). Elles sont également d’origines diverses : 46% sont issues d’une famille agricole, 30% d’une famille rurale non-agricole et 24% d’une famille citadine. 

La moitié des agricultrices est issue d’une famille agricole, un quart d’une famille rurale non-agricole et un quart d’une famille citadine (Source : Verian - MSA)
La moitié des agricultrices est issue d’une famille agricole, un quart d’une famille rurale non-agricole et un quart d’une famille citadine (Source : Verian - MSA)

Autre fait marquant : 37% ont intégré le monde agricole dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Quand on voit que cette proportion monte à 44% parmi les cheffes d’exploitation, cela semble traduire la volonté entrepreneuriale des femmes du monde agricole sans oublier une forme de dynamisme du secteur. Les agricultrices travaillent très majoritairement dans la production agricole, à parts quasi égales entre production végétale, culture (41%) et production animale, élevage (37%), peu dans la transformation de produits agro-alimentaires (8%). 6 dirigeantes agricoles sur 10 travaillent aujourd’hui en agriculture conventionnelle, un quart en agriculture biologique ou en conversion bio.

93% des agricultrices affirment exercer un métier « passion » (93%) qui leur semble de toute évidence essentiel (96%) et dans lequel elles s’épanouissent (84%) (Source : Verian - MSA)
93% des agricultrices affirment exercer un métier « passion » (93%) qui leur semble de toute évidence essentiel (96%) et dans lequel elles s’épanouissent (84%) (Source : Verian - MSA)

L’agriculture, un choix de cœur...

Quasiment toutes la décrivent comme un métier « passion » (93%) qui leur semble de toute évidence essentiel (96%) et dans lequel elles s’épanouissent (84%, 92% même pour les plus jeunes de moins de 35 ans). Elles sont avant tout mues par leur amour du métier (47%) et de la nature (51%). Ces deux raisons sont encore plus souvent mentionnées par les cheffes d’exploitation (respectivement 65% et 57%). Les employeuses de main d’œuvre ajoutent également une troisième grande raison, très pragmatique cette fois-ci, pour laquelle elles font ce métier : aider son conjoint agriculteur.

...même si le métier peut s’avérer ingrat

La très grande majorité jugent le métier d’agricultrice à la fois particulièrement difficile (95%), très peu reconnu (87% estiment qu’il n’est pas reconnu) et très peu rémunérateur (82% déclarent qu’il n’est pas rémunérateur). Il n’est guère étonnant dans ces conditions que malgré leur amour du métier, elles lui attribuent un potentiel d’attractivité limité : 61% estiment que l’agriculture n’est pas un métier attractif. Ces constats sont partagés par toutes les agricultrices, qu’elles soient dirigeantes ou simples salariées.

31% des femmes du monde agricole estiment que les inégalités hommes-femmes sont plus fortes en agriculture que dans les autres secteurs (Source : Verian - MSA)
31% des femmes du monde agricole estiment que les inégalités hommes-femmes sont plus fortes en agriculture que dans les autres secteurs (Source : Verian - MSA)

Des inégalités femmes-hommes très prégnantes

Si les trois-quarts des agricultrices (77%) estiment entretenir de bonnes relations avec les hommes du milieu agricole, elles sont néanmoins 83% - tous statuts confondus - à y constater des inégalités entre les femmes et les hommes. Un tiers des agricultrices (31%) considère même qu’elles y sont plus fortes que dans les autres secteurs d’activité. D’ailleurs, leur sentiment de légitimité est fragile : si une courte majorité (61%) des agricultrices se sentent aussi légitimes que les hommes, près d’une sur deux se sent moins soutenue (41 %), moins reconnue pour la qualité de son travail (42%), moins acceptée (48%) et moins respectée (48%) que les hommes. Dans ces conditions, deux-tiers (66%) des agricultrices considèrent qu’il est encore plus difficile pour une femme qu’un homme de travailler dans le monde agricole.

Un véritable enjeu de rémunération

Deux tiers (66%) des agricultrices jugent leur rémunération insuffisante, et cette proportion monte même à près des trois- quarts (73%) parmi les cheffes d’exploitation. De fait, pour les agricultrices, le premier levier pour améliorer leurs conditions de travail serait une meilleure rémunération. Parallèlement, concilier vie privée et vie professionnelle reste compliqué pour les agricultrices : 41% ne sont pas satisfaites de leur équilibre vie pro-vie perso, cette proportion montant jusqu’à 52% parmi les cheffes d’exploitation.

Les femmes portent un regard particulièrement pessimiste sur l’avenir du secteur (Source : Verian - MSA)
Les femmes portent un regard particulièrement pessimiste sur l’avenir du secteur (Source : Verian - MSA)

Un regard morose sur le présent et l’avenir

Les agricultrices font état d’une très grande insatisfaction sur la politique agricole actuelle en France : 9 sur 10 (89%) s’en déclarent insatisfaites, dont 42% très insatisfaites. Et elles craignent d’ailleurs que cela ne s’arrange pas vraiment avec le temps : 80% portent un regard pessimiste sur l’avenir du secteur. Dans ces conditions, même si la très grande majorité (81%) des femmes du monde agricole ont l’intention de travailler dans le secteur jusqu’à leur retraite, leur volonté de transmission est émoussée : seule une sur deux encouragerait ses enfants - garçon comme fille - à y travailler.