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Muguet du 1er mai : « Il faut être un peu fou pour le cultiver ! »
Environ soixante millions de brins de muguet vont porter bonheur à tous ceux qui auront la chance d’en recevoir à l’occasion du 1er mai. Patrimoine vivant de la région nantaise qui produit 90 % des volumes français, le muguet n’est plus cultivé que par une dizaine de producteurs. Pas d’inquiétude cependant : leur passion n’est pas près de se faner.
« Il faut être un peu fou pour cultiver du muguet », estime Thomas Loirat, conseiller technique légumes frais et muguet au CDDM (Comité départemental de développement maraîcher) en Loire-Atlantique. En région nantaise, qui concentre 90 % de la production nationale de muguet, ces producteurs un peu singuliers ne sont plus qu’une dizaine à cultiver la fleur emblématique du 1er mai.
Il paraît en effet assez fou de mettre en place une culture qui ne produit que trois ans après la plantation, qui est fortement soumise aux aléas climatiques, qui nécessite une main d’œuvre importante, et qui, en plus, ne se vend qu’une seule journée dans l’année ! « C’est un peu comme jouer à la roulette, en misant tout sur une couleur », s’amuse Thomas Loirat.
De la petite culture complémentaire à l’atelier dédié
En réalité, grâce à leur grande technicité, les producteurs parviennent à orienter le hasard en leur faveur. Quant aux gains, ils sont bien réels, sans être non plus le jackpot, au regard des investissements et de la main d’œuvre (5000 saisonniers sur une dizaine de jours) : entre 20 et 30 millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année.
Pour Thomas Loirat, le véritable moteur de la production de muguet est davantage à chercher du côté de la passion, du goût pour le défi technique et du souhait de maintenir une tradition désormais séculaire chez les maraîchers nantais. « Le muguet a toujours été une production complémentaire au maraîchage. Certains producteurs l’ont abandonnée en raison des contraintes de calendrier qu’il engendre. Ceux qui continuent ont une production maraîchère à côté, mais sont de gros faiseurs de muguet : ils ont des équipes 100 % dédiées. Ce n’est plus une « petite culture », mais une vraie culture dans l’entreprise ».
Sortir ou non les griffes
Fait intéressant, parmi les 10 producteurs restants, Thomas Loirat recense 10 façons différentes de cultiver le muguet : il y a ceux qui ont le traditionnel châssis nantais (en verre et bois), que l’on peut blanchir à la chaux mais qui est fragile ; ceux qui sont passés à la couverture plastique avec trois types de plastiques différents que l’on replie ou déplie selon les besoins ; ceux qui ne font que du muguet en brin, d’autres que du pot, et ceux qui font les deux, les deux techniques étant très différentes, puisque dans le premier cas, on garde la griffe dans l’exploitation et dans le second, on la vend et il faut donc en avoir toujours « en stock ».
« Entre producteurs, on trouve même des souches différentes de muguet. Toutes sont de la variété « muguet nantais », mais elles ne se conduisent pas de la même façon et ont des besoins en chaleur différents », commente le conseiller. Le savoir-faire pour chaque souche se transmet ainsi surtout au sein de l’entreprise, « des parents vers leurs enfants ».
Mais quel est alors le rôle du conseiller technique, quand tout le savoir est déjà dans les entreprises ? « Chaque producteur est un peu dans sa « bulle ». Comme je vais dans les différentes entreprises, je peux leur donner un état des lieux, leur dire s’ils sont en avance ou en retard par rapport au calendrier. Et je suis aussi la réglementation ».
Le muguet fait sa transition
L’une des missions importantes du conseiller est aussi d’adapter la culture du muguet aux enjeux actuels de transition agroécologique. « D’année en année, comme pour les légumes, on a de moins en moins de produits phytosanitaires disponibles pour assurer la protection du muguet contre les maladies, les insectes, les adventices ».
Comme pour les légumes, le muguet emploie donc des solutions alternatives aux phytosanitaires, avec des techniques manuelles comme le binage, l’application de produits peu préoccupants comme le vinaigre (en test actuellement), la lutte biologique (avec de très bons résultats contre les noctuelles), ou encore la rotation des parcelles (ne pas revenir muguet sur muguet).
« On garde la chimie en dernier recours, il faut trouver le juste milieu », estime Thomas Loirat. « Je m’inspire de ce que l’on fait en légumes. Avoir moins de moyens de lutte oblige à raisonner différemment. Les mentalités changent, les jeunes qui reprennent le muguet sont motivés, on va pouvoir progresser ».
Un muguet « Extraordinaire »Les producteurs de muguet du syndicat des Maraîchers Nantais et l’association Les Extraordinaires ont organisé une vente de muguet au bénéfice de l’association lors du dernier marathon de Nantes (25 et 26 avril). L’association Les Extraordinaires lutte pour l'inclusion de personnes porteuses d'un handicap par le travail en milieu ordinaire. « Cette action initiée par les organisateurs du Marathon nous a permis de rencontrer une association très dynamique », décrit Régis Chevallier, le président des Maraîchers nantais. « Cela a été l’occasion de sensibiliser nos adhérents au sujet de l’inclusion des personnes handicapées par le travail, et préfigure peut-être d’autres actions que nous pourrons mener ensemble ». |