Ovins et décarbonation : « Beaucoup moins d’émissions, beaucoup plus de satisfaction »

[Sommet de l’élevage 2023] A Agonges (Allier), Fabien Paris a remis tout son système fourrager et cultural à plat, avec ACS et séchage de balles entières sous panneaux photovoltaïques. A la clé : une baisse de 30% des émissions de CO2 de son exploitation en polyculture brebis allaitantes. A quand un indice de satisfaction ?

« Pourquoi je me suis engagé dans le programme Life Green Sheep ? Un, parce que je commençais à m’emmerder dans mon métier. Deux, à cause de l’évolution du climat. Trois parce que je n’étais pas satisfait de ma rémunération ». A Cournon (Puy-de-Dôme), Fabien Paris est venu témoigner de son engagement dans le programme Life Green Sheep, qui vise à réduire de 12% l’empreinte carbone de la filière ovine d’ici à 2030. L’éleveur fait partie des 211 « fermes innovantes » françaises qui se sont engagées dans ce programme européen. Lui élève 270 brebis allaitantes sur 152 hectares de SAU, dont un tiers de prairies permanentes, ou inondables, ou séchantes.

L’intégration dans un groupe au sein de la coopérative Coopagno et l’adhésion à AgroLeague pour la partie agronomique sont pour beaucoup dans la réussite, en plus du soutien de l’Institut de l’élevage
L’intégration dans un groupe au sein de la coopérative Coopagno et l’adhésion à AgroLeague pour la partie agronomique sont pour beaucoup dans la réussite, en plus du soutien de l’Institut de l’élevage

Il y a trois ans, l’éleveur a renversé la table : il est passé en Agriculture de conservation des sols (ACS) pour réduire le travail du sol (et les carburants fossiles) et implanter des couverts (consommables par les ovins). Il a investi dans un bâtiment recouvert de panneaux photovoltaïques assurant sous toiture le séchage de ses balles entières de fourrage et de son maïs (exit le séchoir au fioul).

"On peut avoir une brebis avec deux agneaux, 300 à 400 grammes de maïs et de la luzerne à volonté"

Le séchage a notamment permis de sécuriser la qualité de ses luzernes, qu’il a introduites dans le but de viser l’autonomie protéique. « Mon objectif était d’acheter zéro aliment, je suis à 95%, y compris en minéral, car la ration luzerne maïs est très équilibrée pour les brebis allaitantes, décrit-il. J’ai divisé par deux la quantité de maïs distribuée. On peut avoir une brebis avec deux agneaux, 300 à 400 grammes de maïs et de la luzerne à volonté ».

Les leviers d’action pour réduire l’empreinte carbone
Les leviers d’action pour réduire l’empreinte carbone

L’éleveur s’est aussi essayé au lotier, « la luzerne du pauvre ». Non sans bonne surprise. « J’ai testé le lotier car la luzerne ne passe pas partout. Le lotier marche très bien, au point de penser qu’il est plus adapté aux brebis que la luzerne, en étant mieux consommé ».

Pour ce qui est des agneaux, ceux naissant à l’automne reçoivent un mélange fermier maïs + blé, avec un peu de complément azoté. Encore que. « Je me suis aperçu que les agneaux de 15 jours sont tout à fait capables d’aller chercher de la luzerne ». Les agneaux de printemps sont élevés en extensif, rentrés en été, sevrés, tondus puis engraissés pendant un mois et demi avec du lotier, du blé et du triticale. « Je n’ai aucun problème de transition et c’est plutôt mieux au niveau sanitaire », affirme l’éleveur.

Les leviers d’action pour réduire l’empreinte carbone
Les leviers d’action pour réduire l’empreinte carbone

L’introduction des couverts et le développement des prairies temporaires a eu pour effet de mieux articuler les ateliers cultures de vente et élevage, jusque-là scindés, avec notamment des effets bénéfiques sur le parasitisme.

Et le bilan carbone ? « En trois ans, les émissions de CO2 ont été réduites de 30% », indique Fabien Paris, qui met en avant la baisse des achats d’aliments, d’engrais (fixation d’azote, localisation des apports) et de carburant, auxquels s’ajoutent le stockage de carbone, (couverts, haies).

L’éleveur ne sous-estime pas la somme d’investissements consentis dans le matériel dédié à l’ACS et le bâtiment (séchage) que viennent compenser les résultats économiques, à savoir un solde de 110 euros par Effectif moyen présent (EMP), soit 27.330 euros au niveau de l’élevage, qui peut désormais nourrir 25% de personnes en plus. Les indices de mortalité et de prolificité ont aussi été améliorés.

L’éleveur a préféré opérer un virage à 180 degrés plutôt que de procéder par petites touches, qui auraient pu être sujettes à un rétropédalage au moindre accident de parcours. L’intégration dans un groupe au sein de la coopérative Coopagno et l’adhésion à AgroLeague pour la partie agronomique sont pour beaucoup dans la réussite, en plus du soutien de l’Institut de l’élevage.

Trois ans plus tard, Fabien Paris ne « s’emmerde plus » tandis que son exploitation est à la fois plus résiliente et plus rentable. A l’approche de la cinquantaine, l’éleveur se sent aussi plus à l’aise dans l’optique d’une transmission. Dommage que le programme Life Green sheep n’intègre pas un indice de satisfaction.