- Accueil
- Peut-on phyto-extraire le cuivre des sols viticoles ?
Peut-on phyto-extraire le cuivre des sols viticoles ?
Plusieurs programmes de recherche s’intéressent à des méthodes de phytoremédiation des sols viticoles pollués par le cuivre. Les premiers résultats montrent une possibilité d’extraction limitée dans les conditions d’exploitation de la vigne.
Allié précieux des viticulteurs, élément indispensable à la vie, le cuivre, lorsqu’il se retrouve accumulé en excès dans les sols, en affecte durablement le fonctionnement biologique. En France, de nombreux sols viticoles, ou ex-sols viticoles, sont aujourd’hui pollués par le cuivre.
Les seuils de toxicité font encore débat car ils dépendent notamment de la nature du sol. Plusieurs publications scientifiques considèrent cependant que 70 mg de cuivre/kg de sol est le seuil à partir duquel commencent les effets délétères, sur les organismes du sol et sur les jeunes plantes, dont les jeunes vignes. La réduction des teneurs en cuivre dans les sols constitue donc un enjeu important pour assurer la durabilité de la production viticole.
Un projet de terrain sur le vignoble de Loire
Dans le vignoble de la Loire, un programme de recherche autour des teneurs en cuivre des sols et des possibilités de la phytoremédiation a été lancé en 2021 et s’est achevé en 2024. Ce programme, nommé Vitalicuivre, a fait l’objet d’une présentation dans le cadre du Sival 2025. Ingénieure à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), l’un des partenaires de ce projet (aux côtés de l’université de Nantes et du BRGM), Marie Bonnisseau a présenté les résultats concernant les parcelles expérimentales de vignes.
Trois parcelles viticoles en appellation Anjou et Saumur, ayant des teneurs en cuivre élevées, allant de 139 à 164 mg/kg, ont accueilli les essais de phytoremédiation en 2022 et 2023. Ces trois parcelles étaient différentes en cépages (chenin, cabernet franc et grolleau), et en nature du sol (plus ou moins acide, plus ou moins limoneux), mais toutes ont testé les mêmes modalités de phytoremédiation.
Les vignes se développent-elles normalement en présence de plantes accumulatrices ?
« Les différentes modalités de cet essai ont consisté à semer, dans l’inter-rang des parcelles expérimentales, des plantes accumulatrices de cuivre sélectionnées par le laboratoire de planétologie et géosciences (LPG) de l’université de Nantes, sur la base de la littérature scientifique et d’essais « in vitro ». Nous avons réalisé des semis d’avoine, de ray-gras, de sarrasin, de moutarde et de chicorée », présente Marie Bonnisseau. Le témoin consistait à laisser l’inter-rang en végétation spontanée. Toutes les vignes ont été conduites de la même manière.
Plusieurs mesures ont consisté d’abord à contrôler que ces couverts n’avaient pas d’impact négatif sur les vignes. Les mesures de vigueur et des mises en réserve pour l’année suivante (poids des bois de taille) ne semblent pas réduites par la présence des plantes semées dans les conditions du millésime. Les statuts nutritionnels, en macro et microéléments, et les statuts hydriques ne semblent pas non plus affectés par la présence des couverts. Enfin, les stades de maturité n’étaient pas non plus significativement différents en présence des couverts.
Faibles rendements, faibles concentrations, faibles extractions
Côté plantes semées dans l’inter rang, les rendements de biomasse produite ont été plus faibles qu’attendus : ils allaient de 0,2 à 1,5 tonne par hectare, étaient très hétérogènes (la moutarde n’a pas poussé du tout, la sécheresse de 2022 a affecté toutes les plantes sauf le ray-gras), mais ils ont toujours été très inférieurs à ce qu’ils auraient été « en plein champ », si la plante avait été conduite comme une grande culture. Il faut préciser toutefois que ces plantes semées en inter rang n’ont eu aucun apport d’engrais, ni aucune irrigation.
Leurs teneurs en cuivre se sont avérées également inférieures à celles mesurées en conditions contrôlées. Selon les plantes, elles allaient de 2 à 96 mg de cuivre/kg de matière sèche. Le sarrasin et la chicorée se sont montrés les plus performants, mais avec une grande variabilité selon les zones de prélèvement et les parcelles (9 à 96 mg de cuivre/kg pour le sarrasin, de 20 à 54 mg/kg pour la chicorée).
Les chercheurs fondaient beaucoup d’espoir sur la chicorée : en hydroponie, ses racines pouvaient contenir plus de 500 mg/kg de cuivre. Au champ, durant les deux années de culture, elles en ont accumulé 10 fois moins. « Cela illustre bien la différence entre les conditions contrôlées du laboratoire et celles du champ », décrit Marie Bonnisseau.
« On n’a pas trouvé la plante miracle »
Avec de faibles rendements et de faibles concentrations dans les plantes, les performances de phyto-extraction du cuivre ont donc été très limitées dans ces expérimentations : « Avec la chicorée, on a extrait, en une année, 40 g de cuivre par hectare. C’est une extraction quasi homéopathique, seulement 1 à 2 % du cuivre présent dans le sol », commente Marie Bonnisseau.
« La solution pour extraire davantage de cuivre serait d’optimiser les itinéraires techniques des plantes semées dans l’inter-rang. Des travaux similaires ont été réalisés en Italie, mais avec des apports d’eau et d’engrais : ils ont permis d’améliorer les rendements et donc la quantité de cuivre extraite. Dans ce cas, il faudrait surveiller les concurrences vis-à-vis de la vigne. On n’a pas encore trouvé la plante miracle, multi-potentielle et hyper accumulatrice de cuivre. Mais si on pouvait juste compenser l’apport en cuivre de l’année, ce serait déjà un pas important ».
En revanche, cultivées comme des « grandes cultures », avec fertilisation et irrigation optimales, ces plantes accumulatrices de cuivre, comme la chicorée ou d’autres légumes racines du même type, pourraient trouver une utilité : assainir un sol viticole après un arrachage et avant replantation d’une nouvelle vigne.