[Rétro 2024] En octobre, rien ne « vin » plus

La France enregistre sa plus petite récolte depuis des décennies mais c’est encore trop, car dans le même temps, elle lance un programme d’arrachage qui effacera un peu moins de 30.000 hectares de la carte, après avoir massivement distillé. En attendant une vision stratégique de long terme… et le retour de Trump aux affaires américaines.

36,9 millions d’hectolitres : tel est, selon le service statistique du ministère de l’Agriculture, le niveau de la production viticole française en 2024. Après les 36,7 millions d’hectolitres des 2017, il s’agit de la 2ème vendange la plus faible jamais enregistrée depuis 1945, en en tout cas au cours de la dernière décennie, qui a vu le vignoble se stabiliser autour de 800.000ha. La faute à des précipitations continues de la floraison à la vendange, générant des phénomènes de coulure (chute de fleurs et jeunes baies) et de millerandage (formation de petites baies) avant que le mildiou parachève le tableau, dans la plupart des bassins de production, en dehors des départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, sujets à une sécheresse sans fin.

Un an plus tôt, l’Etat mettait 200 millions d’euros sur la table pour distiller et extraire du marché quelques millions d’hectolitres de vin privés de marché. Trop de vin encombre le marché mais pas assez assèche les trésoreries : tel est l’étau, pour ne pas dire le pressoir, qui asphyxie la filière viticole.

Le millésime 2024 sera aussi et surtout celui de la reprise des programmes d’arrachage, qui ne disent plus leur nom comme au temps des années 1985-2010 avec les Primes d’abandon définitif de Bruxelles. Celles-ci ont eu pour effet de réduire d’un quart le vignoble national et d’un tiers celui du Languedoc-Roussillon, pour aligner la production, en volume et en qualité, avec la consommation.

En 2024, les primes à l’arrachage ont disparu du lexique et du droit européens et pour cause. Depuis la réforme de l’OCM entrée en vigueur le 1er janvier 2016, chaque pays bénéficie d’un droit à la croissance de son vignoble de 1% par an. C’est donc au nom des « conséquences de l’agression de la Russie contre l’Ukraine » que notre pays a pu bénéficier d’un sauf-conduit, En octobre, la Commission européenne autorise la France à mobiliser 120 millions d’euros dans un dispositif « exceptionnel » d’aide à la réduction définitive du potentiel viticole ». En novembre, le verdict tombe : 27.461 hectares, vont être effacés de la carte viticole, et c’est encore le Languedoc-Roussillon qui va se distinguer, avec des demandes à hauteur de 14.794ha, soit plus de 50% des demandes totales, le vignoble bordelais pointant à 4219ha.

En 2023, Bordeaux a déjà tiré un trait sur 8000ha, soit 7% de sa superficie, dont la moitié sera convertie en usage agricole ou forestier, dans le cadre d’une convention tripartite (Etat, Région, CIVB). L’objectif est là aussi de tenter de répondre à la crise structurelle, avec comme motif, pour le pas dire prétexte, le caractère « sanitaire » de l’opération, consistant à éliminer les foyers de flavescence dorée pullulant dans les vignes abandonnées faute de rentabilité.

Traitement social

Les 35.000ha arrachés vont-ils permettre aux 750.000ha restants restaurer l’équilibre entre l’offre et la demande alors que la déconsommation affecte quasiment sans exception toutes les catégories de vin et qu’elle semble avoir de beaux jours devant elle ? La réponse est malheureusement négative. D’abord parce que les vignes arrachées, souffreteuses, pour en pas dire en voie d’enfrichement ou sujètes à une diète climatique, pèseront peu sur les volumes. Ensuite parce que les professionnels réclamaient, avant même l’instauration de l’arrachage définitif, un dispositif arrachage temporaire, destiné à faire le dos rond face à la crise, en attendant d’hypothétiques jours meilleurs. Le grand soir de la restructuration du vignoble se fait attendre et les pouvoirs publics procèdent à un traitement social de la crise, en accordant ici 4000€/ha (dispositif « Ukraine), là 6000€/ha (convention bordelaise), alors que la géopolitique ne porte pas vraiment un toast à la filière française.

En attendant Trump 2

Le 20 janvier, Donald Trump fera son retour à la Maison blanche. Le futur ex-président américain est resté dans les mémoires des viticulteurs, pour avoir imposé des surtaxes sur les vins et spiritueux européens lors de son premier mandat. Au cours de sa campagne électorale, le président américain élu a qualifié le droit de douane de « plus beau mot du dictionnaire », faisant peser la menace d’une taxe de 10 à 20% sur les produits européens entrant aux États-Unis. La Chine menace quant à elle de surtaxer les brandys européens, pour ne pas dire le Cognac, qui représente 95% des volumes. En 2023, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, les Etats-Unis et la Chine étaient respectivement les premier et troisième acheteurs mondiaux des breuvages tricolores. Autant dire que 2025 ne sera sans doute pas l’année du répit, encore moins du salut.

Les 12 temps forts de 2024, année sacrificielle :

En janvier, les paysans sur le bitume, le Premier ministre sur la paille

En février, au Salon de l’agriculture, le soulèvement de terriens

En mars, on plante des haies et en octobre, on plante le Pacte

En avril, la France gagne une bataille contre l’Influenza aviaire

En mai, la loi d’orientation agricole adoptée… pendant 12 jours

En juin, la bio atteint son plafond de vert

En juillet, la pire moisson depuis 40 ans

En août, les maladies vectorielles cernent la France ruminante

En septembre, le loup perd une canine

En octobre, rien ne « vin » plus