Réglementation en vue pour les variétés rendues tolérantes aux herbicides

Un projet d’ordonnance définit les conditions de culture des Variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH). Ces conditions devront être consignées dans un registre et seront susceptibles d’être communiquées pour servir la recherche.

Le 7 février 2020, le Conseil d’État enjoignait le gouvernement de mettre en œuvre des recommandations formulées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans son avis du 26 novembre 2019, l’Anses identifiait notamment des facteurs de risque quant au développement de résistances des adventices aux herbicides et à l’augmentation des usages d’herbicides.

A l’occasion du Conseil des ministres du 15 décembre, le ministre de l’Agriculture a présenté un projet d’ordonnance répondant aux injonctions du Conseil d’État.

Trois typologies de VRTH

Le projet d’ordonnance prévoit une définition des VRTH, cette catégorie particulière de variétés végétales n’étant pas définie dans la réglementation actuelle.  Ainsi, une variété rendue tolérante aux herbicides est une variété végétale dans laquelle a été introduite, par des méthodes d’obtention ou de sélection, une capacité à supporter des applications d’herbicides auxquels l’espèce végétale de cette variété est habituellement sensible. La définition proposée englobe toutes les VRTH, quel que soit leur mode d’obtention, et les différencie des variétés qui sont naturellement tolérantes à un herbicide.

Les VRTH peuvent être obtenues par différentes techniques, à commencer par la sélection variétale classique. Elles relèvent alors du régime d’encadrement des directives européennes dites « catalogue », en l’occurrence la directive 2002/53/CE du Conseil du 13 juin 2002.

Les VRTH obtenues par transgénèse relèvent du régime d’encadrement défini par la directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l'environnement, transposée en droit français par un arrêté datant de 2008. Aucune AMM n’a jusqu’à présent été délivrée pour des VRTH dans l’UE. Les VRTH transgéniques ne sont dont pas autorisés en France.

Dernière catégorie : les VRTH obtenues par mutagénèse. Elles sont définies par exclusion de la directive européenne 2001/18. La mutagenèse y est considérée comme une technique de modification génétique. Toutefois, les organismes issus de la mutagenèse sont exclus du champ d’application de la directive. De ce fait, les variétés obtenues entrent dans le cadre réglementaire du catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles.

En attendant les textes d’application

Le projet ne contient pas de disposition contraignante directement applicable. Les modalités d’application relatives aux conditions de culture des VRTH, au registre tenu par les exploitants, aux variétés concernées et à la collecte d’informations sur la culture des VRTH seront fixées par voie réglementaire, autrement dit par décret.

L’agriculteur mettant en culture une VRTH devra consigner ses pratiques dans un registre, ayant pour objectif de faciliter le contrôle du respect des conditions de culture des VRTH. Un arrêté fixera la liste des variétés concernées et précisera, pour chaque variété, les conditions de culture appropriées. Le projet de décret fixant les conditions de culture, les modalités de tenue des registres et les informations qui doivent y figurer, ainsi que l’arrêté d’application, feront l’objet d’une consultation publique.

Le projet d’ordonnance prévoit par ailleurs la possibilité de prendre des mesures destinées à collecter des données et informations relatives aux cultures de VRTH, conformément à l’avis de l’Anses du 26 novembre 2019.

Arguments et contre-arguments

Le projet d’ordonnance avait donné lieu à une consultation publique, organisée du 9 au 30 septembre 2021. Elle avait généré 145 observations, exprimant majoritairement (96 observations) une opposition aux VRTH, au motif qu’elles sont assimilables à des OGM, entre autres griefs (augmentation de l’usage d’herbicides, risque de développement de résistances, risque de propagation des caractéristiques des VRTH par croisement avec les plantes sauvages, logique agro-industrielle...)

Du côté des partisans était invoqués la lutte contre certaines mauvaises herbes (ambroisie, datura...), les situations d’impasses techniques, la réduction des quantités d’herbicides utilisés sur certaines cultures, le maintien des rendements, la compétitivité et la sécurisation de certaines filières. Des contributions défendent le maintien de la culture de tournesol dans les rotations, en particulier dans les zones très infestées par l’ambroisie, où les VRTH permettent d’allonger les rotations, de diversifier les cultures et de favoriser l’autonomie protéique. Certaines contributions estiment enfin que la fixation de règles exclusivement françaises et qui ne s’appliqueront pas aux produits importés conduirait à des distorsions de concurrence et à une délocalisation des productions.