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Sécheresse : « J'ensile la chaume d’avoine pour nourrir les bêtes »
A Ménil-aux-Bois (Meuse), François Czajka en est réduit à ensiler les chaumes pour pallier le manque de fourrages, le semis de luzerne sous couvert ayant pâti de la sécheresse. A défaut d’affouragement en vert, le retraité inaugure l’affouragement « en jaune ». Du jamais vu en 50 ans de carrière.
« Depuis le bord de la route, ceux qui me voient faucher la chaume vont se dire : "c’est la misère". J’en suis un peu honteux de vous le dire mais avec la sécheresse, on en est là ». Du côté de Ménil-aux-Bois (Meuse), le chaume se conjugue au féminin. Et en cet été de vagues de chaleur à répétition et de sécheresse historique, l’affouragement en vert fait place à l’affouragement « en jaune ».
« D’habitude, avec cette machine-là, j’amène de l’herbe aux vaches vers fin octobre début novembre, mais là, y a pas de camelote et on affourage déjà depuis trois semaines », explique le retraité de 68 ans, qui prête la main à son fils Jérôme, éleveur d'une trentaine de vaches laitières et leur suite, dont des taurillons, sur une exploitation de 75 ha, les deux tiers en herbe, le solde en céréales autoconsommées.
François et son fils n’ont pas choisi la folle avoine par hasard. « Mon fils avait moissonné un peu haut en raison des cailloux. J’ai eu l’idée de passer l’ensileuse parce qu’avec ses sabots et ses fléaux, elle ramasse tout. En 50 ans de métier, c’est la première fois que j’ensile la chaume. L’intérêt de la folle avoine, c’est qu’elle a un effet aphrodisiaque sur les vaches ». Aphrodisiaque ? « La fertilité, si vous préférez ».
Le semis de l’avoine à la fin de l’hiver s’est ensuivi d’un semis de luzerne sous couvert mais la luzerne a pâti des conditions météo. « L’avoine génère plus d’ombrage que l’orge, on s’en est rendu compte dans une parcelle où la luzerne est encore moins développée qu’ici. Mais avec la canicule que l’on nous annonce pour 15 jours, je ne sais pas si elle va résister ».
L’équilibre économique de l’exploitation repose sur l’autonomie alimentaire, avec le foin et les céréales en complément du pâturage. Seule la paille fait défaut. « Une petite exploitation comme la nôtre, si on n’est pas autonome, faut pas continuer ». François Czajka espère que l’épisode vaudra le classement de la zone en catastrophe naturelle et a minima un geste sur la taxe foncière non bâtie. « On est taxé à 24%, mais 24% de quoi, je n’en sais rien. On est propriétaire des terrains donc ça sera toujours ça mais il faut quand même avancer l’argent ».
L’élevage devra-t-il se séparer prématurément de bêtes ? « C’est une option du fils mais moi, je ne suis pas le gars qui est là pour bazarder. Le fils m’a dit : "vu la tournure des parcs, on a des vaches de réforme, allez hop, on en profite, elles sont chères". Ca augmente mais c’est de la foutaise car on paie tout plus cher. Et puis en lait comme en viande, ils nous paient le prix parce qu’ils savent qu’il n’y en pas de trop ».
François Czajka va mettre plus de deux heures pour remplir une benne de quelques m3, qu’il achèvera de remplir dans une parcelle de luzerne déjà installée, histoire de mettre un peu de vert dans le jaune et de renforcer l’appétence et la valeur du fourrage. « 2h30 pour remplir la remorque à 15 litres par heure de carburant, ça fait des sous. Faut pas compter sinon... Et en plus, je suis un petit bénévole. N’empêche que j’y suis du matin au soir ».
Malgré les aléas, l’ex-éleveur, toujours un peu beaucoup passionnément agriculteur, n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. « Je suis bien dans le Fiat », concède-t-il. Il affirme ne plus prendre les trois jours de congés annuels qu’il s’octroyait avec son épouse avant de céder la ferme à son fils. « J’ai du mal à décrocher. Et puis c’est plus la peine d’aller dans le Sud vu qu’il fait le même temps dans la Meuse. Au prix où est le carburant, par-dessus le marché ». Le Fiat et les vaches d'abord.