Sécheresse : vers un climat « semi-aride » dans le sud de la France ?

Grâce aux pluies du mois d’avril, la sécheresse des sols est définitivement enrayée sur pratiquement toutes les régions françaises, sauf sur le pourtour méditerranéen qui accuse un déficit exceptionnel de précipitations. En profondeur, le risque de sécheresse sur les nappes phréatiques demeure fort à très fort. Quelles sont les tendances climatiques pour cet été ? Le point avec Nicolas Le Friant, météorologue.

Dans la continuité du mois de mars 2023 bien humide avec un excédent pluviométrique de 43% à l’échelle du pays, ce mois d’avril fut également humide sur la presque totalité de nos régions. En revanche, celles bordant la Méditerranée n’ont reçu que très peu de précipitations, ce qui aggrave l’état de sécheresse, déjà bien avancé.

Finalement, nous terminons ce mois d’avril dans les normales, avec un excédent pluviométrique assez marqué en Bretagne, Normandie, Hauts de France et Champagne-Ardenne et autour des normales partout ailleurs. 

Les sécheresses météorologique, en surface, et agricole, de 0 à 40 cm dans le sol, sont définitivement enrayées sur pratiquement toutes les régions françaises sauf pour le Languedoc-Roussillon, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Corse. Néanmoins, la situation n’est pas du tout réglée plus en profondeur, notamment pour les nappes phréatiques. La période de recharge de ces eaux est terminée. En effet, dès le début avril, la végétation est grandissante, stockant un maximum les précipitations, et l’évapotranspiration s’accélère (il y a davantage d’eaux qui s’évaporent que de précipitations), ce qui empêche de plus en plus les eaux de pluie de s’infiltrer très loin dans l’intérieur des sols.

"Le climat méditerranéen pourrait devenir un climat semi-aride voire aride "

Les régions méditerranéennes accusent un déficit exceptionnel puisque nous relevons seulement 2,6 mm de précipitations sur ce mois d’avril à Perpignan, 3,6 mm à Nîmes, 3,8 mm à Marseille et Montpellier ou encore 8 mm à Nice.

Au cours des 12 derniers mois (de mai 2022 à avril 2023), nous n’avons relevé que 195,4 mm de précipitations à Perpignan, soit un déficit de 65% ! Si cette tendance devait se maintenir dans le temps (afin d’établir une norme climatique) alors le climat méditerranéen pourrait devenir un climat semi-aride voire aride (200 à 400 mm de précipitations par an en moyenne). Ce type de climat ou climat semi-désertique, encore appelé climat subdésertique, est un climat caractérisé par des précipitations qui sont, certaines années, insuffisantes pour y maintenir les cultures et où l'évaporation excède souvent les précipitations.

Etat de l’humidité des sols au jeudi 27 avril 2023 (0 à 100 cm) Source : www.windy.com

Cette carte de la situation des sols se passe de commentaires car le sud-est du pays, et notamment, le Roussillon et la Côte d’Azur, connaissent une situation exceptionnelle à extrême ! L'indice d'humidité des sols affiche un record très bas (période 1959/2023) pour une fin avril sur l'Hérault, l'Aude et surtout sur les Pyrénées Orientales, où il est digne d'un mois d'août. Sur 9 des 13 départements concernés, l'indice d'humidité des sols est inférieur au premier décile, soit dans le top 10% des plus secs pour la période, et souvent digne d'une fin juin (cf. carte ci-dessous).

Quel temps fera-t-il cet été ?

Dans ce contexte de réchauffement climatique, la probabilité d'avoir un été sec et chaud est plus importante qu'un été frais et humide. Les dernières tendances climatiques pour l’été 2023 font état d’une plus grande probabilité d’observer des températures supérieures aux normales climatiques ce qui se traduira par une plus grande évapotranspiration des végétaux. Ces mêmes tendances, en corrélation avec la mise en place du fameux phénomène climatique El Nino dans le Pacifique équatorial, montrent également une probabilité accrue d’observer de nombreux épisodes orageux. Ce qui aurait ainsi comme conséquence d’importantes fluctuations des températures. Nous pourrions, dès lors, ne pas revivre cet été 2022 qui fut très sec et surtout beaucoup trop souvent caniculaire. Néanmoins, selon le BRGM, le risque de sécheresse sur les nappes phréatiques est pour le moment fort à très fort, à l’exception de la Bretagne et de l’ouest des Hauts de France. En résumé, la situation est plus préoccupante qu’en 2022 !

Prévisions pour les 10 prochains jours

Après le week-end du 1er mai qui s’annonce très instable, principalement sur l’ouest et le sud du pays, à l’exception des régions bordant le golfe du Lion et celles allant de la frontière belge au bassin parisien, nous retrouverons des conditions anticycloniques au cours de la semaine prochaine. En effet, un puisant anticyclone devait progresser de la mer de Norvège vers le sud de la mer du Nord et favorisera l’arrivée d’une masse d’air sec se généralisant à tout le pays à compter du mercredi 3 mai. Cette tendance pourrait résister jusqu’au week-end du 8 mai, qui sera donc plus stable que celui du 1er mai. Les huit premiers jours du mois de mai s’annoncent donc globalement secs, sous des températures maximales situées 2 à 3 degrés au-dessus des normales climatiques alors que les valeurs minimales, quant à elles, seront voisines des moyennes saisonnières.

Pour la suite, la tendance est moins franche et nous pourrions passer sous des conditions météorologiques instables avec donc des averses et des orages. Cette situation pourrait même s’inviter dès le week-end du 8 mai selon certains modèles météorologiques…à suivre donc !