Taxation du GNR : le torchon brûle avec Bercy

La profession cantalienne vent debout contre le projet gouvernemental de fiscaliser le gasoil non routier “alors que Bercy n’est pas capable de faire appliquer les lois Egalim”.

Les granges sont pleines, les cours des broutards comme des  réformes ont atteint de seuils inédits.... 2023 marquerait-elle la fin d’une longue période de vaches maigres pour les éleveurs cantaliens et une rentabilité enfin et durablement retrouvée ? Dans la salle de sessions de la Chambre d’agriculture, on aimerait y croire mais les graphiques projetés sont vite venus doucher les espoirs et confirmer la réalité économique vécue sur les exploitations : dans la foulée d’un repli (tout relatif) du coût de l’énergie et de perspectives d’une récolte mondiale de céréales record, l’indice Ipampa bovin - synthétisant le coût des engrais, de l’énergie et des aliments - enregistre certes une baisse sensible ces derniers temps, mais sur les douze derniers mois, les cours de ces intrants demeurent sans commune  mesure avec leur moyenne de la décennie 2011-2021 : + 97 % pour les engrais, + 47 % pour l’énergie, + 43 % pour l’aliment.
42 000 têtes en moins en un an
Ce qui explique que malgré l’embellie inédite sur les prix des animaux, l’écart avec les prix de revient ne soit pas encore comblé : il manque toujours près d’un euro du kilo sur les mâles salers croisés, 0,75 €/kg pour les vaches de réforme (R=). Pas de quoi enrayer la décapitalisation du cheptel bovin à laquelle le Cantal n’échappe plus : au 1er août, 42 000 têtes manquaient à l’appel dans les fermes du département par rapport à l’effectif de 2022 (- 1,4 % en moyenne par an depuis 2017).
La collecte laitière a elle aussi amorcé une chute sévère, consécutive à la baisse prononcée du cheptel :
72 millions de litres de moins ont été produits dans le Cantal en 2022 par rapport à 2014 (- 19 %), et, comme à l’échelle nationale, la tendance s’amplifie. Et ce alors qu’un sursaut est constaté en Europe, amenant à un repli des cours des produits industriels et par ricochets du prix lait (certes moins marqué en France). Le prix du lait conventionnel payé aux producteurs cantaliens tangente ainsi les 460 €/1 000 l (510 € en bio) quand l’estimation du prix de revient 2022 (Idele-Inosys) est à 495 €/1 000 l.  Conclusion tirée par les élus de la Chambre d’agriculture réunis vendredi : “On reste dans une situation fragile”, estime Joël Piganiol (FDSEA), et “au moindre coup de vent, on essaie de nous faire baisser les prix”, abonde sa secrétaire générale Delphine Freyssinier. En ligne de mire, les pratiques des opérateurs de l’aval, mais désormais aussi et surtout, une “entreprise de déstabilisation” enclenchée selon eux par le ministre de l’Économie et des Finances, avec lequel le divorce est définitivement consommé. Si la passion n’a jamais été au rendez-vous avec l’ancien locataire de la rue de Varenne, les déclarations de Bruno Le Maire font sortir les responsables syndicaux de leurs gonds surtout quand les actes suivent des paroles.
Plus d’Egalim, moins de fiscalité
Dernier en date : le projet de Bercy de fiscaliser le GNR (gasoil non routier) à l’horizon 2030 dans le cadre d’un plan d’économie, “sauf qu’il n’y a à ce stade aucune alternative à l’utilisation du GNR comme source d’énergie sur le matériel agricole”, a tancé le président de la FDSEA, tandis que pour Patrick Bénézit (FNB), ces assauts répétés contre l’agriculture et l’élevage pourraient rapidement conduire à des mobilisations syndicales. Dans une motion, votée à l’unanimité par la Chambre, la FDSEA a donc demandé le maintien de la défiscalisation du GNR agricole pour les filières dont les coûts de production ne sont pas couverts. Et c’est là une autre critique cinglante adressée à Bruno Le Maire : faire passer la grande distribution pour le chevalier blanc de la lutte contre l’inflation, quitte à s’asseoir allègrement sur les lois Egalim, le syndicat réclamant une nouvelle fois aux pouvoirs publics “une position ferme, pour leur mise en œuvre au plus vite”.
Radicalisation
De la fermeté, c’est ce que Joël Piganiol a aussi requis à l’encontre des agresseurs d’un “collègue agriculteur, responsable professionnel de Loire-Atlantique”, qui ont tagué et incendié un de ses bâtiments et du matériel de pulvérisation, dans la nuit du 3 au 4 septembre. L’éleveur cantalien a d’ailleurs mis en garde contre la montée en puissance de cette “radicalité dangereuse”. Enfin, c’est de la clarté et du courage qui sont attendus de la part de l’État français en profitant de la brèche ouverte par la présidente de la Commission européenne (lire L’union des 6 et 9 septembre), pour juguler
l’expansion de la population lupine et la prédation qui en découle sur les cheptels ovins mais aussi bovins : depuis le début de l’année, 11 attaques ont été recensées dans le Cantal qui ont fait 41 victimes dont 2 veaux.