Tomate hors-sol ou de pleine terre : la bataille du goût

Oui ou non, comme le croient la plupart des consommateurs, la tomate de pleine terre est-elle meilleure que la tomate hors-sol ? Lors de la journée nationale tomate-concombre organisée par le CTIFL en septembre dernier, Valentine Cottet, analyste sensorielle, a présenté les résultats de plusieurs travaux scientifiques sur la qualité gustative des tomates. Notamment une étude sur l'influence du mode de culture.

« Les tomates hors-sol ne sont pas... bonnes ». Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire... Oh ! Dieu !... bien des choses en somme… En variant le ton, par exemple, tenez : nostalgique : « Rien ne vaut la tomate du jardin de mémé » ; esthète : « Le hors-sol, quelle faute de goût » ; patrimonial : « C'est le terroir qui fait la saveur » ; chauvin : « La tomate hollandaise n'a goût de rien » ; ésotérique : « La plante a besoin d'un ancrage tellurique » ; anticapitaliste : « Les producteurs ne pensent qu'au rendement » ; Jean-Pierre-Coffien : « Les tomates d'aujourd'hui ...c'est de la m... ».

Mais, si le nez de Cyrano était réellement grand, est-il certain que les tomates de pleine terre soient meilleures que les tomates hors-sol ? Le mode de culture a-t-il une influence sur la qualité gustative de la tomate ? Cette question est cruciale car les consommateurs adorent les tomates : elle est le légume frais le plus consommé en France, avec 14 kg par personne et par an (même si botaniquement la tomate est un fruit).

Quatre fois plus de rendement en serre hors-sol chauffée

Ces tomates que les consommateurs plébiscitent sont majoritairement produites en hors-sol, sous serres chauffées(1) : c'est le cas de huit tomates sur dix en France. La productivité en serre hors-sol chauffée est quatre fois supérieure à celle des tomates de pleine terre sous abris (60 kg/m2 contre 15 kg/m2, de quoi faire rêver bien des jardiniers). Un certain nombre de consommateurs s'interrogent sur ce mode de production, sur ses impacts énergétiques et environnementaux, mais aussi sur la qualité gustative des fruits produits.

Le 22 septembre dernier, lors de la journée nationale tomate-concombre organisée par le CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes), à Carquefou (44), Valentine Cottet, analyste sensorielle, a présenté les résultats d'une étude destinée à trancher, une fois pour toute, la question de l'influence du mode de production sur la qualité gustative des tomates.

Valentine Cottet, analyste sensorielle au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, est spécialiste de la caractérisation gustative des tomates. (Photo Catherine Perrot)

Une étude dans laquelle seul le mode de culture varie

Pour cela, les chercheurs ont mis en place, sur deux années d'expérimentations, les dix mêmes variétés de tomates, de cinq types différent : grappe, cœur(2), allongée, cornue, et côtelée, avec les mêmes dates de semis, la même conduite post récolte, chez trois producteurs différents. Chaque producteur conduisait les mêmes variétés en terre sous abri, et en hors-sol sous serre. Au total, 44 lots de tomates de 10 variétés ont été caractérisés à plusieurs dates de récolte (précoce, saison, ou tardive), par analyse chimique et par analyse sensorielle par un jury entraîné à l'évaluation des descripteurs de la tomate.

L'analyse chimique détecte des différences entre tomates conduites en hors-sol et tomates de pleine terre, mais l'ampleur de ces différences dépend de chaque variété et de la période de récolte. Par exemple, la variété côtelée Marbonne est plus acide en hors-sol qu'en pleine terre en mai et juin, mais en septembre, c'est l'inverse. Globalement, l'analyse chimique n'établit pas de différences significatives entre les modalités sol et hors-sol. En revanche, elle établit que les tomates conduites en hors-sol sont plus régulières.

En France, 4 tomates produites sur 5 le sont en serres verre et hors-sol. Un mode de production économe en eau, en produits phyto, en occupation des terres, mais gourmand en énergie. (Photo Catherine Perrot)

Et la préférée est...

L'évaluation sensorielle fait la même constatation : il n'y a pas de différence significative en texture, en acidité, en sucres ou en arômes, entre les modalités sol et hors-sol. La seule différence est que les tomates conduites en pleine terre sont plus variables que les tomates conduites en hors-sol. Lorsqu’on interroge les consommateurs sur leur appréciation globale, sur une échelle de 1 à 9, la moyenne est à 6,5 pour les tomates hors-sol et 6,7 pour les tomates de pleine terre. La différence n'est pas significative. En revanche, la variabilité est plus importante pour les tomates de pleine terre (les notes vont de 3 à 9) que pour les tomates hors-sol (note de 5 à 8). Moralité : la tomate de pleine terre est la meilleure. Mais c'est aussi la moins bonne.

(1) Même si les serres sont chauffées, il n'y a généralement pas de production de tomates en hiver.

(2) Le segment « cœur » peut représenter aussi bien des variétés hybrides que la variété « cuor di bue », la seule vraie cœur de bœuf.