Tourisme à la ferme (4/4) : L'été, la saison des produits des fermiers
Pour beaucoup d'agriculteurs qui vendent en direct leur production, la période estivale est l'occasion de conquérir une nouvelle clientèle. A condition d'aller là où elle se trouve : dans les stations balnéaires, sur les marchés de terroir, voire, dans les campings !
Chaque jeudi de l'été, Karine Lebas, vigneronne en Pays nantais, se lève à l'aube pour faire les près de deux heures de route qui la séparent du marché du Croisic (44), où elle a son stand. Elle y propose du muscadet et des vins de pays, produits par elle et son époux à Maisdon-sur-Sèvre, à l'autre extrémité du département de Loire-Atlantique. Cette délocalisation estivale du chais est une tradition « depuis au moins 10 ans », rapporte t-elle. « Nous avons à présent une clientèle d’habitués, beaucoup ont des maisons secondaires dans le secteur. J'ai des clients qui viennent tous les jeudis chercher leur ravitaillement pour les vacances ».
Des clients intéressés par le circuit court
Pour la viticultrice, qui vend essentiellement en direct sa production, le marché du Croisic est un débouché « qui tourne plutôt bien », même si l'année dernière, « avec la crise sanitaire, les gens étaient assez réticents à venir au marché ». Cet été, Karine Lebas a remis en place des dégustations, avec gobelets jetables, et constate que les clients sont toujours très intéressés par l'aspect « circuits courts » : « Ils nous demandent si c'est bien nous qui produisons tous ces vins ».
Ce qu'elle vend le plus n'est pas le muscadet, l'appellation phare de la région, mais des vins de pays, blancs, rosés et rouges. Même si elle estime que le contact avec les clients est le même qu'au caveau (certains viennent au caveau après avoir connu le domaine au marché), la viticultrice apprécie particulièrement l'ambiance estivale et détendue du marché, et la rencontre avec les autres exposants.
Bienvenue à la ferme sur les marchés
L'ambiance décontractée, c'est aussi ce qui caractérise les marchés des producteurs de pays estivaux. Marque appartenant au réseau des chambres d’agriculture, les « Marchés des producteurs de pays » sont mis en place dans différents départements par le réseau Bienvenue à la ferme. Il n'est pas obligatoire d'être adhérent du réseau pour y participer, mais il est nécessaire d'être producteur. « Sur nos marchés, il n'y a aucun achat-revente, ce ne sont que des produits fermiers », commente Guylène Barré, conseillère en charge de ces marchés à la chambre d'agriculture de Vendée.
Les Marchés des producteurs de pays ont lieu toute l'année, mais la période estivale voit leur nombre augmenter et leur forme varier. « On passe de marchés d'approvisionnement à des marchés plus festifs, poursuit Guylène Barré. Ils ont lieu plutôt le soir, souvent de 17h à 23h, et proposent souvent une restauration sur place. Les producteurs doivent donc adapter leur offre, apporter des planchas pour griller leurs viandes, ou proposer des produits prêts à consommer ».
Ces marchés sont loin d'être réservés aux grandes stations touristiques. Au contraire, ils ont souvent lieu au cœur des villages, où ils sont associés à des fêtes locales : « Ce soir, je suis à Carlencas et Levas », confiait le 23 juillet dernier Hélène Jaillant, qui gère les Marchés des producteurs de pays à la chambre d'agriculture de l'Hérault, « c'est un petit village de 130 habitants, mais nous attendons quelque 300 personnes ! »
« Nos producteurs ont de quoi fournir tout le repas, de l'entrée au dessert, avec des huîtres, des escargots, de la viande bovine, des légumes, des fruits, du pain, du miel, des glaces, du vin ; la municipalité propose un lieu, des tables, des chaises, une animation musicale : tout est réuni pour un bon moment convivial », se réjouit la conseillère.
Du temps et du goût pour les échanges
« Les vacances, c'est la période idéale pour vendre des produits fermiers : les gens ont du temps pour déguster les produits et échanger avec les producteurs, et c'est aussi la période où nous avons la plus grande diversité de produits, poursuit Hélène Jaillant. Pour les producteurs en circuits courts, c'est une saison très intense, avec des investissements en équipements et en temps. Mais cela génère du chiffre d'affaires et cela leur permet de se faire connaître ».
« Les consommateurs aiment ce lien direct avec les producteurs, estime aussi Lise Guilloton, conseillère en circuits courts à la chambre d'agriculture de Vendée. Certains vont sur les marchés, d'autres n'hésitent pas à aller dans des fermes, souvent guidés par les offices de tourisme qui jouent bien le jeu et relayent les adresses et les animations ».
Mais lorsque les estivants ne vont pas à la ferme, il arrive que ce soit la ferme qui vienne à eux. C'est le cas par exemple de la Ferme en bocage, un élevage de volailles en plein air, situé à L'Oie, en Vendée. Pour la deuxième année consécutive, Aurore Réveiller et Nicolas Delaunay, les deux jeunes associés, proposent leurs poulets rôtis chaque semaine, directement dans des campings.
« Le meilleur moyen d'atteindre les touristes, c'est d'aller les voir, confie Aurore Réveiller. Les gérants de camping sont satisfaits car cela leur fait de l'animation, et pour nous, cela compense l'arrêt estival de certains marchés. Toutefois, avec le Covid et les clusters l'an dernier, et le Pass sanitaire cette année, l'affluence dans les campings diminue, ce qui influe sur notre niveau de vente. Malgré tout, cette présence dans les campings nous permet de prendre le temps d'expliquer nos pratiques aux clients. Nous avons beaucoup de questions sur l'abattage, sur l'alimentation, sur nos choix de modes de production. Et nous avons beaucoup de retours positifs ! ».
