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Vergers maraîchers : multi-performants et multi-techniques
De plus en plus de maraîchers en circuits courts souhaitent implanter des arbres dans leurs parcelles de légumes, pour bénéficier de services agronomiques et d'une production complémentaire. Ce principe du « verger maraîcher » fait l'objet d'études techniques pour aider à la conception des systèmes les plus efficaces possibles.
Faire cohabiter des arbres fruitiers avec des cultures légumières pour intensifier la production à l'hectare et bénéficier de synergies entre espèces végétales : la pratique n'est pas vraiment nouvelle et elle est même courante dans beaucoup de pays tropicaux. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est le regain d'intérêt pour cette pratique en France.
Des projets ambitieux
« Les porteurs de projet d'installation en maraîchage diversifié sont désormais majoritaires à vouloir associer des fruitiers à la production maraîchère, alors que ce n'était pas le cas il y a 10 ans », explique François Warlop, agronome au Grab (Groupe de recherche en agriculture biologique) à Avignon (Vaucluse).
Les raisons de cet engouement sont multiples. La première, c'est une demande importante des consommateurs pour des fruits à noyaux au sein des circuits alimentés par les maraîchers de proximité. Répondre à cette demande constitue l'opportunité, pour des producteurs souvent installés sur des petites surfaces, d'augmenter et de diversifier leurs revenus.
L'intérêt pour les vergers maraîchers vient également du développement de l'agroforesterie et de la reconnaissance de plus en plus documentée de ses bénéfices agronomiques. Ce principe des « plantes de services » est familier pour des maraîchers qui parient déjà sur la diversification des espèces cultivées pour produire des légumes avec peu ou pas d'intrants phytosanitaires.
Dans leurs systèmes de production, les maraîchers peuvent ainsi compter sur un certain nombre d'avantages agronomiques procurés par les arbres : un effet brise-vent, de l'ombrage, une augmentation de l'humidité de l'air, un environnement plus favorable aux auxiliaires, un décompactage du sol (grâce au puissant système racinaire des arbres), une meilleure disponibilité des nutriments...
Bâtir un guide à partir des références de terrain
Devant l'engouement et le développement de la pratique des vergers maraîchers, un projet de recherche multi-partenaires a été conduit entre 2014 et 2017 pour recueillir et compiler des références techniques et économiques auprès de producteurs, de conseillers et de chercheurs : le projet Smart (Systèmes mixtes agroforestiers : création de références techniques & économiques). Il a donné naissance à un guide de conception d'un verger maraîcher.
Ce guide est toutefois loin d'être un livre de recettes toutes faites, tant les études montrent que les vergers maraîchers en place sont tous différents, selon les contextes pédo-climatiques, fonciers, économiques, ou encore humains... La conception d'un verger maraîcher demande en effet une bonne réflexion en amont, autour de la compatibilité des espèces (ne pas engendrer de concurrence sur l'eau ou les minéraux, ne pas faire trop d'ombre), du nombre d'arbres à planter, des calendriers de travail... Le résultat est souvent une affaire de compromis.
Les arbres, c'est technique !
Un point important souligné par François Warlop est le besoin de formation en arboriculture pour les maraîchers : « Il faut apprendre à tailler, à éclaircir, à surveiller les arbres. C'est pendant les premières années de mise en place des fruitiers que tout se joue, et il faut accepter de passer du temps sur ses arbres quand ils ne sont pas en production ».
Durant les enquêtes, d'autres services ont été évoqués par les exploitants : notamment une protection apportée par les arbres contre le gel et un service de nature sociale : il est plus agréable de travailler dans des parcelles arborées, ombragées et mieux délimitées.
Le rôle des arbres dans l'hébergement des auxiliaires a également été rapporté et ce point a fait l'objet d'expérimentations dans le cadre d'un projet de recherche récent, labellisé Ecophyto : Empusa (Evaluation de la multi-performance en systèmes agroforestiers à base de fruitiers). Des cartes de prédation ont été réalisées sur les arbres comme sur les légumes, sur des proies sentinelles et sur des proies artificielles (chenilles en pâte en modeler). Sur deux années de mesure, on note une augmentation de la prédation (parfois faible, parfois élevée) dans les vergers maraîchers, par rapport aux parcelles de légumes seuls ou d'arbres seuls.
Au sein du Grab, les travaux de recherche se poursuivent, notamment au sein du verger maraîcher expérimental de la station, dans lequel des visites sont régulièrement proposées (les prochaines ont lieu les 17 avril, 15 mai et 2 octobre). Selon François Warlop, il n'existe pas encore de quantification exacte des vergers maraîchers en France : « On compte environ 200 vrais vergers maraîchers, mais peut-être plus, car beaucoup de lycées agricoles en ont mis en place également ». Ce nombre devrait prochainement augmenter, au vu des nombreux projets en cours.