Vers une révision du mécanisme du prix d’entrée des tomates marocaines ?

Face à une offre marocaine réorientée sur les variétés de tomates cerises à plus forte valeur ajoutée, concurrençant la tomate française en période de production, un rapport ministériel invite les autorités françaises et européennes à revoir les termes de l’accord entre l’UE et le Maroc datant de 2012.

A l’automne dernier, le ministère de l’Agriculture a confié une mission flash au Conseil général de l’agriculture de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) afin de mieux connaitre et d’objectiver les flux physiques de tomates. Un exercice pas aussi simple qu’on pourrait l’imaginer, compte-tenu de « l’effet Perpignan ». Des tonnages importants de fruits et de légumes marocains transitent en effet vers la plateforme logistique routière internationale Saint Charles international (SCI) à Perpignan (Pyrénées-Orientales), véritable hub de dédouanement et de réexpédition des fruits et légumes en UE. Ils sont enregistrés en France par les douanes françaises comme étant une importation extra-UE, puis réexpédiés vers un autre pays européen et considérés et enregistrés par les douanes françaises comme une exportation française vers un autre pays européen.

Evolution en valeur des importations de tomates originaires du Maroc par catégorie douanière (Source : CGAAER)
Evolution en valeur des importations de tomates originaires du Maroc par catégorie douanière (Source : CGAAER)

 

Il n’est pas anodin de noter que les missionnés n’ont pas obtenu de réponses des dirigeants de Saint Charles international dans les délais impartis, et qu’ils ont dû recourir à des croisements de données pour établir leurs estimations. Résultats : pendant les pics de production française, période à laquelle les importations de tomates marocaines sont les plus basses, le volume de tomates marocaines pour mise en marché en France représentait en moyenne 18% des volumes de productions français en 2023 et 20% en 2024. « On constate à partir de ces données que les importations de tomates cerises marocaines ont connu en valeur une croissance quasi exponentielle depuis 2015 et supplantent largement les autres catégories de tomates importées du Maroc depuis 2021 », lit-on dans le rapport.

Evolution du prix TTC en €/kg de la tomate cerise en barquette de 250g (Source CGAAER)
Evolution du prix TTC en €/kg de la tomate cerise en barquette de 250g (Source CGAAER)

Sur les étals des grandes et moyennes surfaces (GMS) la barquette de 250 grammes origine Maroc est proposée à 0,99 €, soit 3,96€ le kilo, ce qui correspond peu ou prou au prix auquel les producteurs français vendent leur tomates cerises aux GMS, ce qui porte le prix consommateur entre de 8 à 10€ le kilo, soit 2 à 2,5 fois plus que la tomate marocaine du fait de la marge des distributeurs. Bref, le contournement en tout point légal du mécanisme de valeur forfaitaire à l’importation porte tort aux producteurs français en pleine saison de production. « La pression exercée par la concurrence des tomates marocaines pourrait s’accentuer dans les prochaines années », écrivent les missionnés, sous l’effet de la croissance des surfaces cultivées au Maroc, en particulier, au Sahara occidental, même si un arrêt rendu le 4 octobre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne est susceptible de contrarier ces flux commerciaux, en imposant d’étiqueter le mention « Sahara occidental » et non « Maroc » les produits en étant originaires.

Les recommandations du rapport

Si le rapport invite à « explorer les pistes possibles pour réduire les coûts de main d’œuvre » en France, il se fait plus insistant sur le nécessité de réviser le prix d’entrée fixé dans l’accord d’association. A l’initiative de l’Espagne, de nouvelles nomenclatures pour les tomates fraiches de calibre inférieur à 47mm sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier, sans toutefois isoler spécifiquement les tomates cerises de petit calibre (25 mm). Si elles sont de nature à mieux documenter les importations en saison, elles n’ont en rien modifié les valeurs forfaitaires à l’importation et des prix d’entrée différenciés en fonction des variétés de tomates fraîches, ce que regrettent les auteurs du rapport.

 

Outre la réactivation du Comité mixte franco-marocain pour les fruits et légumes, les missionnés estiment que « les nombreuses échéances bilatérales prévues en 2025 entre les autorités françaises et marocaines pourront fournir des occasions de soulever ces questions », citant Fuit Logistica à Berlin et le Salon de l’agriculture à Paris. « Une évolution du mécanisme du prix d’entrée de l’UE vers une prise en compte dynamique des évolutions de marché serait un signal positif donné aux producteurs européens de fruits et légumes, et accroitrait la crédibilité de la politique commerciale menée par l’UE dans le contexte actuel sensible », concluent les rapporteurs.