Vincent Claeys : « Je gagne plus comme chauffeur à mi-temps chez Lactalis qu'avec mes bêtes »

[SIA 2025] Depuis plus de 20 ans, Vincent Claeys mène une double vie de chauffeur collecteur de lait et d’éleveur. Un statut que son fils pourrait perpétuer bon gré mal gré, à défaut de pouvoir vivre à 100% de sa passion.

« Je suis double actif mais je ne touche qu’une seule paie ». Ainsi s’exprime Vincent Claeys, affairé autour de Spiderman et de Raffinée, les deux bêtes qu’il présente au Concours général de la Rouge des Prés. « C’est la deuxième fois que je viens à Paris, c’est beaucoup de travail, pas mal de frais mais aussi une grande fierté et quelques retombées », explique l’éleveur, jonglant avec les différents outils de toilettage, et qui s’est mis en congé de Lactalis pendant une semaine.

Pour la première fois de sa vie, l’éleveur a manifesté l’hiver dernier, en passant la nuit dans son tracteur en lisière de Roissy
Pour la première fois de sa vie, l’éleveur a manifesté l’hiver dernier, en passant la nuit dans son tracteur en lisière de Roissy

Depuis des décennies, il collecte le lait pour le groupe laitier tout en menant son troupeau de 40 mères sur 72ha à Noroy (Oise). « Mes parents faisaient du lait mais j’ai arrêté en reprenant la suite pour des questions de mise aux normes ».

"Avec 35 vaches, mes parents ont pu vivre et élever leurs deux enfants mais moi je n’ai jamais tiré d’argent de ma ferme"

Les Rouges des Prés succèdent alors aux « noires et blanches » mais l’éleveur ne lâchera pas son métier de chauffeur. « Avec 35 vaches, mes parents ont pu vivre et élever leurs deux enfants, sans rouler sur l’or certes tandis que moi je n’ai jamais tiré d’argent de ma ferme, c’est quand même malheureux. Je peux vous ouvrir mes comptes », dit-il, à l’appui de ses déclarations. Pour la première fois de sa vie, il a manifesté l’hiver dernier, en passant la nuit dans son tracteur en lisière de Roissy. « Tout ça pour rien », Pas question pour autant de lâcher les terres et les bêtes, ancrées dans les gènes depuis plusieurs générations. 

Pour venir au Salon, l’éleveur s’est mis en congé de Lactalis pendant une semaine
Pour venir au Salon, l’éleveur s’est mis en congé de Lactalis pendant une semaine

En remontant dans l’arbre généalogique, on trouve même un certain Louis Claeys, à l’origine de la première moissonneuse-batteuse automotrice (Claeys MZ) fabriquée en Europe. Depuis quelques années, l’éleveur, âgé de 57 ans, est passé à mi-temps chez Lactalis. « Je gagne toujours plus comme chauffeur que sur la ferme, et pour la retraite, ça sera pareil ». La retraite, il la programme d’ici quatre à cinq ans voire avant car fon fils Clément est sur les rangs pour reprendre le flambeau. « Aujourd’hui, je me gratte la tête pour la ferme et demain, je continuerai de me gratter la tête pour mon fils », dit-il, traversé par un double sentiment de satisfaction et d’inquiétude.

"La terre est bien trop chère, c’est ça qui va nous tuer tout doucement "

Clément est aujourd’hui salarié dans un élevage et pourrait lui aussi endosser l’habit de double actif, l’exploitation familiale n’ayant pas la taille critique pour rémunérer un temps plein, « malgré la hausse du prix de la viande », note l’éleveur, qui tire aussi quelques fruits de son travail de sélection. « Il ne faut pas espérer s’agrandir, la terre est bien trop chère, c’est ça qui va nous tuer tout doucement »