Négociations commerciales : agro-alimentaire et distributeurs toujours en désaccord

Les industriels de l'agroalimentaire ont affirmé que "rien n'a changé" dans les négociations annuelles avec la grande distribution, qui a assuré pour sa part que ces discussions se déroulaient"globalement mieux", avant un point d'étape mercredi à Bercy sur l'application d'une loi censée pacifier le processus.

"La réalité (...) cette année s'avère aussi terrible que les années précédentes: demandes de baisses de prix systématiques de la grande distribution à l'encontre des entreprises alimentaires, pressions, chantage, menaces de sorties de rayons pour vos produits si vous n'acceptez pas les conditions imposées... et déjà le signalement de premiers contournements de la loi qui vient tout juste d'être mise en application!", dénonce l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), dans un communiqué.  

"Ce constat inquiétant sera partagé dès aujourd'hui lors du Comité de suivi des relations commerciales organisé par Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances et Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation", assure l'Ania. "Parce que nul n'est au-dessus des lois, nous appelons les pouvoirs publics à faire respecter la loi Egalim (états généraux de l'Alimentation, NDLR) et à sanctionner durement les infractions et contournements abusifs", ajoute l'association.

pas de visibilité

Le constat de l'Ania s'appuie sur un Observatoire des négociations commerciales synthétisant "les retours de plus de 450 entreprises alimentaires de toutes tailles (95% de PME-ETI) et de tous secteurs". Selon cet observatoire, 96% des entreprises sondées estiment que la situation avec leurs clients de la grande distribution n'est pas meilleure, voire s'est dégradée, par rapport à l'an passé, et près de la moitié des entreprises n'ont toujours pas de visibilité sur leurs plans d'affaires 2019, à seulement 15 jours de la fin des négociations. Les entreprises sont 77% à témoigner de "demandes de baisses de prix systématiques" et 71% des entreprises qui ont formulé des demandes de hausses de prix justifiées par des hausses de coûts de matières premières agricoles déclarent que ces demandes "n'ont pas été prises en compte".  

Enfin, 72% des répondants estiment que "les distributeurs ne respectent que partiellement, voire très peu, les dispositions de l'ordonnance sur l'encadrement des promotions", pilier de la loi Alimentation. Cette loi doit redonner du revenu aux agriculteurs. Une première ordonnance publiée en décembre impose à la grande distribution que les produits issus de l'agriculture soient vendus au moins 10% de plus qu'ils n'ont été achetés, pour que leurs coûts de distribution soient pris en compte et qu'ils ne soient plus vendus à perte. Elle prévoit également des mesures pour encadrer les promotions. Les agriculteurs attendent également la publication d'une deuxième ordonnance qui doit établir le niveau des prix "abusivement bas". Lors d'une table-ronde au Sénat dans la matinée, le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel, a assuré pour sa part que "globalement, les choses se passent mieux que les années précédentes".

transparents ou pas ?

En revanche, il n'est pas question de déflation, a-t-il annoncé, parlant plutôt de "demandes d'augmentation de tarifs de +4% en moyenne", avec notamment "des hausses complètement déconnectées des matières premières". Néanmoins, un certain nombre de contrats ont déjà été signés, a-t-il précisé: "entre 15 et 40% de contrats avec les PME, et entre 20 et 30% pour les grandes marques nationales". Thierry Cotillard, le président d'Intermarché, a quant à lui souligné avoir "vu une vraie différence par rapport à l'année dernière, avec des industriels qui ont joué le jeu de la transparence". Avec ceux-là, a-t-il ajouté, "nous avons été assurés que les augmentations de tarifs que nous acceptions n'allaient pas au profit des comptes d'exploitation des industriels mais allaient bien à la meilleure rémunération des agriculteurs".  

S'agissant du sujet sensible du lait, M. Cotillard a ainsi précisé que l'ensemble des acteurs avaient estimé qu'il "fallait y aller par étapes, en définissant un prix de 375 euros les 1.000 litres". Secrétaire général des centres E. Leclerc, Stéphane de Prunelé a pour sa part souligné que les accords signés par le groupement avec Danone et Lactalis "nous paraissent vertueux mais pas transparents, car le prix décidé n'est qu'un prix d'objectif". "En aucun cas, nous n'avons de garantie contractuelle de la part des industriels sur le fameux ruissellement", a-t-il ajouté, parlant du "caractère pervers" du relèvement du seuil de revente à perte (SRP), qui ne sert "qu'à augmenter le prix des produits des multinationales".