Foamstream, une alternative au glyphosate prometteuse

Développé par Weedingtech pour des applications urbaines, le désherbage thermique à base de mousse biodégradable a donné des résultats probants dans le vignoble charentais. Reste à adapter le concept de la ville à la vigne et à lever les interrogations sur les débits de chantier et les consommations d’eau et d’énergie.

« La mousse Foamstream s'est avérée aussi efficace que le glyphosate, sur tout type de flore, avec une bonne rémanence, en dépit d'une pluviométrie cumulée un peu exceptionnelle de 390 mm entre le 14 mars et le 6 septembre ». C'est ce qui s'appelle se faire mousser. Sauf que cette déclaration liminaire émane de Laëtitia Caillaud, conseillère en viticulture à la Chambre d'agriculture de Charente-Maritime, et ingénieure réseau Dephy-Ecophyto. En 2018, la conseillère a mené un essai dans deux parcelles à la flore distincte, comparant la mousse Foamstream au programme chimique du viticulteur accueillant l'essai (Katana et glyphosate au 1er passage puis glyphosate) ainsi qu'à un témoin non traité. L'application de mousse était réalisée au moyen d'une machine Weedingtech mise à disposition par Ouvrard Charentes, distributeur de la marque sur son secteur. A noter également le rôle inédit d'un titre de presse, à savoir le mensuel régional le Paysan Vigneron, à l'initiative de l'essai et investi dans son suivi avec moult relevés photographiques.

Effet thermique doublement renforcé

Le principe de la mousse à rétention thermique n'est pas nouveau. Il a été développé il y a plus de 20 ans par la société néo-zélandaise Waïpuna Systems, avant d'être repris en 2011 par la société anglaise Weedingtech. Dans plus de 20 pays à travers le monde, il est mis à profit par les collectivités pour assurer le désherbage des espaces publics, interdits aux herbicides chimiques depuis le 1er janvier 2017 en France (Loi Labbé). L'eau, froide ou chaude, sous pression ou pas, peut en effet avoir des propriétés herbicides, mises à profit par plusieurs constructeurs (Caffini, Cornu, Oeliatec...) ou exploré par des programmes de recherche tels que Dockweeder. La singularité de Weedingtech réside dans l'adjonction de sucres et d'huiles, renforçant l'effet thermique. « Foamstream est fabriqué à partir d'huiles et de sucres végétaux issus de colza, de maïs, de blé, de pommes de terre ou encore de noix de coco », déclare Sébastien Cornuaud, directeur France de Weedingtech. « Les sucres et les huiles ont la propriété de créer un effet choc thermique, plus important que celui généré par de l'eau seule. La température de l'eau en sortie de lance est volontairement maintenue sous 100°C, plus précisément entre 95°C et 98°C, ce qui permet de générer une mousse épaisse qui a pour effet de ralentir la baisse de température. On considère en effet que l'effet herbicide de l'eau chaude s'estompe en dessous de 57°C. Grâce à la mousse, on s'assure d'une exposition des mauvaises herbes à la chaleur comprise entre 10 et 20 secondes selon les conditions ».

Trois à quatre passages

Visuellement, l'effet herbicide est relativement rapide. « Un changement de couleur s'opère dans les cinq minutes suivant le traitement » indique Laëtitia Caillaud. « S'ensuit un étiolement dans les heures suivantes. Toutes les adventices, sans exception, sont fanées dans les deux jours suivants. C'est assez spectaculaire L'une des parcelles était majoritairement infestée de ray-grass tandis que l'autre arborait une flore traditionnelle diversifiée faite de laiteron, chardon, géranium, pissenlit, pâturin etc.  Pour autant, la mousse n'a pas un effet herbicide définitif sur toutes les mauvaises herbes. Le ray-grass est reparti mais moins touffu. Nous avons réalisé quatre applications dans la parcelle à flore diversifiée contre trois dans la parcelle à ray-grass. Le viticulteur a désherbé à trois reprises le reste des parcelles ». Les intermèdes entre deux traitements ont oscillé entre 33 et 78 jours selon la pluviométrie. Weedingtech ne prétend pas éradiquer les adventices. Mais quelle technique – hors glyphosate - pourrait-elle s'en prévaloir ? L'efficacité est, sans surprise, meilleure sur jeunes pousses. Le risque d'accoutumance semble exclu. « La mousse Foamstream agit par contact et par systémie », indique Sébastien Cornuaud. « Elle affecte également les radicelles, dans les 3 à 4 premiers cm du sol. Comme toute solution herbicide, notre produit doit être jugé sur plusieurs années, d'autant que la première, on réveille la dormance de certaines graines sous l'effet conjugué de la chaleur et de l'eau ».

3 m3/ha en localisé sur le rang

L'eau, c'est justement potentiellement un des freins à la transposition du concept de la ville à la vigne, des trottoirs aux cavaillons. L'essai conduit dans le vignoble de Cognac a été réalisé au moyen d'une machine dévolue à l'entretien des espaces publics. Weedingtech propose deux solutions embarquées sur véhicule utilitaire, d'une capacité respective de 270 l et 780 l, avec chaudière à gaz ou a fioul pour la première et uniquement à fioul pour la seconde. L'application s'opère au moyen d'une lance diffusant l'eau mousseuse sur 35 cm de large. Dans ce cadre-là, la solution Foamstream (diluée à 0,3%) consomme 1 litre d'eau au m2. Soit 10 m3/ha en plein ou grosso modo 3 m3/ha pour un désherbage sur le rang. Une transposition que Weedingtech juge prématurée. « Je pense que l'équation ne sera pas la même et que le concept offre matière à réduire la consommation d'eau », estime Sébastien Cornuaud. « Nous avons sollicité les instances européennes pour soutenir financièrement la mise au point d'un prototype adapté à des usages viticoles et arboricoles. Si notre dossier est retenu, un prototype pourrait être opérationnel mi-2020 ».

Forte attente des viticulteurs

La Chambre d'agriculture de Charente-Maritime ainsi que les établissements Ouvrard Charentes escomptaient un prototype pour la campagne en cours. « Les viticulteurs sont en recherche de solutions », déclare Serge Hamon, directeur opérationnel chez Ouvrard Charentes. « Une maison comme Hennessy s'interdira l'usage d'herbicides d'ici à deux ans avant de l'exiger de ces apporteurs d'ici à dix ans. A titre personnel, je n'ai aucun doute sur l'intérêt de la technique, qui aurait en prime l'avantage de pouvoir être développée en Cuma et en prestation de service ». L'élaboration du prototype permettra de renforcer l'expertise du point de vue de l'efficacité et d'approcher d'autres paramètres cruciaux concernant le débit de chantier et les coûts. « La vitesse de travail devrait se situer aux alentours de 3 km/h », devise Sébastien Cornuaud. « Concernant le coût, on se situe entre 4 et 5 centimes par m2 en collectivité, pour les seuls consommables que sont le produit Foamstream et l'énergie. Si vous faites le calcul, on est rendu à 120 €/ha en traitant sur le rang. Mais, comme pour la consommation d'eau, je pense qu'il y a matière à optimiser ». A noter que la solution Foamstream détient des accréditations en agriculture biologique en Grande-Bretagne, en Allemagne ou encore en Suisse.

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