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Une ministre du Doubs, dans le dur, à la dure, et durable ?
[Edito] Il s’est écoulé 72 heures entre la nomination d’Annie Genevard au ministère de l’Agriculture et la « déflagration » Lactalis. Si la ministre affirme « ne jamais renoncer », ses marges de manœuvre politiques et budgétaires sont des plus étriquées.
« Si la ministre vient du Doubs, elle a compris qu’elle rentrait maintenant dans le dur ». Le président de la FNSEA ne croyait pas si bien dire au sortir de son premier entretien avec la nouvelle ministre de l’Agriculture le 25 septembre. Quelques heures plus tard, Lactalis annonçait en effet son intention de réduire de 8,8% d’ici à 2030 sa collecte de lait destinée à l’export, motivée par le recentrage sur les produits de grande consommation français, « mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux ». Une décision que le groupe qualifie de « difficile », alors qu’il était toujours parvenu à « collecter les surplus de lait en France et à les valoriser à l'international ». A quel prix, s’interrogeait toutefois la Commission des affaires économiques du Sénat, en 2022.
La goutte de lait
Le « ministère des crises », comme l’a baptisé Marc Fesneau lors de la passation de pouvoir après un bail de 28 mois, aura donc ménagé Annie Genevard pendant exactement 72 heures, séparant sa nomination de l’annonce de Lactalis. Une goutte de lait qui pourrait faire déborder le tank et faire tache d’huile, comme le redoutent les éleveurs. Elle constitue en tout cas un bien mauvais signal à l’endroit d’une filière qui, certes décapitalise, certes ne se renouvelle plus, mais maintient bon an mal an sa production et ses performances à l’export, sans menacer, à ce stade, la sacro-sainte souveraineté. Faut-il préciser, que la « déflagration », comme l’a qualifiée le président de la FNSEA, intervient sur fond de morosité pour ne pas dire de déprime, générée par les piètres récoltes de grains et de raisins et des épidémies à tout-va en élevage, en espérant que la peste porcine ne passe pas nos frontières.
A la dure
Après quasiment 10 semaines de vacance gouvernementale, inutile de dire que la ministre est assaillie de toutes parts, avec des requêtes d’ordre financier, catégoriel, structurel…Dans son unique allocution publique à ce jour, outre son « immense admiration » pour la profession, Annie Genevard a dit son intention de poursuivre le chantier de simplification normative et relancer le projet de loi d’orientation agricole, qu’elle avait voté. Mais la ministre va devoir composer avec une législature des plus périlleuses et un exécutif condamné au sevrage du « quoi qu’il en coûte ». Lors de la passation, l’élue du Haut-Doubs a déclaré : « Le fatalisme n’est ni mon tempérament ni mon engagement politique. Le déclinisme, la décroissance, le renoncement, c’est le contraire de ce que je suis. Je ne renonce jamais quand il s’agit de l’intérêt général ». Dans le dur mais à la dure.