Assurance climatique : après la solidarité nationale, place à la solidarité agricole

Après avril 2021 et avril 2022, il n’y a aura pas d’avril 2023. Non parce que le gel ne frappera pas mais parce que le système de gestion des risques sera réformé, avec une bonne dose de solidarité nationale, mais qui n’opérera qu’avec une bonne dose de solidarité agricole. Bruxelles y croit. Au point de redouter une forme d’aléa moral.

[Edito] Un an exactement après ce que le ministre de l’Agriculture avait qualifié de « plus grosse catastrophe agronomique du XXIème », le gel s’est rappelé au mauvais souvenir des arboriculteurs et viticulteurs, voire ici ou là des céréaliers, sur une grande partie du territoire. Le quart Nord-Est sera de nouveau en alerte ce week-end. Dans un réflexe désormais pavlovien, le gouvernement a ressorti sa vieille caisse à outils : fonds d’urgence, calamités agricoles, exonération de charges sociales, dégrèvement de taxe foncière sur le non bâti. Sans oublier le rituel témoignage de solidarité du Premier ministre et de son ministre de l’Agriculture. L’an passé dans le Midi, cette année dans le Tarn-et-Garonne.

Solidarité nationale... et agricole ?

Ce sera la dernière fois. En avril 2023 (jamais deux sans trois pour les superstitieux), la loi relative à la gestion des risques climatiques, promulguée le 2 mars dernier, sera opérationnelle. Finies les calamités agricoles et autres cataplasmes (mais sans doute pas les visites de solidarité). Place, à partir du 1er janvier 2023, au régime universel de couverture des risques avec la nouvelle assurance multirisque climatique pour des pertes grosso modo comprises entre 20% et 50% (les seuils par cultures restent à définir) et la solidarité nationale au-delà. Qu’on se le dise : il n’y aura pas d’autre filet de sécurité. Le système ne fait pas l’unanimité au sein de la profession, perçu par certains comme une prime aux assureurs. Et pourtant, pour qu’il soit efficient, il supposera l’adhésion massive des agriculteurs pour générer un effet de mutualisation, l’essence de toute assurance. Après la solidarité nationale, la solidarité agricole opérera-t-elle ?

La Commission européenne y croit

L’avenir le dira. Mais à l’heure où les évènements géopolitiques offrent peu de prises pour déjouer la flambée des prix de l’énergie, des engrais et de l’aliment, où une catastrophe sanitaire et économique telle que l’influenza aviaire confine à l’impuissance, il serait dommage de ne pas donner sa chance à un produit assurantiel, offrant une forme de bouclier, même critiquable, alors que les aléas vont crescendo.

Sur le sujet, la Commission européenne vient de donner du baume au cœur à nos gouvernants. Au détour de ses observations sur le Plan stratégique national rendu par la France en décembre dernier, l’exécutif européen « salue la volonté de la France de renforcer la résilience des exploitations et d’accompagner les agriculteurs en cas d’aléas », ainsi que « son approche plurielle combinant prévention, développement de la protection et recours aux outils de gestion des risques ». La Commission y croit tellement qu’elle redoute que les agriculteurs, trop bien assurés, ne relâchent leur vigilance sur les moyens de prévention des risques climatiques. Cela s’appelle l’aléa moral. Un comble que le gouvernement, même en rêve, n’aurait jamais imaginé.