"Au cœur des sols", futur prétendant au label bas carbone

L'Association pour la promotion d'une agriculture durable (Apad) escompte bien s’emparer de la future méthodologie répondant au Label bas carbone en grandes cultures, mais pas à n’importe quel prix. 200 adhérents labélisés "Au coeur des sols" par l’Apad sont dans les starting-blocks.

Après l’élevage bovin, les haies et les nouveaux vergers, les grandes cultures devraient dans les mois à venir disposer d’une méthode de certification des crédits carbone, reconnue par le ministère de la Transition écologique via son label LBC (Label Bas Carbone). Un précieux sésame officiel qui ouvre la voie à la rémunération des pratiques vertueuses en matière de décarbonation de l’agriculture, en jouant sur deux leviers : réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et/ou à maximiser la séquestration du carbone dans les sols. L’Agriculture de conservation des sols (ACS) joue sur les deux tableaux. En s’interdisant de travailler le sol, elle minimise la consommation de carburant ainsi que la minéralisation de la matière organique, même si le sujet prête à controverse. Avec une couverture végétale vivante alternant ou combinant cultures de rente et couverts végétaux, l’ACS force la séquestration. « La bibliographie fait état d’une fourchette comprise entre 0,5 t/ha/an et 2 t/ha/an », déclare Sophie Gardette, directrice de l’Apad. « Quant au carburant, on est sur un volant d’économie d’environ 60% comparativement à l’agriculture conventionnelle ».

L’ACS, trop forte dès le départ ?

L’ACS a cependant un gros défaut : quasiment au taquet s’agissant des émissions comme de la séquestration, elle n’a que peu marge de progression à faire valoir. Or les méthodologies de labélisation bas carbone reposent sur le principe de l’additionnalité, consistant à prouver l’amélioration de son bilan carbone entre deux diagnostics initiaux et finaux, réalisés en général à cinq ans d’intervalle. « Les échanges en cours avec les experts nous ont confortés dans le fait que la future méthodologie bas carbone en grandes cultures n’exclurait pas de fait les agriculteurs déjà en ACS, sous réserve bien entendu qu’ils  prouvent le caractère vertueux de leurs pratiques dès leur entrée dans le dispositif », indique Sophie Gardette. L’Apad avait largement anticipé le coup, en présentant voilà bientôt un an son propre label, baptisé "Au cœur des sols (ACS)", histoire de l’associer de près à l’Agriculture de conservation des sols. A ce jour, 200 adhérents de l'association ont décroché le label ACS et sont les candidats tout désignés pour tenter de décrocher le futur label officiel LBC, sous la férule de l’Apad. « Sitôt la méthodologie grandes cultures officiellement labellisée, nous nous porterons candidats au premier appel à projets pour faire accéder le maximum de nos adhérents au label LBC », poursuit Sophie Gardette. « Ils pourront enfin obtenir une reconnaissance et une gratification de leurs pratiques vertueuses ».

Vendre les co-bénéfices

"Nous avons un peu plus que des crédits carbone à vendre"

Depuis la sortie de son label ACS, les adhérents de l’Apad ont fait l’objet de nombreuses sollicitations de la part d’intermédiaires, désireux de faire le pont entre les agriculteurs et les entreprises et collectivités souhaitant soutenir des démarches de progrès, dans le cadre de la compensation volontaire. Les agriculteurs ont résisté aux sirènes, préférant patienter et s’adosser à un label officiel type LBC plutôt que de négocier de gré à gré avec des intermédiaires, avec le risque de ne pas valoriser correctement le fruit de leurs pratiques et de leurs efforts. « Nous avons un peu plus que des crédits carbone à vendre », souligne Sophie Gardette. « L’agriculture de conservation des sols a aussi des co-bénéfices à faire valoir en matière de biodiversité et de qualité de l’eau ».

Pour éclairer les agriculteurs sur les enjeux techniques, environnementaux et économiques attachés à la décarbonation, l’Apad multiplie les supports avec notamment l’édition d’un livre blanc, la diffusion d’une web-série (SAV du carbone) ou encore l’organisation récente d’un webinaire.