Au lycée agricole de Venours (86), un « club ferme » bras ouverts aux Nima

[SIA 2025] Non issue du milieu agricole (Nima), en classe de 1ère CGEA au lycée agricole de Venours (Vienne), Louane passe ses mercredi après-midi au « club ferme » créé par l’équipe de la ferme du lycée. Par passion mais aussi pour chausser les bottes des « filles et fils de » et tenter d'égaliser l'usure des crampons.

Sortie cinéma, séance de sport ou vide sanitaire du poulailler ? Louane : « vide sanitaire » ! Et on ne serait pas sérieuse à 17 ans ? Elève de 1ère CGEA au lycée agricole de Venours (Vienne), Louane Deville est l’une des adeptes du « club ferme » du mercredi après-midi, demi-journée normalement dévolue aux loisirs. Le club, c’est une création des responsables et salariés de la ferme du lycée. « Le programme de première et terminale réserve deux demi-journées hebdomadaires sur l’exploitation, pour des travaux pratiques ou des observations dirigées, explique son directeur Bertrand Minaud. Il y a également des stages d’immersion où les élèves réalisent tous les travaux de routine de l’exploitation. Le "club ferme", c’est un autre moment basé sur le volontariat ».

La jersiaise est une race réputée docile mais certains matins…
La jersiaise est une race réputée docile mais certains matins…

Si le club n’est évidemment pas réservé aux élèves non issus du milieu agricole, ces derniers y trouvent le moyen d’accroître leur pratique du métier et/ou d’assouvir leur passion naissante. Louane coche les deux cases.

"En fait je voudrais toujours être en stage"

Le club permet par exemple de se formaliser à la conduite des engins, dont sont plus familiers les « fils de ». « On ramasse aussi des cailloux », précise Sylvie Ecalle, salariée de l’exploitation, une des chevilles ouvrières du « club ferme », responsable des troupeaux (Holstein et Jersiaises), et des volailles, « J’adore ça, le "club ferme" , déclare Louane, ça me permet de compléter mon apprentissage, ça me fait de l’expérience, même si on a des stages par ailleurs. En fait, je voudrais toujours être en stage ». Autrement dit : non plus faire la fermière mais être la fermière.

"Comme tes parents sont pas agriculteurs, tu peux pas être agriculteur"

Il faut remonter aux arrière-grands-parents pour retrouver des attaches agricoles dans la famille de la jeune fille, qui attribue à cette filiation lointaine son attrait pour le métier. Problème : « comme tes parents sont pas agriculteurs, tu peux pas être agriculteur », s’est-elle souvent entendu dire. Après la troisième, Louane s’oriente ainsi vers le métier d’aide-soignante, avant de céder, irrémédiablement, à l’attraction terrienne un an plus tard.

Sylvie Ecalle, salariée de l’exploitation : « Les concours, c’est le moyen de montrer aux élèves que le métier d’éleveur ne réduit pas à travailler reclus chez soi ».
Sylvie Ecalle, salariée de l’exploitation : « Les concours, c’est le moyen de montrer aux élèves que le métier d’éleveur ne réduit pas à travailler reclus chez soi ».

Ses parents, un peu dubitatifs au départ (l’histoire agricole de la famille s’était achevée tragiquement) sont aujourd’hui les premiers supporters de Louane, aux côtés des équipes du lycée. « J’ai tout de suite été bien acceptée dans la classe », témoigne Louane, qui n’est pas un cas isolé : dans sa série de Bac Pro, les non issus du milieu agricole sont environ deux sur trois. Même bienveillance en stage en exploitation à l’égard d’une jeune fille, qui plus est menue. « Sur ce plan-là, le milieu agricole a beaucoup évolué ces dernières années », reconnait Sylvie Ecalle qui, avant de rejoindre le lycée de Venours il y a quelques années, avait pu pâtir de ce qu’il faut bien nommer du sexisme à la mode agricole.

C’est aussi par souci d’ouverture, mais pas seulement, que Sylvie Ecalle est à l’initiative de la participation du lycée à différents concours d’animaux depuis bientôt une dizaine d’années. « C’est le moyen de montrer aux élèves que le métier d’éleveur ne se réduit pas à travailler reclus chez soi », confie la responsable des troupeaux. Outre le très  local « La ferme s’invite » à Poitiers (Vienne), le lycée voyage de temps à autre au Space à Rennes (Ille-et-Vilaine) et donc à Paris, le saint des saints, avec cette année Sézarine, Hugo et Maxime, camarades de lycée de Louane.

Maxime, Louane, Sézarine et Hugo, sur le ring des bovins avec leurs jersiaises au Salon de l’agriculture (Crédit photo : Bertrand Minaud)
Maxime, Louane, Sézarine et Hugo, sur le ring des bovins avec leurs jersiaises au Salon de l’agriculture (Crédit photo : Bertrand Minaud)

La ferme du lycée présente au concours plusieurs jersiaises, une race de petit format et d’un tempérament plutôt docile parfaitement adaptée (on ne dira pas spécialement sélectionnée) pour les Nima. Bienveillance, ouverture, expérience… : au lycée de Venours, que l’on n’imagine pas un instant être une exception, tout est fait pour préparer la relève. Et à quoi se destine la Nima Louane, après son Bac, un BTS et quelques années d’expérience professionnelle ? « Je serai éleveuse ». On serait tenté d'attribuer une médaille d’Or collective à la communauté éducative, aux Nima, aux filles et aux fils de paysans, aux maitresses et maitres de stage.