Blé 2025 : il manque 30€/t pour couvrir les coûts de production

La récolte française retrouve des couleurs après une année 2024 catastrophique, mais les producteurs restent confrontés à un marché mondial saturé et des prix insuffisants.

Après avoir traversé une année 2024 particulièrement difficile, la production française de blé tendre affiche un net rebond en 2025, atteignant 33,4 millions de tonnes selon les dernières estimations d'Argus Media. Cette embellie quantitative ne suffit cependant pas à dissiper les inquiétudes des producteurs hexagonaux, confrontés à un marché mondial déprimé et des prix qui peinent à atteindre le seuil de rentabilité.

Des prix insuffisants malgré la reprise des volumes

Le prix du blé meunier est actuellement évalué à 193,50 €/tonne (base juillet rendu Rouen), un niveau qui reste bien en deçà des attentes des agriculteurs. Selon Argus Media, il manquerait environ 30 €/t aux producteurs pour simplement couvrir leurs coûts de production. Cette situation préoccupante s'explique notamment par une pression concurrentielle accrue sur le marché mondial et une parité euro/dollar défavorable aux exportations françaises.

"Nous assistons à un apparent retour à la normale de la récolte 2025 mais qui ne dissipe pas les inquiétudes des producteurs, confrontés à un marché déprimé", a déclaré Gautier le Molgat, président-directeur général d'Argus Média France, lors d'une conférence de presse le 28 août.

Un défi d'exportation sans précédent

Dans un contexte où la demande domestique et européenne reste stable, l'augmentation de la production française crée une nécessité d'exporter massivement vers les pays tiers. Pour équilibrer le bilan céréalier national, il faudrait vendre 9,5 millions de tonnes hors Union Européenne. Or, les analystes d'Argus ne prévoient que 8 millions de tonnes d'exportations, un objectif déjà considéré comme ambitieux.

Cette situation pourrait conduire à un stock final de 4 millions de tonnes, un niveau inédit depuis deux décennies en France. La perte du débouché algérien, sur fond de tensions diplomatiques, et la baisse des achats chinois compliquent davantage l'équation commerciale française.

Une diversification des marchés devenue impérative

Face à ces défis, la France doit impérativement consolider ses positions au Maroc et en Afrique subsaharienne, tout en explorant de nouveaux marchés. Les récents contrats signés avec l'Égypte et certains pays d'Asie du Sud-Est illustrent cette nécessaire diversification des débouchés.

À l'échelle européenne, le marché est lui aussi encombré. Des récoltes records en Espagne, Roumanie et Bulgarie accentuent la pression sur les prix. Pendant ce temps, la Russie et l'Ukraine continuent de dominer les échanges mondiaux avec des productions respectivement estimées à 86,1 et 21,9 millions de tonnes.

Le maïs n'échappe pas à cette dynamique baissière. Tandis que l'Union Européenne perd 4 millions de tonnes sur un an à cause de la sécheresse (55 millions de tonnes pour 2025), les États-Unis s'apprêtent à récolter un volume record de 412 millions de tonnes, soit 35 millions de plus que l'année précédente.

Perspectives prudentes

"Le marché mondial des céréales renoue ainsi avec la lourdeur des années 2016-2019, conclut Gautier Le Molgat. Seuls un sursaut de la demande, une rétention prolongée des producteurs mondiaux, une montée des tensions géopolitiques, des mouvements de devises, ou encore la météo de 2026 pourraient raviver la volatilité."