Une meilleure récolte de blé français mais le doute plane sur les exportations

En 2025, malgré une production de blé tendre en nette amélioration, la filière française doit composer avec des marchés export sous tension et des clients traditionnels en retrait. Xavier Cassedanne, ingénieur d’affaires spécialisé grains‪ au Crédit Agricole, décrypte les leviers, les risques et le rôle décisif des problématiques logistiques.

Il y aurait peut-être une brèche à saisir pour les exportations de blé tendre français. Pourquoi ? Parce que les premières coupes et moissons en Russie ne se déroulent pas aussi bien que prévu, notamment dans les zones où se trouvent les silos portuaires comme Krasnodar ou Rostov. Les rendements sont faibles, ce qui risque de poser des problèmes logistiques majeurs, notamment dans l’alimentation des silos portuaires. À court terme, cette situation pourrait provoquer une absence temporaire de la Russie sur les marchés export, offrant potentiellement à la France une fenêtre d’opportunité. La récolte française, en effet, est bien meilleure que celle de l'année dernière, en particulier dans les zones proches des ports, ce qui facilite les exportations grâce à des distances réduites.

L’Algérie, client historique, absent depuis deux ans

Néanmoins, la suite de la campagne suscite des interrogations. L’Algérie, qui était historiquement le premier client pour le blé tendre français, n’est plus au rendez-vous depuis deux ans. En 2024-2025, aucune tonne n’a été exportée vers ce pays. Les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie sont catastrophiques, ce qui laisse peu d’espoir quant au fait que l’Algérie privilégie encore l’origine française dans ses futurs appels d’offres. Ce retrait fragilise considérablement un débouché majeur pour le blé français.

La Chine, entre surplus et réduction des importations

Autre marché important, la Chine a adopté une politique similaire. En 2024-2025, avec une excellente récolte nationale et des stocks pharaoniques, elle a fortement réduit ses importations de blé tendre. La récolte 2025 s’annonce également aussi bonne qu’en 2024. À court terme, on peut craindre que la Chine continue de limiter ses achats. Toutefois, certains analystes évoquent une possible reprise des importations chinoises, notamment en seconde partie de campagne, ce qui pourrait constituer une nouvelle opportunité pour le blé français.

Voir aussi : importations de céréales : pourquoi la Chine est en retrait ?

Des marchés fidèles mais limités : le Maroc et l’Égypte

Heureusement, le Maroc demeure un client fidèle qui s’approvisionne régulièrement en blé français. Les volumes restent stables, correspondant à des niveaux fréquents d’année en année, et la même tendance est attendue pour 2025.
L’Égypte représente également un espoir pour les exportations françaises. Même si les volumes exportés y sont moins importants qu’au Maroc, ce pays reste un importateur significatif, offrant une certaine perspective d’écoulement pour la récolte française.

Les défis qualitatifs pour l'Afrique de l’Ouest

La situation est plus mitigée en Afrique de l’Ouest, où les exigences qualitatives sont très strictes, notamment en termes de teneur en protéines qui doit être élevée, autour de 12 %. Or, selon les premiers retours de la récolte française 2025, cette teneur moyenne se situe plutôt autour de 11 %. Cela pourrait compliquer la satisfaction des besoins spécifiques des meuniers de cette région et limiter les exportations vers ces marchés.

Une « année vérité » pour les exportations françaises

La campagne 2025-2026 s’annonce donc comme une année décisive après une récolte 2024 catastrophique. La France dispose à nouveau d’un volume exportable important, estimé autour de 8 millions de tonnes, sur une production qui devrait atteindre 33 millions de tonnes. Ce niveau reste inférieur aux années « normales » qui tournaient autour de 10 millions de tonnes exportées. La grande question reste de savoir si tous les clients traditionnels seront finalement au rendez-vous.
Si c’est le cas, ce serait une excellente nouvelle. Sinon, le risque est de se retrouver avec un stock de fin de campagne important, ce qui pèserait lourdement sur la filière.
Ainsi, 2025-2026 sera bien l’année de vérité pour les exportations françaises de blé tendre.