De l’Influenza à la grippe aviaire : ce que la France active pour prévenir une pandémie

Si aucun cas de transmission de virus H5N1 des animaux à l’homme n’a été détecté en France et plus largement dans l’UE, contrairement aux Etats-Unis au sein d’élevages bovins laitiers, les autorités en santé humaine et animale coordonnent leurs actions pour assurer la surveillance, détecter toute transmission à une nouvelle espèce et intervenir rapidement autour d’éventuels cas humains.

Sur le front de l’Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), l’année 2024 restera marquée au plan international par la détection inédite de cas de contamination au sein de troupeaux bovins laitiers aux Etats-Unis, au nombre de 958 en date du 3 février 2025 répartis dans 16 états, avec une prédominance en Californie (735 cas). « Les bovins n’étaient pas réputés être sensibles aux virus Influenza aviaire d’une manière générale, et encore moins au virus A », a indiqué l’Anses au cours d’une conférence de presse le 6 février dernier.

L’autre fait marquant et concomitant concerne le franchissement de la barrière d’espèces, avec un total de 67 cas humains de grippe aviaire [on parle de grippe aviaire s’agissant de l’infection des humains et d’Influenza s’agissant des animaux] en date du 14 janvier 2025, liés, à quelques exceptions près, à ces élevages bovins laitiers américains, et à l’origine d’un décès. « A ce jour, les deux sérotypes viraux responsables de l’épizootie d’IAHP chez les bovins aux USA ou des cas graves d’IAHP chez l’homme en Amérique du Nord n’ont pas été détectés en Europe, y compris sur le cas récent au Royaume-Uni », ont indiqué la Direction générale de la sante (DGS) et la Direction générale de l’alimentation (DGAL) au cours de la même conférence de presse, consacrée aux mesures de surveillance, de détection et de réaction à une éventuelle introduction du virus chez des bovins laitiers en France.

Des contaminations par des gouttelettes de lait

Si les bovins n’étaient pas réputés être sensibles, le virus H5N1 a trouvé dans la mamelle des vaches des conditions propices à une multiplication massive, de l’ordre de plusieurs milliards de copies de virus, « ce qui change considérablement le profil épidémiologique », indique l’Anses. Selon l’agence sanitaire, la contamination entre vaches s’opère par la projection de gouttelettes de lait sinon par voir rétro-mammaire, via les équipements de traite. Ce sont aussi les gouttelettes qui sont incriminées dans le cas d’infections humaines, sans exclure le contact avec le lait cru. « Il n’y a pas de contaminations par voie respiratoire », indique l’Anses, qui évoque comme signe clinique principal, au stade actuel des connaissances, l’atteinte de la conjonctive chez l’homme.

La France en avance sur la vaccination des volailles

Selon les autorités sanitaires, « moins de foyers en élevages, c'est moins de risque de contamination des professionnels et moins de risque de transmission en population générale ». C’est sur la base de ce postulat que la France a initié, en octobre 2023 une campagne inédite de vaccination obligatoire des élevages de canards, espèce jugée prioritaire pour juguler l’IAHP, campagne rééditée en octobre 2024, selon les mêmes modalités. Non sans résultats patents : en 2023-2024, seuls 10 foyers ont été recensés en élevage tandis que le chiffre plafonne actuellement à 15 foyers sur la campagne en cours, la France ayant recouvré il y a quelques jours son statut de pays indemne d’IAHP. Selon d’une étude de la Chaire de biosécurité et de santé aviaires de l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse (Unité IHAP - ENVT-INRAE), en l’absence de vaccination, la France aurait pu connaitre jusqu’à 701 foyers en élevage en 2023-2024 contre les 10 foyers effectivement constatés.

La stratégie mise en œuvre par la France, validée par la Commission européenne comme par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), apporte toutes les garanties quant au risque de circulation à bas bruit par les animaux vaccinés, les vaccins mis en œuvre permettant de différencier les animaux vaccinés des animaux infectés, indique l'Anses. Résultat : le Canada puis les Etats-Unis viennent, totalement pour le premier, partiellement pour le second, de rouvrir leurs frontières aux volailles et produits de volailles françaises. « De nombreux pays à travers le monde s’intéressent à nos travaux et à l’organisation que nous avons mise en place », affirme la DGAL.

Une attention particulière vis-à-vis des professionnels exposés

Dans le secteur de la volaille, les mesures de biosécurité et de surveillance constituent avec la biosécurité les trois piliers de la stratégie de prévention et de lutte contre l’IAHP. En ce qui concerne les grippes zoonotiques (transmises de l’animal à l’homme), dans une approche « Une seule santé » basée sur les interdépendances qui existent entre santé humaine, santé animale et santé environnementale de manière à créer de nouvelles méthodes de surveillance des maladies et de lutte contre celles-ci, les autorités ont déployé plusieurs mesures d’anticipation et de gestion. Depuis 2022, la vaccination contre la grippe saisonnière est recommandée pour les professionnels des filières aviaires et porcines, exposés au virus d’influenza aviaire tandis que les tests RT-PCR pour la grippe sont systématiquement pris en charge pour les personnes exposées aux animaux et qui présentent des symptômes grippaux. La surveillance dite passive a été renforcée avec le signalement de tout cas probable de grippe zoonotique aux autorités de santé pour investigations virologiques et épidémiologiques. Un dispositif pilote de surveillance active de la grippe aviaire (SAGA) a été également mis en place auprès des personnes exposées en élevage et permettra de détecter plus précocement la maladie et de prendre les mesures de gestion adaptées. Il concerne aujourd’hui quatre régions hexagonales potentiellement les plus exposées au risque.

La stratégie nationale pour prévenir une pandémie

Une stratégie de préparation à un risque pandémique a par ailleurs mise en œuvre, comprenant la constitution de stocks de vaccins pour les personnes qui auraient été en contact avec une personne ou un animal malade si un virus devenait transmissible à l’Homme, la pré-réservation de vaccins en anticipation de l’émergence d’une pandémie grippale, la constitution de stocks d’antiviraux, efficaces pour les personnes malades symptomatiques et enfin la préparation du système de santé à travers une planification opérationnelle sanitaire (ORSAN) pour répondre à l’impact sur l’offre de soins. « Nous avons les moyens de la réponse », assure la Direction générale de la santé. Les autorités sanitaires ont pris soin de rappeler qu’à date, aucun cas de transmission inter-humaine, autrement dit d’homme infecté à homme sain, n’avait été détecté à travers le monde. En outre, selon l’OMS et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDO), le niveau de risque vis-à-vis du H5N1 est « faible » pour la population générale et « faible à modéré » pour les individus exposés professionnellement.