De la haie d’obstacles à la haie d’honneur

[Edito] Malgré les incitations à la plantation et malgré leur utilité, les haies continuent de disparaître en France. On leur reproche d’être coûteuses à mettre en place, d’entraver la bonne circulation des engins, d’être pénibles à gérer. Mais elles sont aussi une vraie solution face aux aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents... à condition de rémunérer celles et ceux qui s’en occupent.

Depuis 1950, 70% des haies ont disparu du paysage français, une baisse à peine moins drastique que celle du nombre d’exploitations agricoles. Les arrachages demeurent largement plus importants que les plantations : la perte annuelle moyenne est passée de 10 400 km/an entre 2006 et 2014 à 23 571 km/an entre 2017 à 2021, quand la politique de plantation est d’environ 3 000 km/an. C’est le constat dressé par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans un rapport remis fin avril au ministre de l’Agriculture. Lequel souhaite désormais lancer un « pacte en faveur de la haie ».

Car il est démontré depuis longtemps que les haies et les arbres offrent de nombreux services, aussi bien aux agriculteurs qu’à l’ensemble de la collectivité. La liste est digne d'un inventaire à la Prévert : effet brise-vent, ombrage pour les animaux, lutte contre l’érosion, enrichissement des sols, lutte biologique, pollinisation, stockage de carbone, préservation du paysage, régulation de l’eau, préservation de la biodiversité et des corridors écologiques…

Pour tous ces services rendus, les agriculteurs assument seuls les charges de mise en place et d’entretien. Le coût de l’installation, qui comprend la conception, les travaux préparatoires du sol, l’achat des plants, la plantation, le paillage, la protection, l’entretien des premières années, voire les regarnis, est estimé entre 8 et 14 € par mètre linéaire. Quant au coût de l’entretien régulier d’un kilomètre de haies arbustives, il représenterait environ 450 € par an, soit 0,45 € par mètre linéaire et par an.

Le rapport du CGAAER considère que les dispositifs existants (PSE, MAEC, Label bas carbone, écorégime de la Pac…) n’apportent pas suffisamment de visibilité ni de soutien aux agriculteurs sur le long terme. Des soutiens plus importants et plus durables sont nécessaires pour favoriser l’implantation et la gestion des haies.

Les arbres ont un rôle clé à jouer face aux aléas climatiques de plus en plus fréquents et intenses, comme les épisodes de sécheresse que nous subissons depuis plusieurs années. Le rapport remis au ministre estime que « ces "solutions fondées sur la nature" sont complémentaires des outils de la "troisième révolution agricole" que sont le numérique, la robotique et la génétique ». Et si les trois outils de la révolution agricole étaient plutôt les arbres, la vie du sol et la biodiversité ?