Débat ImPACtons! : les réponses du ministère de l’Agriculture

L’écriture du Programme stratégique national (PSN) vient de franchir une nouvelle étape avec la prise en compte, par le ministère de l’Agriculture, des propositions du débat public ImPACtons, centrées sur six enjeux. Le ministère rappelle que le projet de PSN fera l’objet d’une consultation publique ultime.

Le débat public sur l’agriculture, baptisé « ImPACtons » s’est invité pour la première fois dans la réforme de la Pac en cours de discussion. Le Code de l’environnement impose en effet la consultation des citoyens dès lors que la construction d’un grand projet ou l’élaboration d’une politique publique présente de forts enjeux socio-économiques et environnementaux. Organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), instance indépendante du Gouvernement, le débat ImPACtons ! s’est ouvert aux citoyens du 23 février au 7 novembre 2020 via une plateforme internet et une série de débats en région, ainsi qu’une assemblée citoyenne sur l’agriculture réunissant durant trois jours 125 participants tirés au sort.

En février dernier, la Commission particulière du débat sur l’agriculture a remis son rapport au ministre de l’Agriculture, totalisant 1083 propositions.

Le ministère avait jusqu’au 7 avril pour formuler ses réponses, portant moins sur les 1083 propositions que les six enjeux pointés par le débat, d’autant que certains propositions sortaient du périmètre du PSN.

L’exercice se clôturera par une réponse finale de la CNDP et bien entendu par la traduction des réponses du ministère dans le Programme stratégique national, élaboré en concertation avec des représentants de syndicats agricoles, d'organisations professionnelles agricoles et d'associations.

Installation, transmission, foncier

Concernant l’installation, le ministère juge que la France fait partie des États de l’Union européenne qui ont le plus utilisé les possibilités ouvertes dans les règlements européens régissant les programmations successives de la Pac au profit des jeunes agriculteurs. Sur la transmission, le ministère s’engage à améliorer les outils existants que sont la déclaration d’intention de cessation d’activité agricole (DICAA) et le programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture (AITA). Il prendra aussi en compte les enseignements des différents organismes de la chaine de transmission en agriculture (APCA, JA, FADEAR, RENETA).

Concernant le foncier, le ministère note que la question relève moins de la Pac que du droit national, lequel fait actuellement l’objet de nouvelles propositions de loi qui seront discutées dans les prochains mois. Le ministère rappelle que les outils de régulation du foncier prévus dans le droit français permettent de favoriser les installations dès lors qu’un candidat à l’installation se signale. Les outils réglementaires français ont par ailleurs permis de contenir de manière efficace la spéculation et l’augmentation du prix des terres agricoles qui demeurent très faibles dans notre pays, comparativement aux phénomènes observés chez certains de nos voisins européens, faisant ainsi du coût de la terre agricole un facteur de compétitivité.

L’agriculteur, son statut, ses actes productifs

Le ministère fait en la matière un aveu d’impuissance, pointant les principes de la boite verte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), déconnectant les aides des volumes produits au profit d’aides surfaciques, donnant l’impression aux agriculteurs qu’ils ne sont plus aidés au titre de ce qu’ils produisent, mais au titre des terres qu’ils exploitent, sans obligation de produire, les éloignant ainsi de ce qui demeure aujourd’hui leur objectif premier, à savoir nourrir la population.

Selon le ministère, le PSN 2023-2027 ne peut retenir l’idée d’un basculement général d’un soutien à la surface exploitée telle que pratiquée aujourd’hui, vers des soutiens liés soit à l’actif agricole, soit aux quantités produites, dès lors que cette option n’est pas prévue par le règlement européen. Sont néanmoins activés plusieurs dispositifs d’amortissement de ce règlement, à savoir la transparence Gaec, les aides couplées, le paiement redistributif ou encore les programmes opérationnels.

Le ministère ne ferme pas la porte aux réflexion en cours sur la définition de l’actif agricole, destinée à écarter le versement d’aides à des opérateurs déconnectés de la sphère agricole. Un travail spécifique et technique sera engagé avec l’ensemble des organisations agricoles afin de déterminer comment la France peut activer la notion d’agriculteur véritable ou agriculteur actif lors de la prochaine programmation de la PAC.

Co-construire les modèles de production

Le rapport du débat ImPACtons ! pointait la dichotomie entre l’agriculteur producteur et l’agriculteur prestataire environnemental, à la frontière desquels se trouvent désormais les éco-régimes, les citoyens exprimant leur volonté d’être parties prenantes des choix de leurs orientations. Le ministère rappelle en préambule que la ligne du gouvernement est très clairement d’accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique.

S’agissant des éco-régimes, le ministère répond que le débat public a justement permis aux citoyens de formuler leurs propositions sur le sujet, précisant que depuis 2018, 40 organisations ont par ailleurs été consultées.

Le ministère ne détache pas les éco-régimes des autres instruments de la Pac, qu’il s’agisse du premier pilier (convergence interne des aides découplées, l’avenir de certaines aides couplées) et du second pilier (Maec, soutien à la conversion à l’agriculture biologique), le tout devant constituer un ensemble cohérent appelé « architecture environnementale ». En outre, le ministère relève que la Commission européenne a attendu la toute fin de l’année 2020 pour fournir les éléments de cadrage des éco-régimes (objectifs, pratiques possibles, modalités de paiement...) et que ceux-ci font encore l’objet de discussions dans le cadre des trilogues, s’agissant notamment de l’enveloppe minimale à y consacrer de manière obligatoire.

La régulation des marchés

Pour le ministère, la crise sanitaire a montré l'importance de disposer d'outils de gestion des marchés dont la France soutient la révision pour les rendre encore plus efficients. Le ministère dit aussi partager les préoccupations du débat ImPACtons ! relatives aux distorsions de concurrence et soutenir l’harmonisation intra-européenne (via les éco-régimes) ainsi que l’application des standards européens aux produits importés. La France encourage notamment la Commission à proposer des mesures de réciprocité ou mesures « miroirs » qui visent à appliquer les normes de production sanitaires et environnementales pertinentes de l’UE à des produits importés en provenance d’États tiers. De telles mesures miroir existent d’ores et déjà sur la question des hormones dans les productions animales. Le règlement 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires prévoit l’adoption d’une autre mesure miroir (article 118) pour interdire l’importation dans l’UE des animaux ou produits animaux ayant fait l’objet d’utilisation de certains antibiotiques comme facteurs de croissance.

La France soutient par ailleurs le projet de l’UE de réexaminer les tolérances à l’importation obsolètes sur les LMR de pesticides, et la prise en compte les aspects environnementaux dans l'octroi de ces tolérances à l'importation. Plus globalement, la France met l’accent sur la nécessaire mise en cohérence des différentes politiques de l’Union, agricoles, environnementales, sanitaires, climatiques..., avec la politique commerciale de l’UE, afin d’assurer une concurrence plus juste pour les producteurs, la protection du consommateur et le respect des choix collectifs des européens sur le marché.

L’approche localisée de la Pac

Le ministère considère cette demande comme très importante mais relève que l’adaptation de la Pac aux conditions locales est déjà à l’œuvre via la conditionnalité des aides de la Pac, les Maec (IFT régionaux, seuils d’autonomie fourragère), les taux de chargement liés à l’ICHN ou encore la sauvegarde d’espèces animales et végétales menacées, ainsi que de races. Le ministère défend cette territorialisation et cette différenciation des instruments de la Pac tout en appelant au maintien d’un cadre commun, le meilleur moyen de se prémunir contre des distorsions de concurrence entre États membres et de garantir le renforcement de l'ambition environnementale de la Pac à l’échelle de l’UE.

Concernant la relocalisation des marchés agricoles et alimentaires, le ministère met en avant les Projets alimentaires territoriaux (PAT), soutenus par le Plan de relance, la plateforme « frais et local » ou encore le Plan protéines.

Si le ministère soutient les filières courtes, via des aides à la structuration et à l’investissement dans la transformation et la commercialisation ou encore la défense des IG, il défend aussi les filières longues, rappelant que la consommation alimentaire passe à 60% par les GMS, sans occulter la question de la montée en gamme, de la création et de la répartition de valeur ou encore de la durabilité. Le ministère défend aussi la vocation exportatrice de certaines filières, gage de compétitivité, d’emploi et de développement des territoires. Sur la base d’avancées en matière de durabilité et d’atouts en termes d’exigences environnementales, sanitaires et sociétales, la stratégie export est jugée prioritaire et non antinomique avec le développement des démarches locales.

L’ouverture aux citoyens

Le ministère signale que le débat public ImPACtons !, s’il n’a pas disposé des mêmes moyens que les États généraux de l’alimentation, n’en demeure pas moins un genre unique en Europe par son ampleur et son anticipation (fin 2018). Le ministère estime avoir complètement joué le jeu et respecté le droit à l’information des citoyens et le droit à obtenir des réponses aux questionnements et propositions exprimés. Le ministère ne répond pas formellement à la demande de la CNDP de créer de nouveaux espaces de concertation destinés à créer de nouvelles relations entre les citoyens et la profession agricole. Mais il se dit prêt à renforcer davantage la dimension citoyenne à l’occasion de futurs exercices similaires. En outre, le ministère affirme faire des enseignements du débat public une « boussole » de son action et de futures réformes, s’agissant notamment des propositions sortant du champ d’application du PSN et de la Pac.