Le débat "ImPACtons !" réclame... plus de débat

La Commission nationale du débat public a rendu ses conclusions centrées sur six enjeux. Elle invite fermement le ministère de l’Agriculture à s’en emparer et plus encore à faire savoir ce qu’il en retiendra, dans le cadre du Plan stratégique national de la prochaine Pac. La société aspire en effet à être davantage informée et intégrée dans les choix qui la concernent.

Et s’il suffisait d’organiser des 67 millions de visites d’exploitation pour favoriser le dialogue entre agriculture et société ? « Ces visites se sont déroulées dans un cadre toujours très chaleureux et accueillant, et la commission tient à remercier sincèrement tous les agricultrices et agriculteurs qui ont accepté de la recevoir (...). Elles ont été l’occasion de créer une relation de confiance avec les acteurs de terrain vis-à-vis du débat (...). Elles ont également montré l’importance pour les agriculteurs de “moments d’écoute dédiés” pendant lesquels ils ont pu exprimer et ra conter sans médiation, leur travail, leurs efforts, les innovations qu’ils mènent, leur désarroi aussi face à un revenu qui n’est pas toujours à la hauteur de leurs investissements (...). Les visites ont donc pu déclencher des participations argumentées et constructives (...). Les agriculteurs rencontrés ont souvent souligné que les réalités de terrain sont beaucoup plus complexes que les imaginaires collectifs (...). Elles montrent la plasticité d’une agriculture qui a le souci de son rôle au sein de la société et dans l’environne- ment, comme de la qualité et de la quantité des ressources naturelles qui constituent la base de son activité ». Ce sont là quelques extraits du compte-rendu du débat public sur le Plan stratégique national (PSN) de la Pac, et publié par la Commission nationale du débat public (CNDP).

1084 propositions

Pour rappel, le débat public baptisé "ImPACtons !" a été mis en place dans le cadre de la réforme de la Pac, qui impose désormais une consultation citoyenne comme préalable à l’écriture du PSN par le ministère de l’Agriculture et les parties prenantes (syndicats...). Le PSN décrit par le menu les objectifs et les plans d’action permettant à chaque Etat membre de se conformer aux objectifs assignés par la Commission européenne.

Lancé en février 2020 à l’occasion du Salon de l’Agriculture, le débat "ImPACtons !" a démarré par une plateforme participative sur internet, avant la tenue d’une Assemblée citoyenne sur l’agriculture (125 citoyens) se tenant en septembre, puis l’organisation d’une dizaine de débats dans les régions. C’est dans ce cadre qu’ont été organisées 25 visites d’exploitation, dont 3 en établissements de formation ou d’expérimentation.

Mais l’essentiel s’est joué en amont, sur la plateforme et lors de l’Assemblée citoyenne. Au total, le débat a touché 1,87 millions de personnes et totalisé 12.660 contributions augmentées, pour aboutir à 1084 propositions élaborées.

S’écouter autrement

La CNDP rappelle que le débat public, qui constituait une première dans le secteur agricole, a démontré une véritable « appétence » du grand public pour l’exercice et le sujet. Selon le compte-rendu, si les négociations de la Pac échappent au grand public, celui-ci refuse d’avoir à choisir entre la défense des agriculteurs et celle de l’environnement, réclamant des transitions avec l’implication de tous. « Les agriculteurs sont aussi des citoyens, qui se préoccupent d’agriculture mais pas seulement », peut-on lire. « Les militants de l’environnement sont pour certains issus du monde agricole, qu’ils estiment n’avoir jamais quitté ».

"Le Gouvernement se doit de poursuivre cette ouverture au public de la question agricole tant elle semble structurer notre société"

Le débat a été l’occasion de faire échanger les deux parties, dans un cadre bordé par des « règles du jeu » (recevoir des informations factuelles, devoir d’argumentation lors des prises de parole, demande de propositions précises, enregistrement et publicité des échanges). Parties prenantes et participants ont joué le jeu, même si la Commission relève « qu’il reste à franchir un pas supplémentaire, celui de s’écouter autrement », notamment sur les sujets les plus controversés et sources de tension tels que l’usage de l’eau, les produits phytosanitaires, l’accès au foncier ou encore le bien-être animal .

Pour la CNDP, le débat "ImPACtons !" est « une première marche réussie qui doit être amplifiée et approfondie. Le Gouvernement se doit de poursuivre cette ouverture au public de la question agricole tant elle semble structurer notre société ».

Le ministère attendu au tournant

La balle est désormais dans le camp du ministère de l’Agriculture à qui la CNDP a remis le compte-rendu et dont les attentes sont à la fois fortes et précises. Autorité administrative indépendante, la Commission attend du ministère qu’il diffuse largement ce compte-rendu dans ses services, qu’il réponde à toutes les propositions qui y sont reportées et qu’il se prononce sur leur faisabilité, qu’il établisse un document grand public dans lequel il expliciterait de manière claire ce qu’il a retenu du débat en termes de propositions, d’orientations et de hiérarchisation, qu’il fasse savoir la manière dont seront pris en compte les résultats issus du questionnaire portant sur la hiérarchisation des objectifs du PSN, qu’il fasse état de la concordance entre cette hiérarchisation et celles des allocations budgétaires du PSN...

En dénommant la procédure "ImPACtons !", la CNDP n’avait pas fait mystère de sa volonté de peser vraiment sur le PSN et la Pac. Le ministère de l’Agriculture a jusqu’au 7 avril 2021 au plus tard pour communiquer sur sa décision concernant les suites qu’il souhaite donner au débat public. Suite à cette réponse, la CNDP aura la charge de la commenter au regard de ses demandes et recommandations, et d’en assurer la diffusion auprès du public

 

Les 6 recommandations générales du débat "ImPACtons !"

- prêter une attention particulière à la question de la transmission lors de l’intégration des propositions portant sur l’installation et la relève agricole

- répondre à la demande des participants de remettre au centre des négociations l’agriculteur, son statut et sa définition

- sortir d’une approche strictement consultative des parties prenantes et de la société et leur proposer des espaces pour travailler ensemble sur les solutions

- au-delà de la Pac, répondre à la demande sur la position de la France concernant la régulation des marchés agro-alimentaires

- répondre sur la manière dont le Ministère se positionne sur la demande d’une approche plus localisée de la politique agricole française

- créer des nouveaux espaces de concertation pour créer des nouvelles relations