- Accueil
- Des crédits carbone aux débits carbone
Des crédits carbone aux débits carbone
[Edito] La monétisation de crédits carbone, aussi hypothétique que relative, ne contrebalancera pas les efforts induits par la réduction à marche forcée des émissions, sous l’effet de la loi Climat, du 7ème Programme d’actions nitrates (PAN) ou encore du Plan matériels d’épandage moins émissifs.
Une loi Climat en cours d’examen au Sénat. Un Plan national d’adaptation de l’agriculture au changement climatique transmis au Haut conseil pour le climat. Une Cour des comptes européenne qui fustige la Pac, qualifiée de « climaticide » et l’OCDE qui en remet une couche : la semaine a été brulante sur le front agro-climatique. Et pendant ce temps, la profession attend toujours que le ministère de la Transition écologique tamponne la méthodologie Label bas carbone (LBC) pour les grandes cultures. Cette dernière complètera les méthodes LBC accordées à l’élevage bovin, à la plantation de haies et de vergers.
Volontaire à double titre
Le LBC permet de certifier l’amélioration du bilan carbone des exploitations sur un laps de temps de cinq ans, selon un principe d’additionnalité, c’est à dire au-delà des pratiques usuelles et des astreintes réglementaires. Les tonnes de carbone économisées, sous l’effet de mesures de réduction et de séquestration, génèrent autant de crédits carbone monétisables. Ces crédits sont achetés par des entreprises et collectivités désireuses de compenser, sur une base volontaire, les émissions résiduelles incompressibles liées à leurs propres activités.
Problème : ce marché volontaire ne recèle que des inconnues, tant aux plans de l’offre, de la demande que des prix, dont la fourchette oscille aujourd’hui entre 30 à 40 €/t. Il s’agit là d’un prix brut, dont il faut soustraire la dime prélevée par le bureau d’études réalisant les diagnostics initiaux et finaux, par l’organisme certificateur et enfin par l’opérateur assurant l’intermédiation entre agriculteurs et acheteurs finaux.
Bref, un circuit long qui en rappelle d’autres. Sachant que le potentiel moyen de crédit se situe entre 1 et 2t/ha en grandes cultures et que l’amélioration des pratiques engendre des coûts (c’est l’essence même du LBC), le crédit peut virer au débit. Mais on n’est pas obligé. Et on n’a pas comptabilisé les co-bénéfices sur la fertilité, la biodiversité, l’image renvoyée à la société...
Obligatoire à triple titre
Les obligations, elles sont déjà légion et elles ne vont pas manquer de se renforcer dans les mois et années à venir. La France s’est en effet engagée à réduire de 13% ses émissions d'ammoniac en 2030 par rapport à 2005 et de 15% celles de protoxyde d'azote par rapport à 2015. Ces engagements vont trouver corps dans trois textes au moins, à commencer par la loi Climat et résilience, en cours d’examen, et qui pourrait instaurer une redevance en cas de déviance de trajectoire. En septembre, le Programme d’actions national nitrates (PAN), 7ème du nom, va déboucher sur des arrêtés de désignation des zones vulnérables puis sur les arrêtés régionaux en septembre 2022. Enfin, d’ici à 2025, les matériels d’épandage les plus émissifs devront disparaître du paysage, en lien avec le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA). Bref, n n’a pas fini de débiter du carbone et autres gaz à effet de serre.