« En bio et dans le rouge, pour mes enfants, pour les Français, pour la planète, je ne ferai pas marche arrière »

Tout juste convertie à la bio, l’exploitation laitière d’Antoine Burot est passée dans le rouge avec le retournement du marché. Plus que des aides, trahi par sa « passion », l’éleveur attend « la reconnaissance des Françaises et des Français ».

Le 7 octobre 2022, Antoine Burot a achevé le processus de conversion de son exploitation laitière à l’agriculture biologique (AB). Finie l’aide à la conversion (et à toute autre aide spécifique), que devait compenser la valorisation du lait estampillé AB. Sauf que. « Je suis dans le rouge », affirme l’éleveur de bientôt 40 ans, qui a repris l’exploitation familiale en 2006, à May-sur-Evre (Maine-et-Loire).

Antoine Burot et et sa jersiaise Pupille, en lice pour le concours de la race dans la catégorie 2ème lactation
Antoine Burot et et sa jersiaise Pupille, en lice pour le concours de la race dans la catégorie 2ème lactation

Au départ, le troupeau se compose d’une centaine de Holstein. « Mon objectif, c’est d’arriver à 10.000 litres par vache dans les 5 ans suivants. Il fallait produire produire produire produire pour nourrir la France. A cette époque-là, j’étais célibataire et je ne comptais pas mes heures ».

Et puis femme et enfants sont arrivés. Antoine Burot a alors décidé, non pas de lever le pied, mais de faire autrement. « J’allais dans le mur ». Il a troqué les Holstein pour des jersiaises, dont il est tombé « amoureux », a réduit le cheptel et a entamé la conversion en bio.

"L’agriculture, c’est le seul métier en France où on a le droit de vendre à perte"

Et puis la crise de l’agriculture biologique est arrivée, plongeant dans la panade toute une filière, désespérant l’aide des pouvoirs publics. « L’agriculture, c’est le seul métier en France où on a le droit de vendre à perte, c’est intolérable », s’emporte l’éleveur, quelques minutes après avoir échangé avec le ministre de l’Agriculture, tout en trayant sa jersiaise sélectionnée au concours de la race.

"Dans les années 90, on avait un Monsieur Chirac qui a tout fait pour l’agriculture française"

Aussi paradoxal que celui puisse paraître, Antoine Burot n’a pas réclamé « de l’argent » au ministre mais de la reconnaissance. « C’est insupportable de vivre des aides, s’emporte-t-il. Qui sait que les aides coûtent un euro par jour à chaque français et européen ? Les agriculteurs font tout pour nourrir sainement les Françaises et les Français mais on ne défend pas les valeurs de l’agriculture française. Dans les années 90, on avait un Monsieur Chirac qui a tout fait pour l’agriculture française ». Ou comment jeter une bouse - de jersiaise - dans le jardin du locataire actuel de l’Élysée. Et comme quoi, « taper le cul des vaches », ne fait pas tout...

L’hommage du Salon de l’agriculture à Jacques Chirac en 2020, quelques mois après sa disparition
L’hommage du Salon de l’agriculture à Jacques Chirac en 2020, quelques mois après sa disparition
"On ne sait pas s’arrêter, on va jusqu’au bout du bout"

« Arrêter ? On n’y pense pas, si on y pense, demain on est déjà pendu. On ne sait pas s’arrêter, on va jusqu’au bout du bout ». Ni arrêt d’activité, ni déconversion au programme de l’éleveur laitier donc, dans les mois et années à venir, la « passion » l’emportant sur tout le reste, y compris son couple. « Pour mes enfants, pour les Françaises et les Français, pour la planète, je ne ferai pas marche arrière ».