La menace de suppression de l’Agence bio provoque un tollé

Les administrateurs et responsables des organisations professionnelles de la filière bio ont unanimement dénoncé l’adoption par le Sénat d’un amendement décrétant la suppression de l’Agence bio, avec l’aval de la ministre de l’Agriculture. Protestation à laquelle la Confédération paysanne, la FNSEA et les JA ont joint leur voix.

« Non à la suppression du seul opérateur public pour l’agriculture biologique » : c’est l’injonction lancée en bloc par les administrateurs et responsables des organisations professionnelles de la filière, réunis au sein de l’Agence bio. Dans un communiqué daté du 20 janvier, ils s’insurgent contre l’adoption par le Sénat d’un amendement décrétant la suppression de l’Agence bio, répondant à la volonté du gouvernement de réduire le nombre des agences, organes et opérateurs de l’Etat, intimé par François Bayrou dans sa déclaration de politique générale quelques jours plus tôt.

Si, au cours des débats, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a souligné la nécessité de « travailler avec les acteurs pour rendre cette proposition opérationnelle et vérifier que leurs missions continueront à être exercées dans de bonnes conditions », elle a jugé l’idée « pertinente ». Le ministère de l’Agriculture, sinon FranceAgriMer, internaliserait les compétences de l’Agence bio le cas échéant.

"La fin du seul lieu d’expression et de concertation national de l’ensemble de la filière"

A la suite de la réaction de la FNAB, dénonçant « l’inconsistance » du gouvernement sur les questions agricoles, les administrateurs dénoncent pêle-mêle un « plan social » de 23 salariés de droit privé, la fin d’un outil de promotion, la fin d’un outil de pilotage et enfin « la fin du seul lieu d’expression et de concertation national de l’ensemble de la filière ».

Créée en 2001 et réunissant producteurs, transformateurs et distributeurs, l’Agence bio exerce trois missions d’intérêt général que sont la promotion de l’AB auprès des consommateurs, l’analyse des marchés et la structuration des filières avec comme bras financier le Fonds Avenir bio. Pour les administrateurs, supprimer l’Agence « revient à dire aux 215 000 emplois du secteur, et à 1 agriculteur sur 6, qu’il n’y a pas de place pour la diversité des modèles (…). A quelques A quelques semaines du Salon de l’agriculture où sera lancée en fanfare la première campagne collective autour du bio d’ampleur, la tentation est grande de croire que l’on arrête de viser un bio à grande échelle ».

Officiellement, la France vise toujours 18% de SAU bio à fin 2027 comme elle s’y est engagée dans son Plan stratégique national, le taux stagnant à 10,5% depuis deux ans. « Je suis tout à fait favorable à l'agriculture bio, évidemment, a déclaré la Annie Genevard devant les sénateurs. Une agriculture de plus en plus exigeante ne peut être condamnable, mais elle doit trouver son modèle économique, qui ne peut reposer sur l'abondement de l'État. Plus de 100 millions euros en 2023, autant en 2024 : cette politique épuise les finances publiques sans parvenir à assurer à la filière les conditions durables de son maintien. Toutes les difficultés de l'agriculture ne peuvent être résolues par des subventions publiques », a-t-elle dit.

40 ans et un frémissement de reprise

Alors que alors que les bienfaits de l’AB, comme les vocations, ne se démentent pas, les surfaces certifiées ont, pour première fois dans l’histoire récente de la bio, reculé en 2023, pour s’établir à 10,36% de la SAU contre 10,50% un an plus tôt, sous l’effet de la crise inflationniste, de la faiblesse de la commande publique ou encore à la profusion-confusion de labels. Selon l’Agence bio, le marché est reparti à la hausse en 2024, en repassant la barre des 13 milliards d’euros contre 12,1 milliards d’euros en 2023. Propriété du ministère de l’Agriculture, le logo AB fêtera ses 40 ans en 2025.

La Conf’, la FNSEA et les JA sur la même longueur d’onde

Du côté des syndicats, la Confédération syndicale a dénoncé « un message contre toutes celles et ceux qui défendent une agriculture qui travaille avec la nature (…) L’État devrait s'employer, par tous les moyens, à respecter et à atteindre les 20% de bio dans la restauration collective, et à mettre en place des politiques publiques réellement favorables à l'accompagnement des paysans bio ». La FNSEA et les JA ont dénoncé la forme, « sans aucune consultation » préalable des OPA, comme le fond, alors que l’agriculture biologique traverse « une période de grandes difficultés économiques et structurelles (…). Il est indispensable de préserver les moyens qui lui sont dédiés et d’accompagner les filières bio et les agriculteurs qui s’engagent dans cette voie. Ces femmes et ces hommes, présents sur l’ensemble du territoire et dans toutes les productions, ont besoin de soutien, pas d’un affaiblissement supplémentaire ».