« En concession, la relation client devient compliquée et l’agriculture, c’est de l’industrie »

Après quatre décennies de mécanique agricole, Gérard Homand n’est pas usé et continue de former stagiaires, apprentis et jeunes salariés. Et de réparer des machines, plus tout à fait les mêmes... comme les agriculteurs.

« On est inquiet pour l’avenir. A cette heure-ci, on arrive à servir les clients rapidement mais la difficulté, ça va être de les faire attendre, et on n’aura pas d’autre choix si on n’arrive plus à recruter ». Responsable d’une succursale Boulanger à Neufchâteau (Vosges), concessionnaire Deutz-Fahr, Gérard Homand a quarante ans de mécanique agricole au compteur mais il pourrait faire durer la « machine » un peu plus longtemps. Il faut dire que la « machine » est toujours alerte et agile mais la pénurie de pièces de rechange, autrement dit de jeunes recrues, menace.  « Normalement, je dois prendre ma retraite en 2022 mais le patron ne veut pas me lâcher ».

Gérard Homand, responsable de la succursale Boulanger à Neufchâteau
Gérard Homand, responsable de la succursale Boulanger à Neufchâteau

Deux jeunes, deux « hors cadre »

Pourtant, dans l’atelier, deux jeunes s’affairent sur une faneuse qui a mal négocié un virage. Pierrot Jules est stagiaire pour un mois dans le cadre de son bac pro mécanique agricole au lycée professionnel Le Chesnois de Bains-les-Bains (Vosges). Ex-apprenti au sein de cette base, Paul Bonneville est salarié depuis une petite année, après un BTS en apprentissage décroché à la MFR de Vigneulles-Lès-Hattonchâtel (Meuse). Point commun ? Aucun n’est fils de paysan. « Je travaille depuis longtemps dans une ferme pour aider un agriculteur, explique Pierrot, originaire de Bainville-aux-Saules (Vosges). Ça a toujours été une passion ». « Mon grand-père était mécanicien en agricole et mes oncles sont agriculteurs », déclare pour sa part Paul, originaire de Vouxey (Vosges).

"On se les fait débaucher, comme au foot, sauf pour la paie"

Dans les deux cas, bien que « hors-cadre », la promiscuité avec le milieu agricole est tout de même assez forte. Mais les deux jeunes garçons auraient pu se retrouver à l’affiche, ou bien du site internet que le Sedima vient de lancer pour vanter la diversité des métiers et les opportunités de travail et de carrière chez les distributeurs de matériel agricole, ou  bien de la campagne de pub (TV, presse, réseaux sociaux) du ministère de l’Agriculture pour booster l’attractivité des métiers du vivant (agriculture, agroalimentaire, pêche, forêt...). Ils ont préféré Pleinchamp.

Pierrot Jules (à gauche) et Paul Bonneville, très à l’aise dans leur combinaison de mécano
Pierrot Jules (à gauche) et Paul Bonneville, très à l’aise dans leur combinaison de mécano

Si les deux jeunes semblent suffisamment accros à la branche et à la machine agricole, le défi n’est pas totalement gagné pour le responsable de la succursale. « On a toujours accueilli des stagiaires et des apprentis dans le but de les former et de les intégrer à l’entreprise, explique Gérard Homand. Le problème, c’est qu’on se les fait débaucher par les concurrents. C’est comme au foot, sauf pour la paie ». Paul confirme. « Je suis au minimum mais je viens de commencer et avec l’expérience, j’espère que je serai augmenté ». Message passé.

"Ce n'est plus de l'agricole, c'est de l'industrie"

La paie, c’est un des facteurs répulsifs du secteur agricole dans son ensemble. L’image que renvoie le métier en est un autre. « Moi j’essaie de vendre mon école auprès de ma famille et de mes amis, on a de très bons profs et de très bonnes formations », déclare Pierrot, les mains dans le cambouis mais bon vendeur.

La paie, l’image, le cambouis... « Et les clients », rajoute Gérard Homand. « La relation client devient compliquée et ça perturbe certains salariés. Je me rappelle, en début de carrière, on allait chez les agriculteurs, la plupart du temps, on était bien reçu. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil, ce n’est plus l’agricole que l’on a connu, maintenant, c’est de l’industrie. Mais les machines ne sont plus les mêmes non plus ». Message passé.