Énergies renouvelables : chronique d'un blocage évité de justesse

Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de programmation énergétique pour les dix prochaines années, un amendement sur l’éolien et le photovoltaïque a mis le feu aux poudres, poussant pour finir le rapporteur du projet de loi à voter contre son texte.

L'incident met en lumière, une fois de plus, la trajectoire accidentée des projets de loi à l'Assemblée nationale et les désaccords qui traversent la majorité gouvernementale. La proposition de loi portant « programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie », examinée la semaine dernière par les députés, avait pour ambition de dessiner le futur énergétique de la France à horizon 2023. Mais lors des débats, un amendement visant à cesser tout projet éolien ou photovoltaïque a été voté contre l’avis du gouvernement - et dans une Assemblée quasi vide, modifiant ainsi totalement la teneur du texte.

Moratoire sur les énergies renouvelables

Déposé le jeudi 12 juin par le groupe « Droite républicaine », l’amendement numéro 486 veut instaurer purement et simplement un moratoire sur « le développement de nouvelles installations de production d'électricité utilisant l'énergie photovoltaïque et éolienne ».

L’amendement stipule qu' « aucune nouvelle demande d’autorisation, de permis ou de raccordement concernant de telles installations ne pourra être déposée ni instruite par les autorités compétentes pendant la durée du moratoire ». 

« Nous estimons qu’un moratoire de trois, cinq, voire dix ans sur les énergies renouvelables serait salutaire pour les territoires ruraux », a plaidé le rapporteur de l'amendement, Jérôme Nury. Le texte déplore « le développement à marche forcée des énergies renouvelables intermittentes, éolienne et solaire », estimant que « certains territoires arrivent à saturation ». Il dénonce aussi un environnement qui « se trouve peu à peu envahi par ces éoliennes toujours plus imposantes ».

Un hémicycle presque vide

Avec 65 voix « pour » et 62 « contre », l’amendement a été adopté le 19 juin grâce à une écrasante majorité des voix du Rassemblement national (57 voix pour), face à des banc dégarnis de la gauche, des partis écologistes et des groupes macronistes.

Parmi ses arguments en faveur de ce moratoire, Jérôme Nury a également mis en avant « un risque d’accaparement des terres agricoles ». Or, les voix majoritaires du milieu agricole se sont au contraire élevées pour dénoncer cette proposition.

« En bloquant tous les projets en cours ou à venir, ce moratoire remet en cause des années d’engagement, d’investissement et de travail sur le terrain ! C’est un coup économique brutal pour les milliers d’agriculteurs développant des projets ancrés dans les territoires et qui contribuent aux transitions agricoles et bas-carbone », a ainsi fustigé la FNSEA le 23 juin, à la veille du vote définitif de la loi de programmation énergétique.

>> Voir aussi : La profession se divise autour des promesses de l’agrivoltaïsme

Les Chambres d’agriculture rappellent qu’en 2024, 80 % des installations photovoltaïques de « moyennes toitures » (100-500 kW) ont été posées sur des bâtiment agricoles, représentant un revenu de 800 millions d’euros par an pour le monde agricole.

« La revente d'énergie solaire est déterminante pour permettre aux agriculteurs de moderniser leurs bâtiments à moindre cout, elle permet de diversifier leurs revenus et contribue à la souveraineté de notre pays », fait savoir Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture, dans un communiqué publié le même jour.

A quelques heures du vote, La Coopération Agricole montait également au créneau, en rappelant que « la grande majorité des coopératives placent la décarbonation au cœur de leur stratégie », et qu’elles développent « des projets concrets : photovoltaïque en toiture, autoconsommation, méthanisation, agrivoltaïsme… ».

Mardi 24 juin, lors du vote solennel à l’Assemblée nationale, la proposition de loi a finalement été largement rejetée, la gauche et le « socle gouvernemental » ayant voté contre. Le texte va désormais repartir au Sénat. Les énergies renouvelables sont (pour l’instant) sauvées.