- Accueil
- Biosécurité en élevage avicole et porcin : le plein air à la croisée des chemins
Lundi 10/11/2025
Biosécurité en élevage avicole et porcin : le plein air à la croisée des chemins
L’expérimentation conduite au sein de 92 élevages de volailles et de 52 élevages de porcs entrouvre la perspective d’un traitement différencié de l’élevage de plein air, avec la mise en œuvre d’une analyse de risque individualisée supposant des évolutions réglementaires. Mais des travaux complémentaires demeurent nécessaires.
Fin 2023, sous la poussée de la Confédération paysanne et du Modef, excédés par les mesures de mise à l’abri des volailles imposées par les arrêtés du 30 septembre 2021, eux-mêmes décrétés après la résurgence et la virulence de l’Influenza hautement pathogène (IAHP), le ministère de l’Agriculture lançait une expérimentation visant à objectiver les risques sanitaires dans les élevages plein air afin d’adapter, le cas échéant, un corpus réglementaire confinant à une production de « plein air claustré », au grand dam des éleveurs travaillant en autarcie et au risque de déboussoler les consommateurs avec des cahiers des charges malléables à merci.
C’est ainsi que 92 élevages de volailles et 52 élevages de porcs, répartis dans 25 départements, se sont portés volontaires pour servir de cadre à l’expérimentation, animée par le Réseau de l’agriculture paysanne (FADEAR) et sous l’égide d’un comité de pilotage embrassant tous les parties prenantes (Anses, DGAL, GDS France, IFIP, ITAB, ITAVI, SNGTV), en plus des deux syndicats précités.
Des avancées concernant l’analyse des risques
Le projet avait deux objectifs distincts : réaliser une analyse des risques sanitaires au sein des 144 fermes pilotes et évaluer scientifiquement l’efficacité de certaines mesures de prévention des risques sanitaires mises en place dans ces élevages. Résultats concernant l’analyse des risques, à partie de grilles développées par les porteurs du projet ? En volailles, près de 95% des fermes affichaient un degré de maîtrise satisfaisant ou élevé, même si l’exposition au risque était élevée pour un nombre important de fermes concernant l’introduction de dangers sanitaires via la faune sauvage (32% et 26% pour l’avifaune plus spécifiquement), via l’entrée d’animaux d’un jour (56%), via la proximité d’une zone de forte activité avicole (élevages et axes routiers) (18%) ou via les intervenants extérieurs (18%). En volaille, les efforts de maîtrise doivent prioritairement porter sur les risques d’introduction via les insectes, les rongeurs, l’aliment, la litière et les effluents.
En porc, dans l’attente de pourcentages précis, l’étude révèle que la « grande majorité des fermes a obtenu un degré de maîtrise satisfaisant ou élevé », bien qu’un nombre élevé de fermes présentaient un risque élevé d’introduction de dangers sanitaires via les ressources utilisées en zone d’élevage (eau, aliment, litière) et les intervenants professionnels externes entrant dans la zone d’élevage. Les voies d’amélioration résident dans la maîtrise des risques liés à la circulation des porcs, hors de la zone d’élevage, la gestion des porcs en zone d’élevage, la gestion des cadavres ainsi que dans les mesures prises afin de limiter les risques d’introduction de pathogènes en zone d’élevage via le personnel.
Des pistes concernant l’évaluation des pratiques alternatives de prévention
Ce second volet de l’expérimentation n’a pas été aussi riche d’enseignement que le premier du fait qu’un certain nombre de pratiques alternatives mises en avant par les éleveurs se sont révélées difficilement évaluables et/ou généralisables, quand elles ne dépassaient pas le champ de la biosécurité. Sur cette partie, l’attente des éleveurs portait davantage sur la possibilité de mettre en place des pratiques à titre expérimental sur leur ferme, ce qui n’a pas été envisageable en raison du temps disponible, du dispositif décentralisé du projet et des moyens alloués.
Ainsi, pour la plupart des protocoles mis en œuvre, les résultats ne permettent pas de formuler directement des conclusions sur l’efficacité des pratiques étudiées ni des préconisations d’évolutions réglementaires, mais plutôt des pistes d’actions pour la poursuite de travaux de recherche sur le terrain.
En volaille, en ce qui concerne l’évaluation des pratiques de compostage de cadavre à la ferme comme pratique favorable à la réduction des risques d’introduction liés au passage du camion d'équarrissage, les travaux restent à poursuivre pour pouvoir conclure sur la question de l’hygiénisation par la montée en température du tas. « La réalisation de travaux similaires dans d'autres pays de l'Union européenne présenterait un réel intérêt, dans la mesure où le principal obstacle au développement de telles pratiques réside dans la réglementation communautaire ».
Parmi les recommandations figurent le renforcement de la surveillance de l’avifaune et l’évaluation des les moyens permettant de diminuer la fréquentation des parcours par l’avifaune mais avant tout l’objectivation de l’efficacité de la mise à l’abri des volailles. Citant un avis de l’Anses datant de 2022, le rapport mentionne qu’« il est actuellement difficile d’objectiver l’efficacité des mesures de mise à l’abri vis-à-vis du risque d’introduction de virus IAHP pour les élevages en plein air en l’absence de données épidémiologiques précises », même si « la mise à l'abri des volailles reste à l'heure actuelle la mesure la plus efficace pour éviter le contact des volailles avec l'avifaune sauvage par rapport au risque d'introduction de l'IAHP au sein d'un élevage plein air ».
En ce qui concerne le porc, le rapport juge « primordial » la poursuite de tels travaux de recherche et d’enquêtes sur des dispositifs de protection vis-à-vis des sangliers, dans un contexte de forte menace d’arrivée de peste porcine africaine. L’objectif est de proposer rapidement aux élevages fortement exposés des mesures de protection conciliant efficacité et adaptation à la conduite d’élevage de porc en plein air. Le rapport recommande notamment de mieux caractériser le risque lié aux sangliers autour des élevages plein air et d’élargir le recueil d’informations sur les systèmes de clôture existants, auprès des sociétés d’autoroute, des Directions Interdépartementales des routes (DIR) ou encore de la SNCF.
Vers une individualisation des mesures de biosécurité ?
Pour les éleveurs de plein air, le préalable à la mise en œuvre de pratiques alternatives de prévention demeure la mise au point, le déploiement et la reconnaissance officielle des grilles d’analyse de risques sanitaires, lesquelles sont considérées comme le moyen de modifier le logiciel réglementaire, en passant de l’actuelle obligation de moyens à l’obligation de résultats. Pour la Confédération paysanne, « les grilles d'analyse des risques sanitaires doivent devenir notre véritable boussole en matière de réglementation sanitaire. Elles permettront à la fois de redonner de la marge de manœuvre aux élevages en plein air, fragilisés par des règles longtemps inadaptées, et de garantir un niveau de gestion des risques satisfaisant pour l'ensemble de ces élevages ».