Fin des néonicotinoïdes : les betteraviers indemnisés en cas d’impact de la jaunisse

C’est l’une des annonces du ministère de l’Agriculture après que la Cour de justice de l’UE (CJUE) a jugées illégales les dérogations permettant d’utiliser des semences traitées. La CGB se dit « abasourdie » par « l’inconséquence » de la décision de la CJUE.

Il s’en est fallu de quelques semaines. A moins de deux mois des premiers semis de betteraves sucrières, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a mis un coup d’arrêt prématuré et précipité à l’assurance anti-jaunisse que représentait les traitements de semences à base d’imidaclopride et de thiamethoxam, deux insecticides de la famille des néonicotinoïdes. Le ministère de l’Agriculture a en effet décidé de se conformer à la décision de la CJUE. « Face à cette décision d’application immédiate en Europe, et alors que la France était engagée dans un programme de trois ans de recherche des alternatives aux néonicotinoïdes qui devait s’achever cette année, nous devons agir en affrontant lucidement la nouvelle donne créée par cette situation », a déclaré Marc Fesneau dans un communiqué.

"A un mois et demi des semis de betteraves, c’est une immense déception pour toute notre filière qui plonge les betteraviers dans un grand désarroi"

Le spectre de l’année 2020, qui avait vu le rendement moyen chuter de 30%, et jusqu’à 70% pour les exploitations les plus touchées, va évidemment resurgir dans l’esprit des 23.700 betteraviers totalisant 402.000 ha (2022). Car le Plan national de recherche et d’innovation (PNRI), mobilisant la recherche publique et privée et un budget de 20 millions d’euros, n’a pas (encore) permis de faire émerger des solutions alternatives aussi efficaces que les néonicotinoïdes. « A un mois et demi des semis de betteraves, c’est une immense déception pour toute notre filière qui plonge les betteraviers dans un grand désarroi, indique dans un communiqué la CGB, pour qui, « en l’absence de solutions efficaces, les surfaces risquent de baisser sensiblement ».

Un plan d’action qui reste à préciser

Pour prévenir ce risque et ses potentiels dégâts collatéraux sur les usines sucrières, l’Etat mettra en place en 2023 un accompagnement financier pour soutenir les planteurs, mobilisable en cas de pertes de rendements liés à la jaunisse. « Cette aide, dont les éléments techniques devront être définis rapidement, a vocation à sécuriser les planteurs et les industriels dans cette transition », indique le ministère de l’Agriculture.

En 2020, suite aux attaques de jaunisse, l’Etat était venu au secours des planteurs en débloquant une enveloppe de 80 millions d’euros destinées à indemniser les pertes supérieures à 30% avec assurance climatique et 35% sans assurance, à hauteur de 26 €/t de betterave à 16° de sucre. Un dédommagement partiel donc, à l’époque.

Le ministère s’engage par ailleurs à accélérer le déploiement, pour les prochains semis, des solutions alternatives les plus prometteuses, citant notamment les plantes compagnes. Le programme de recherche sera également accéléré et les ressources nécessaires à la gestion des projets seront augmentées, fait savoir le ministère de l’Agriculture.

Avant la décision couperet de la CJUE, la campagne 2023 et son éventuel troisième et dernier recours aux néonicotinoïdes devait être mise à profit pour finaliser un certain nombre de protocoles expérimentaux, dont  la combinaison de solutions ou encore l'impact économique des alternatives. Leurs conditions de transfert aux planteurs étaient aussi programmées.

Distorsion de concurrence et clause miroir

Si la France a décidé de se plier à la décision de la CJUE, elle va s’assurer de « l’homogénéité de l’application de la décision de la CJUE au sein de tous les pays de l’Union européenne afin d’éviter toute distorsion préjudiciable à la filière française », indique le ministère.

La France va également déclencher une clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne afin de s’assurer que les semences, les betteraves sucrières et le sucre de betterave importés en 2023 n’ont pas fait l’objet de traitements aux néonicotinoïdes. Autant d’annonces qui ne sont pas sans rappeler la croisade menée par la France en faveur d'une harmonisation européenne et pour l’instauration de clauses miroir durant l’exercice de la Présidence française de l’UE (PFUE) au 1er semestre 2022. Mais qui ne rassure pas la CGB. « La décision de la CJUE et ses conséquences mettent à mal la souveraineté alimentaire de l’Union européenne, déjà menacée et renforce le risque d’importations massives de sucre ou d’éthanol, du Brésil notamment issus de cultures utilisant des produits phytosanitaires interdits chez nous depuis longtemps, a réagi Franck Sander, président de la CGB. Nous sommes abasourdis par autant d’inconséquence ».