Grandes cultures 2019-2020 - une campagne imprévisible

Les récoltes en grandes cultures ont nettement reculé sous l’effet d’une météo décevante depuis les semis, mais bénéficient de cours soutenus en fin de campagne.

La météo a fortement perturbé la campagne 2019-2020. Basculant soudainement d’une fin d’été 219 caniculaire à un automne particulièrement humide, les semis de colza comme ceux d’orge et de blé se sont déroulés dans des conditions très défavorables, hypothéquant la récolte à venir.

La sole en blé est en baisse de 15 % par rapport à la récolte 2019.

Elle se conjugue à une baisse du rendement moyen. Estimé à 68,6 q/ha, il est en retrait de 7,5 % par rapport à la moyenne olympique 2015-2019. La récolte de blé tendre est la 3e plus petite depuis 25 ans. En revanche, la qualité des blés est excellente, plus de 80 % de la récolte étant de qualité premium ou supérieur, ouvrant la porte à tous les débouchés de la filière.

Les cultures de printemps (maïs, orge, tournesol, soja), dont les surfaces avaient augmenté à la suite de la baisse des emblavements en blé, ont subi de plein fouet la sécheresse.

Déjouant les premiers pronostics de la moisson, en dépit d’une récolte mondiale importante, les cours sont soutenus par un phénomène de rétention de la récolte en blé russe et une demande internationale importante. En temps de crise, les importateurs font des stocks et les fonds de pension investissent dans les matières premières agricoles. L’origine France bénéficie de l’excellente qualité de cette récolte, à l’exception notable de l’orge brassicole, ainsi que des bonnes relations commerciales avec la Chine.

Cependant, la situation est suspendue aux effets de la pandémie sur la reprise économique. Dès que ces acteurs cesseront d’acheter ces valeurs refuges, un retournement rapide du marché est à craindre.

La reprise du cours du pétrole entraîne dans son sillage les cours des oléagineux

Cette reprise des cours ne profitera que partiellement aux producteurs. Beaucoup d’entre eux, pour faire face à des difficultés de trésorerie, ont vendu la totalité de la récolte à la moisson et seuls ceux ayant choisi l’option « prix moyenne campagne » pourront éventuellement profiter de la hausse des cours.

Cette petite récolte impactera donc fortement les résultats de nombreuses exploitations et maltraite dès à présent leur trésorerie. Si des économies de charges sont constatées (moindre pression sanitaire, baisse du coût du carburant, baisse des apports azotés), elles sont insuffisantes pour compenser la baisse du chiffre d’affaires. Les premières estimations font état de revenus disponibles négatifs, proches de ceux de 2016.

Protéger son revenu des aléas

• L’un des enjeux est de se prémunir contre la volatilité des cours par une stratégie de commercialisation adaptée. Même s’il est souvent trop tard pour profiter de la hausse des cours actuelle, les cotations récolte 2021 ont également progressé.

Une réflexion peut être engagée pour calculer son seuil de commercialisation et envisager une prise de position si celui-ci est d’ores et déjà atteint. Des contrats sont disponibles soit directement sur le marché à terme soit via l’intermédiaire de la plupart des OS.

Si l’enjeu est de sécuriser son revenu 2021 grâce un cours satisfaisant, il sera prudent de ne pas engager plus d’un tiers du potentiel de la future récolte compte tenu des contreperformances des dernières années.

Les accidents

climatiques sont l’autre grande source de variabilité des revenus, les pouvoirs publics encouragent depuis plusieurs années la souscription d’une assurance « aléas ».

Cette protection a rencontré un certain succès chez les céréaliers, très variable selon les régions : elle représente jusqu’à 2/3 de la SCOP de certains départements.

Cependant, le système assurantiel est mis à mal par la succession de plusieurs années sèches. La baisse du rendement historique et les franchises à 25 % qui sont jugées élevées portent parfois le rendement seuil à un niveau très rarement atteint. D’autant plus que certains accidents venant diminuer les rendements ou la qualité des produits sont exclus de cette indemnisation (JNO, altises…).

De plus, si par manque d’intérêt ce système assurantiel se concentrait sur les zones « à risque » il est fort probable qu’une hausse des cotisations soit inéluctable et accentue le phénomène de retrait des agriculteurs de ce service. Il est de plus en plus important de mesurer sa propre sensibilité aux risques climatiques et d’adapter une stratégie de protection combinant plusieurs facteurs : techniques (assolement, gestion de l’eau…), financiers (épargne de précaution) et assurantiels.

Réagir face à la crise

À court terme, les céréaliers doivent faire face aux problèmes de trésorerie. Plusieurs pistes peuvent permettre de reconstituer la trésorerie : mobiliser leur épargne de précaution, décaler les charges, moduler des échéances bancaires, reporter des cotisations, adapter les lignes de crédit court terme, etc.

Cette campagne 2 020 est marquée par des éléments conjoncturels qui se reproduisent de plus en plus fréquemment : aléas climatiques et fluctuations des cours. Leur impact est tellement puissant qu’ils remettent en cause la pérennité de nombreuses exploitations mais aussi d’entreprises partenaires des agriculteurs. Il faudra à la fois trouver les solutions à court terme pour faire face aux difficultés de trésorerie et maintenir un potentiel de production pour 2021. Cette période doit aussi être le moment de mener une réflexion approfondie sur son système d’exploitation et les grands équilibres à mettre en place pour les années à venir.

Article de la veille économique de décembre 2020 - Michel LAGAHE et Mathilde SCHRYVE Cerfrance