Installé en pleine épidémie de grippe aviaire, Clément a été touché, mais pas coulé

[Reportage] Eleveur de volailles label en Vendée, Clément Blanchard voyait son installation comme un aboutissement après de longues années de réflexion et de préparation. Patratas ! L’influenza aviaire s’invite à l’inauguration. A force d’abnégation, et fort du soutien de sa compagne, des voisins et de sa coop, le jeune éleveur est désormais vacciné et complètement piqué à son métier.

Ça ne s’est pas passé comme prévu. Pourtant, son installation en volailles, Clément Blanchard, la préparait depuis presque 10 ans. Et il pensait avoir tout prévu, tout balisé, tout sécurisé… « C’était le projet de ma vie. Je pensais être prêt à tout ». Mais personne ne peut être prêt à voir débarquer une maladie aussi redoutable que l’influenza aviaire, pile au moment de son installation, le 1er mars 2022 (*).

Une période traumatisante

Ce virus de moins d’un micromètre a bien failli mettre à terre ce grand gaillard, bon vivant certifié, au sourire toujours accroché au visage. Aujourd’hui, quand il évoque cette période sombre, il sourit encore, mais le propos est grave : « Sans ma compagne, je ne serais plus là … C’était le projet de ma vie, je m’étais mis sur le dos un gros emprunt… Mais je n’avais plus d’animaux, plus de travail, zéro revenu. C’était chaud, c’était traumatisant ».

Clément rend hommage à son épouse, mais aussi à tous ceux qui l’ont aidé, dans ce coin de bocage vendéen, où, venant de s’installer, il ne connaissait personne. « Mes voisins m’ont embauché comme salarié, ça aussi, ça m’a sauvé : travailler, me rendre utile, ça m’a fait du bien ». Son groupement coopératif, le Ciab (Coopérative interdépartementale des aviculteurs du Bocage) a, lui aussi, été déterminant, pour permettre à Clément, et à son exploitation, de ne pas couler.

A Saint-André-Goule-d’Oie, Clément Blanchard élève des volailles label, essentiellement des poulets, comme ici des cous-nus jaunes (Crédit photo : Catherine Perrot)
A Saint-André-Goule-d’Oie, Clément Blanchard élève des volailles label, essentiellement des poulets, comme ici des cous-nus jaunes (Crédit photo : Catherine Perrot)

En revanche, du côté des services de l’Etat, Clément n’a pas vraiment de soutien. N’ayant pas d’historique de production à faire valoir, il n’a pas eu droit aux aides comme les autres aviculteurs touchés. Et même s’il s’est démené comme un fou pour faire reconnaître son préjudice, remontant même jusqu’à un chef de cabinet, Clément n’a pas eu les aides prévues. « Deux ans plus tard, j’ai touché quelque chose qui équivaut à environ 20% du préjudice ».

Un métier longuement désiré

En ce printemps 2025, trois ans après la crise, et après deux ans de fonctionnement quasi-normal, Clément peut enfin savourer le bonheur d’être agriculteur, lui qui en avait tant rêvé lorsqu’il était enfant : « Tout petit, j’étais fasciné par les tracteurs, il parait que c’était l’une des seules choses qui me calmait. J’ai grandi dans le Maine-et-Loire. Mes parents n’étaient pas agriculteurs, mais ils étaient proches de ce milieu. Mon grand-père et mon oncle étaient agriculteurs et c’est ce dernier qui m’a donné le goût du poulet label ».

Après ses études agricoles menées jusqu’au BTS Acse, Clément décide de se forger une solide expérience de salariat, afin d’explorer différentes productions et leurs filières. Pendant près de 10 années après son BTS, il est donc successivement commercial en viande, salarié d’une ferme laitière en Nouvelle-Zélande, responsable de l’exploitation d’un lycée agricole, employé d’une métallerie…

Le cahier des charges impose la mise à disposition de parcours pour les volailles, ici des cous-nus noirs (Crédit photo : Catherine Perrot)
Le cahier des charges impose la mise à disposition de parcours pour les volailles, ici des cous-nus noirs (Crédit photo : Catherine Perrot)

Durant ce parcours, son expérience la plus longue est celle de salarié en service de remplacement en Vendée. Un travail passionnant et très formateur : « J’ai vu beaucoup de choses, beaucoup de situations catastrophiques. J’ai compris que si je m’installais, ce serait tout seul ». A partir de 2019, Clément s’inscrit au Répertoire départ-installation et commence sa quête d’une exploitation, dans un secteur assez vaste, couvrant le nord de la Vendée, le Sud du Maine et Loire, le nord des Deux-Sèvres.

Une production qui permet d’avoir une vie à côté

Même si, enfant, il était attiré par les tracteurs, c’est désormais en élevage que Clément veut s’installer. « Au début, je pensais au lait. Mais je me suis rendu compte que même avec un robot, c’était beaucoup de contraintes. Pour pouvoir avoir une vie à côté, la volaille, c’était le choix de la raison ». Après avoir visité 10 fermes, « j'ai eu le choix ! » , s’amuse-t-il, Clément se décide pour une installation à Saint-André-Goule d’oie, en Vendée, avec reprise des bâtiments d’un cédant, qui part à la retraite, et ceux d’un autre éleveur, qui arrête la volaille. Au total, l’exploitation compte 8 bâtiments conçus pour les volailles label, avec des parcours arborés.

Clément adhère à la Ciab, la coopérative locale historique, basée à deux pas de sa ferme, à Saint-Fulgent (85). Ses volailles, essentiellement du poulet, mais parfois aussi de la pintade et du chapon, sont commercialisées sous les appellations label rouge poulet de Challans et label rouge fermier de Vendée. Le jeune éleveur apprécie cette production aux contraintes techniques élevées, en matière de biosécurité, de réduction de l’usage des antibiotiques, ou encore bien-être animal. Ses résultats technico-économiques sont d’ailleurs très satisfaisants, puisqu’il a réussi à assainir les comptes en deux ans d’exercice normal.

« Fier de faire manger les gens »

« Aujourd’hui, je vais bien. Je me sens libre, je m’éclate à faire ce que je fais. Je suis fier de faire manger les gens. Je vais peut-être bientôt pouvoir m’agrandir et embaucher un salarié ». Sur le côté équilibre vie pro-vie perso, Clément se dit aussi plutôt satisfait : pour lui, les week-ends ne sont pas indispensables car sa compagne est cuisinière, et elle travaille souvent les fins de semaines. « Je m’arrange pour me libérer lorsqu’elle est en repos ».

Enfin, le jeune éleveur est aussi un ambassadeur de l’agriculture en général et de sa production en particulier : il est engagé pour les Jeunes Agriculteurs au sein de l’interprofession nationale Anvol. Il accueille aussi régulièrement des stagiaires chez lui, n’hésitant pas à prendre des collégiens de troisième pour leur faire découvrir son monde : « Je veux les mettre à l’aise et leur donner envie.  Tous les voyants sont au vert pour la volaille, on a besoin que des jeunes s’installent ».

(*) Les premiers cas en Vendée se sont déclarés fin février 2022