La biomasse, cet or vert, noir et désormais brun, et toujours plus convoité

[Edito] Source de biocarburant, de biométhane ou encore de chaleur, la biomasse constitue un des socles de la transition énergétique, non sans risquer de concurrencer la production alimentaire, d’altérer le puits de carbone et d’enfreindre la fertilité des sols. D’où l’impérieuse nécessité de trier ses biodéchets dans la poubelle marron.

Développer l’usage des biocarburants à hauteur d’environ 48 TWh en 2030, soit une augmentation de 21% par rapport à 2019. Développer le biométhane, à hauteur d’environ 50 TWh de biogaz dont 44 TWh injecté à l’horizon 2030, soit une capacité́ de production multipliée par quatre par rapport à aujourd’hui. Développer la production de la chaleur renouvelable, à plus de 250 TWh en 2030 soit une multiplication par plus de deux du rythme de déploiement par rapport à aujourd’hui. Tels sont les objectifs assignés à la biomasse et consignés dans la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC), dévoilée par le gouvernement en novembre dernier. Objectif : s’affranchir, d’ici à 2050, des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), qui représentent aujourd’hui 60% de notre mix énergétique.

Les imbrications multiples de la biomasse

La transition énergétique et climatique ne repose pas seulement sur la biomasse, autrement dit sur les effluents d’élevage, les cultures dédiées, les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cives), les déchets verts ou encore les biodéchets issus de la restauration domestique et collective. Elle mise aussi sur les énergies nucléaire, photovoltaïque, éolienne, hydroélectrique et hydrolienne, sans oublier la sobriété. La SFEC fixe en effet un objectif de réduction de notre consommation d’énergie de 40 à 50% d’ici à 2050, comparativement à 2021. La biomasse est cependant incontournable, notamment pour alimenter les réseaux de chaleur ou encore pour assurer la production de biocarburants, durablement indispensables aux transports routier et maritime, ainsi qu’aux véhicules lourds, dont les tracteurs. Mais l’équation est complexe car la biomasse est à la croisée de multiples enjeux que sont la sécurité alimentaire, le besoin de retours au sol pour garantir le stock de carbone et préserver la fertilité, le maintien du puits forestier, la préservation de la biodiversité, le tout sur fond de changement climatique impactant les rendements agricoles ou forestiers.

La demande supérieure à l’offre

Renouvelable, la biomasse n’est pas illimitée pour autant. Les projections de la SFEC font état d’un « point d’attention » dès 2025 et d’un besoin nettement supérieur à la demande à l’horizon 2040, évoquant « un bouclage délicat » et une modélisation « en cours de finalisation ». Les agriculteurs méthaniseurs n’ont pas attendu l’élaboration de la SFEC pour mesurer la tension croissante s’exerçant sur la biomasse. Ces dernières années, sous l’effet d’une compétition accrue sur la ressource, certains sous-produits agricoles et agroalimentaires sont passés du statut de déchet (gratuit) à celui d’intrant (monétisé).

Depuis le 1er janvier et l’entrée en vigueur de l’obligation de trier à la source les biodéchets, chaque citoyen est en mesure, sinon incessamment, d’apporter sa contribution à la valorisation matière ou énergie de ses 83 kilos annuels de biodéchets via la poubelle marron, au détriment de l’incinération et de l’enfouissement via la poubelle grise. Verte, noire ou marron : la biomasse a dans tous les cas la couleur du soleil. Comme l’or.