La Conf’ solde le quinquennat agricole

La Confédération paysanne dresse un bilan sévère de la mandature et balise sa propre feuille de route pour les mois à venir, ainsi que celle que devrait suivre la France lors de la présidence de l’UE au premier semestre 2022.

« Des EGA qui n’ont pas porté leurs fruits dans les fermes, une loi climat pas à la hauteur du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, pas d’avancées sur les transitions agroécologique et climatique avec au contraire des décisions ineptes sur les néonicotinoïdes et le glyphosate, une petite loi foncière qui ne risque pas d’atteindre les objectifs en termes de répartition équitable du foncier et de renouvellement des générations, la baisse des moyens dans la formation et la concurrence inquiétante d’initiatives privées » : tel est le bilan du quinquennat finissant, dressé par Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne. « Le constat est peut-être un peu dur mais il est lucide », renchérit Nicolas Girod, porte-parole du syndicat.

"Il faut cesser de nous faire la publicité sur le renoncement au Mercosur tout en développant et en mettant en œuvre d’autres accords commerciaux tels que le Ceta"

A l’occasion de sa conférence de presse de rentrée et à sept mois de la présidentielle, la Conf’ a déjà acté le bilan de la mandature finissante. Mais elle concède qu’il demeure une fenêtre de tir avec la présidence de l’UE que la France exercera au premier semestre 2021. « Des sujets comme la maîtrise et la régulation des productions, les enjeux autour des accords de libre-échange ou encore la question de la concurrence intra-européenne doivent être portés par la France à cette occasion, poursuit Nicolas Girod. Il faut cesser de nous faire la publicité sur le renoncement au Mercosur tout en développant et en mettant en œuvre d’autres accords commerciaux tels que le Ceta. A l’occasion de sa présidence de l’UE, la France doit re-questionner la vision du commerce mondial ».

La Pac d’après

La réforme de la Pac est une autre grande déception du syndicat, qui s’arc-boutait sur quelques mesures emblématiques telles que le plafonnement des aides, le relèvement du paiement redistributif, l’aide forfaitaire aux petites fermes ou encore la mise en oeuvre d’éco-régimes à la hauteur des enjeux environnementaux et climatiques. Autant d’ambitions que la Conf’ n’a pas décelées dans le Plan stratégique national dévoilé par le ministère en mai dernier, sans désespérer d’influer à la marge, notamment sur le deuxième pilier, en lien avec les Régions, « pour arracher tout ce que l’on peut pour développer et soutenir l’agriculture paysanne », défend Nicolas Girod. La Conf’ se projette déjà dans la Pac d’après et ne va pas tarder à remettre le couvert sur l’actif agricole, « un combat à mener dès maintenant si l’on ne veut pas connaitre à nouveau l’échec ».

Sécurité sociale de l’alimentation

A l’issue de son congrès organisé en juillet dernier, la Conf’ a par ailleurs décidé de porter le fer sur un concept nouveau, celui de la « sécurité sociale de l’alimentation ». « Il s’agit d’ouvrir une 6ème branche de la sécurité sociale, créée en 1945 et qui a intronisé le conventionnement de la médecine de ville et un accès universel à la santé, explique Emmanuel Marie, secrétaire national du syndicat. Le concept de démocratie alimentaire vise à offrir l’accès universel à l’alimentation à tous les citoyens français. On ne peut pas se satisfaire de l’aide alimentaire telle qu’elle existe aujourd’hui et dont le nombre croissant de bénéficiaires traduit en fait l’échec d’un dispositif qui fait système, et qui est intimement lié à la surproduction ». La Conf’ travaille sur le sujet avec d’autres organisations telles que les Civam, l’Atelier paysan, l’association l’Ardeur ou encore Ingénieurs sans frontières.

Combats de champs

Au-delà des grandes causes, la Conf n’en oublie pas les combats des champs et du quotidien avec en ligne de mire la méthanisation industrielle (la Conf’ est en procès du Mans avec délibéré rendu le 19 octobre) ou encore le projet de bassines aux confins de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Le projet de loi sur l’assurance récolte, annoncé par le président de la République le 10 septembre, devrait aussi lui donner du grain à moudre. « Offrir ainsi la gestion des risques climatiques aux assureurs privés, ce n’est ni de la solidarité, ni un gage d’économie et d’efficacité pour les producteurs et productrices les plus impactés mais le choix dangereux d'une idéologie libérale », dénonce le syndicat.