La convention collective de la production agricole et des Cuma en six questions

La convention collective nationale (CCN) de la production agricole et des Cuma entrera en application en 2021. Précisément, au premier jour du trimestre civil suivant la publication de son arrêté d’extension au Journal Officiel. Soit le 1er janvier si celui-ci est publié au plus tard le 31 décembre 2020 ou à compter du 1er avril si la publication est postérieure.

Dès 2021, les exploitations agricoles qui embauchent des salariés devront appliquer partout en France une seule et même convention collective : celle dite « de la production agricole et des Cuma » signée entre la FNSEA, la FNCuma et les organisations syndicales de salariés (CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO). Elle concerne : les exploitations de culture et d’élevage, les établissements de toute nature dirigés par l’exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement, de la commercialisation de produits agricoles dans le prolongement de l’acte de production ; les structures d’accueil touristique en lien direct avec l’exploitation ; les coopératives d’utilisation du matériel agricole. Elle s’applique également aux établissements de pisciculture.

A la veille de sa mise en application, voici les réponses aux principales questions concernant cette convention collective avec Pascal Servier, président de la commission emploi formation à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes et Luc Pierron, membre de cette commission, qui a participé au groupe de travail FNSEA sur le sujet.

Pourquoi une convention collective nationale ?
« C’était une volonté des gouvernements successifs de restructurer le paysage conventionnel et de diminuer le nombre de conventions collectives dans tous les secteurs d’activité », rappelle Pascal Servier. En France, il existait plus de 140 conventions collectives applicables aux entreprises agricoles, souvent établies à l’échelle des départements. « Cette multitude d’accords territoriaux n’était peut-être plus en cohérence avec le terrain. Certains accords jouaient d’une histoire longue, autour d’évènements qui ont amené les négociateurs à ces solutions mais qui aujourd’hui n’étaient pas à la hauteur des enjeux pour notre agriculture », poursuit le président de la commission emploi formation à la FRSEA Aura.
« Cette convention clarifie aussi un certain nombre de choses car aujourd’hui l’agriculture ne se discute plus seulement par département ou par filière. Nous avions besoin de cette harmonisation pour que les employeurs sur les territoires aient le même langage et qu’ils aient la lisibilité nécessaire sur les emplois qu’ils définiront demain », indique Pascal Servier.

Qu’est ce qui change dès l’entrée en application de la convention nationale ?
Le principal changement, c’est la mise en place d’une grille de classification des emplois et d’une grille de salaires nationales. Celles-ci s’appliqueront aux nouveaux salariés dans l’entreprise, mais aussi à ceux déjà en poste. « Jusqu’à présent les salaires sur nos exploitations étaient établis à partir de niveaux et d’échelons. Désormais nous allons fonctionner par palier, avec une classification des emplois basée sur les compétences et donc des critères qui vont nous permettre de classer ces compétences », précise Luc Pierron.

En quoi consiste la classification des emplois ?
« Les employeurs qui ont participé aux groupes de travail de la FNSEA ont pu définir collectivement des critères qui sont universels : la technicité, l’autonomie, la responsabilité, le management et le relationnel », explique Luc Pierron. A chacun de ces critères correspondent, dans la convention collective, des degrés et des points qui vont permettre de déterminer le coefficient de l’emploi occupé par le salarié et son niveau de rémunération. C’est donc l’étape la plus importante à laquelle les employeurs doivent s’attacher dès à présent : établir la classification des différents emplois sur l’exploitation selon ces nouveaux critères.
Luc Pierron invite les exploitants à saisir l’opportunité offerte par cette classification. « Elle va permettre de faire un point sur toutes les compétences dont nous avons besoin sur nos exploitations. Une fois que nous aurons réalisé ce travail de classification, les choses seront plus simples, notamment quand il s’agira de remplacer, d’accueillir une nouvelle personne sur le poste », estime-il.
Il recommande également de classifier les emplois sur la base des missions les plus courantes, celles que le poste exige de manière régulière, pas sur des tâches ponctuelles ou exceptionnelles.

Quelles conséquences aura cette classification ?
Une fois la classification de l’emploi réalisée, elle permettra d’obtenir le coefficient de l’emploi et de déterminer à quel palier établir le salaire minimum pour un poste donné. Les salariés déjà en poste devront donc faire l’objet d’un repositionnement dans la grille nationale de classification. Il n’y aura en effet pas de concordance entre les anciennes grilles départementales et la grille nationale.
Si le nouveau classement devait conduire à une rémunération horaire inférieure, le salarié conservera le bénéfice de sa rémunération actuelle. « L’objectif de cette nouvelle convention, c’est vraiment de valoriser les compétences requises par l’emploi : valoriser la personne mais au travers du poste qu’elle occupe et favoriser son évolution professionnelle », explique Luc Pierron.

Que deviennent les conventions collectives locales ?
On n’en compte pas moins de douze en Auvergne Rhône-Alpes1 s’appliquant soit à l’échelon départemental, soit à l’échelon Rhône-Alpes pour les cadres. Dès son entrée en application, c’est la convention collective nationale qui prend le pas sur les accords territoriaux. Elle devient alors la référence en matière de classification des emplois et de grille de salaire. « Pour le reste, les accords locaux continuent de s’appliquer s’ils sont plus favorables pour le salarié », souligne Luc Pierron.
Et après ? « Demain la discussion va s’ouvrir pour savoir si nous devons maintenir, améliorer ou modifier toutes ces lignes. L’enjeu, c’est de donner une cohérence par rapport à l’exigence des métiers et aussi par rapport à la vision que les salariés ont du travail dans lequel ils évoluent. Il y aura peut-être aussi des questionnements sur des spécificités dans certaines filières », reconnaît Pascal Servier. Mais il conclut : « L’avantage de cette convention nationale, c’est qu’elle nous ouvre un nouveau champ de discussion avec les organisations syndicales de salariés. Cela ne peut qu’être bénéfique pour aller vers une réelle adaptation aux besoins des différents métiers en agriculture ».

Vers qui se tourner pour être accompagné dans ses démarches ?
« Les employeurs peuvent se tourner dès maintenant vers leur fédération départementale ou leurs représentants employeurs pour prendre connaissance et ne pas être surpris par la mise en application de cette convention collective », conseille Pascal Servier. Luc Pierron se veut également rassurant : « Tout changement est perturbant bien sûr. Mais les employeurs seront aidés et il y aura un temps d’adaptation ».