La Fnab intègre la dimension sociale dans son nouveau label bio

Le label Fnab, qui prône pour la bio un cahier des charges plus exigeant que celui du label bio européen, comportera 9 critères sur le volet social. Rémunération des exploitants, des salariés, mais aussi formation ou encore implication des employés seront autant de points à valider pour obtenir la la labellisation.

Lors d’un webinaire organisé le 15 février, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) a présenté les 9 critères qui permettront d’évaluer le volet social de son nouveau label bio. Ce dernier comportera également une dimension biodiversité. Avec ce nouveau cahier des charges qui sera mieux-disant que le label bio européen, la Fnab espère labelliser une première vague de 300 fermes en 2022.

« Nous avons à faire face à un élargissement bien normal de l’offre alimentaire bio, constate Philippe Camburet, le président de la Fnab. Cet élargissement montre bien que nous n’avons pas tous partout dans le monde la même conception de l’agriculture biologique, et notamment en terme de conditions sociales. Tous les producteurs n’ont pas les mêmes exigences, notamment en matière de conditions sociales. […] Nous avons considéré que nous ne pouvions pas laisser planer le doute sur l’alimentation bio en France ». Côté producteur, il ajoute que ce nouveau label plus exigeant doit permettre aux adhérents de la Fnab d’être à l’aise devant les consommateurs et la société, alors qu’ils ont du mal à se reconnaître dans le cahier des charges actuel.

"Dans les autres labels, il n’y a pas beaucoup de critères contrôlables sur les aspects sociaux."

Pour chacun des neufs critères élaborés, la Fnab a fixé des critères contrôlables. Pour Stéphanie Pageot, secrétaire nationale du réseau Fnab et membre du groupe de travail qui a élaboré le volet social, c’est cet aspect qui fait la différence avec les démarches similaires déjà existantes. « Dans les autres labels, il n’y a pas beaucoup de critères contrôlables sur les aspects sociaux. Certains labels interdisent quand même le travail détaché », relève-t-elle.

Repenser le système économique de l’exploitation

Si la plupart des critères sont tournés vers le salariat agricole, le premier est délibérément axé sur les exploitants agricoles. « Il se base sur la réflexion et l’analyse de la rentabilité de la ferme avec une obligation de formation au coût de revient », décrit Christophe Osmont, agriculteur dans la Manche et membre du groupe de travail sur le volet social. La Fnab encourage vivement l’utilisation d’un outil développé en interne, intitulé Fnab-Laizeau, pour cette formation. Sa particularité : « Il y a une prise en compte du revenu non-salarié », rapporte le producteur normand.

Un second critère, le numéro 4, s’intéresse également au statut des exploitants et plus précisément à celui du conjoint-collaborateur ou plus souvent conjointe-collaboratrice. La Fnab fixe une limite de 3 ans pour ce statut. Ensuite la personne concernée doit basculer vers un statut rémunéré, soit associé, soit salarié. « Dans l’idéal, l’interdire complètement aurait été satisfaisant. Mais il y avait un risque d’avoir des gens sans aucun statut social », relève Christophe Osmont.

Valoriser le travail salarié

Les autres critères, construits avec le soutien de la CFDT Agri-Agro, se concentrent sur l’encadrement des conditions de travail et la valorisation du statut de salarié agricole. À ce titre, les critères 2 et 3 concernent la formation. Celle des exploitants dans un premier temps, via une obligation de formation sur les ressources humaines. L’idée est d’informer les paysans sur le cadre légal mais aussi sur les leviers et actions pour favoriser le bien-être au travail. L’obligation de formation concerne également les salariés, avec comme le stipule le cadre légal justement, deux jours de formations tous les deux ans. Le salarié peut refuser mais la formation doit lui être proposée quoi qu’il arrive. « Le contrôle se fait avec un salarié tiré au sort pour faire en sorte que ce ne soit pas une attestation bidon », souligne Christophe Osmont.

Les autres critères concernent l’encadrement de l’accueil des stagiaires et des woofers (1), l’interdiction du recours au travail détaché, la mise en place d’un livret d’accueil ainsi que la consultation des salariés sur l’organisation du travail et la gestion de l’exploitation.

Mettre en place une rémunération mieux-disante

Enfin le « gros morceau » de la rémunération des salariés est abordé dans le critère 9. Il a pour objectif de mettre en place une rémunération mieux-disante. Un aspect qui n’est pas simple à évaluer lorsque dans certaines situations les paysans n’arrivent pas à se rémunérer eux-mêmes. Pour permettre à un maximum d’exploitants de valider ce critère, la Fnab propose sept leviers différents à activer tels que la mise en place d’un système d’intéressement, le versement d’une prime de fin de contrat aux saisonniers ou encore une rémunération fixée 10% au-dessus du minimum de la convention collective. Il suffit de valider un seul de ces leviers pour valider le critère 9.

« Tous les critères seront évalués dès la première année, mais nous ne pouvons pas imposer de faire toutes les formations en un an », souligne Christophe Osmont. De ce fait, les fermes auront un délai de trois ans pour valider l’ensemble des critères, faute de quoi, elles sortiront du label.

 

La CFDT satisfaite avec quelques réserves

« Nous saluons ce travail. Cette brique sociale est très intéressante. Cela fait des années que nous parlons d’intégrer des critères sociaux dans les labels », se réjouit Gaël David, conseiller économique à la CFDT Agri-Agro. Il pointe néanmoins deux réserves sur le label Fnab. Le premier concerne l’intégration du woofing dans le critère 4. « Pour nous c’est non. Un emploi agricole c’est un vrai travail, donc pas de travail bénévole », précise-t-il. Autre point de désaccord, la CFDT n’est pas pour l’interdiction du travail détaché. « Nous n’y sommes pas opposé car c’est bien encadré par le droit européen », précise Gaël David. Selon lui, le problème provient plus des dérives des employeurs que du travail détaché en tant que tel.

 

(1) : Woof vient de l’acronyme anglais « World-Wide Opportunities on Organic Farms », ce qui se traduit en français par « opportunités dans des fermes bio du monde entier ». Il permet à des bénévoles (les woofers) de prêter main forte à des agriculteurs en échange du gîte et du couvert.