La noisette française cassée par une impasse phytosanitaire

La coopérative Unicoque, principal opérateur français et européen, enregistre une chute de 50% de sa production, sous l’effet d’une météo défavorable et faute d’insecticides efficaces, dont l’acétamipride, un néonicotinoïde autorisé en Espagne et en Italie.

Fondée en 1979, la coopérative basée à Cancon (Lot-et-Garonne) produit bon an mal an 13.000 tonnes de noisettes, sur une surface d’environ 7000 hectares, que se partagent 350 producteurs, ce qui fait d’elle l’opérateur majeur, avec 90% de la production nationale. Mais cette année, la récolte s’annonce comme la pire dans l’histoire de la coopérative, sous l’effet des méfaits d’une pluviométrie abondante et continue enfonçant les normales, auxquels s’ajoutent les attaques du balanin, le ver de la noisette, et de la punaise diabolique. « Sur un potentiel de production de 13.000 tonnes de noisettes, seules 6.500 tonnes ont pu être récoltées et 30% des noisettes récoltées se révèlent non commercialisables, rendues impropres à la consommation par la punaise diabolique », fait savoir Unicoque dans un communiqué. Conséquence : la coopérative anticipe un déficit de plusieurs millions d'euros sur l’exercice 2024-2025, et qui en l’occurrence serait le premier de son histoire.

Unicoque anticipe un déficit de plusieurs millions d'euros sur l’exercice 2024-2025, et qui en l’occurrence serait le premier dans l’histoire de la coopérative
Unicoque anticipe un déficit de plusieurs millions d'euros sur l’exercice 2024-2025, et qui en l’occurrence serait le premier dans l’histoire de la coopérative

S’il est difficile sinon impossible de contrarier les aléas météorologiques, il en va différemment du volet sanitaire. Et selon Unicoque, une partie de ses déboires est la « faute de molécules phytosanitaires efficaces ayant une autorisation d’usage sur le territoire français ». La coopérative a notamment dans son viseur l’acétamipride, un néonicotinoïde foliaire en usage dans certains pays européens, mais dont la France s’est privée à partir de juillet 2020 avec la fin de son usage à titre dérogatoire. « Nous, producteurs et salariés de la coopérative Unicoque, demandons toutes les procédures nécessaires face à l’urgence phytosanitaire qui nous emporte ainsi que l’harmonisation primordiale des règles phytosanitaires entre la France, l’Espagne et l’Italie au nom de l’égalité, de la lutte contre la distorsion de concurrence intra-européenne, de la souveraineté alimentaire et de la non-exportation des pollutions », défendent Thierry Descazeaux et Jean-Luc Reigne, respectivement président et directeur d’Unicoque. Et de rappeler au passage que le taux d’approvisionnement de la France culmine à 5% en noisette.

« Chlordécone de l'Hexagone »

Face aux menaces récurrentes, et existentielles, que fait peser la jaunisse sur la filière sucrière, les betteraviers réclament périodiquement l’autorisation en France de l’acétamipride, en substitut des traitements de semences à base d’imidaclopride et de thiamethoxam, et en attendant la montée en puissance des alternatives aux néonicotinoïdes. Mais jusqu’à présent, les autorités françaises se sont montrées rétives à un tel projet, y compris au plus fort de la crise agricole de l’hiver dernier, où elles ont lâché du lest sur plusieurs fronts environnementaux. Au cours d’une audition par la Commission des affaires économiques du Sénat, en avril 2023, Christian Huygue, directeur scientifique agriculture de l’INRAE, avait déclaré que « l'acétamipride, que la France n'a heureusement jamais utilisé » , était  « pire que l'imidaclopride ». « Il s'agit d'un produit stable qui est donc en quelque sorte le chlordécone de l'Hexagone ». Ceci explique aussi cela.

Un rapport de la DRAAF ou la définition de l’impasse

Il n’empêche. Pour Unicoque, « les difficultés sont liées à une crise de matière première engendrée par la politique phytosanitaire ultra-restrictive de la France » et non aux «  causes habituelles de difficultés économiques telles que la faute de gestion ou le problème de marché ».  Dans son communiqué, la coopérative mentionne la conclusion d’un rapport d’expertise réalisé par la DRAAF de Nouvelle-Aquitaine, daté du 3 octobre dernier. Où il est écrit : « Sur la base de l’ensemble de ces éléments, il est attesté que les producteurs et la Coopérative Unicoque ont été confrontés collectivement à une situation qui n’était pas anticipable et qui ne pouvait être maitrisée dans les conditions de moyens de lutte règlementairement autorisés ». La définition de l’impasse.