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Générations futures pulvérise les « contre-vérités » sur l’acétamipride
S’appuyant sur de « nouvelles données scientifiques », l’ONG demande l’élargissement de l’interdiction de l’acétamipride en France aux usages biocides et réclame avec le collectif d’ONG PAN Europe son interdiction en Europe pour ses usages agricoles et biocides.
« S’appuyer sur la science pour contrer la désinformation » : tel est le titre du rapport publié le 20 mai par Générations futures, qui entend « remettre les faits et la science au cœur du débat » et pulvériser les « contre-vérités » polluant le débat public. A la veille de l’examen d’une proposition de loi visant notamment à réautorirser sous conditions l’acétamipride pour en finir avec une surtransposition franco-française et apporter une solution à des filières en situation d’impasse, Générations futures entend démonter l’argument d’autorité selon lequel « l’EFSA a autorisé donc il n’y a pas de problème ».
Persistance dans l’eau : « incohérence » des réglementations pesticide et biocide
Au sein de l’UE, l’acétamipride est sous le coup d’une double réglementation, en tant que pesticide à usage agricole d’une part et en tant que biocide à usage domestique d’autre part. La réglementation pesticide considère la molécule comme non persistante dans les milieux aquatiques et les sédiments tandis que la réglementation biocide la considère comme persistante voire très persistante alors même que l’évaluation est basée sur une même étude datant de 2014. La faute à une différence d’approche statistique selon Générations futures. « Dans le dossier biocide, l’Allemagne et la Belgique ont remarqué que le modèle utilisé dans le dossier pesticide n’était pas adapté et ne correspondait pas aux recommandations du document guide pour l’évaluation de la persistance en vigueur et mis à jour en 2017. L’approche allemande et belge a par la suite été validée par l’ECHA (*). Ce changement de modèle conduit à un résultat significativement différent, la demi-vie passant ainsi de 27 jours à 79,7 jours ». Résultat : l’acétamipride est considérée par l’ECHA comme une substance candidate à la substitution, ce qui n’est pas le cas de la réglementation pesticide, et son autorisation en tant que substance biocide a été limitée à 7 ans (de 2020 à 2027).
Toxicité pour les abeilles : évaluation « lacunaire »
Outre une incidence sur le nombre d’espèces et les populations d’oiseaux mentionnée dans deux études, Générations futures pointe l’impact de l’acétamipride sur les insectes pollinisateurs. Reconnaissant que l’imidaclopride et la clothianidine provoquent une mortalité directe des abeilles à des doses bien inférieures que l’acétamipride, « cette dernière provoque des effets sublétaux tout aussi préoccupants que les autres néonicotinoïdes ». Les effets sublétaux sont des effets n'entraînant pas directement la mort de l’abeille mais impactant négativement son comportement, ses capacités de reproduction etc. et pouvant in fine conduire à une diminution de la population, même longtemps après l’exposition. Générations futures attend de l’EFSA (**) applique la nouvelle version du guide d’évaluation des pesticides sur les insectes pollinisateurs existant depuis 2022, intégrant l’impact sur les bourdons et les abeilles solitaires et prenant en compte les effets sublétaux, un processus bloqué par « un lobbying intensif et à un blocage politique ». Selon Générations futures, Les effets sublétaux sur le comportement des abeilles, observés dans plusieurs études à de faibles niveaux d’exposition (0,1 µg/abeille) n’ont pas été considérés par l’EFSA.
L'ONG dénonce par ailleurs une évaluation de la toxicité sur les abeilles « particulièrement lacunaire » de la part de l’EFSA, laquelle reconnaitrait que « l’absence d’un risque chronique n'a pas été suffisamment démontrée » et que « le risque pour les abeilles solitaires et les bourdons n’ont pas été évalués alors que des données solides indiquent une sensibilité plus élevée de ces espèces par rapport à l’abeille mellifère ». Générations futuresa recensé la publication de 23 nouvelles études au cours de deux dernières années, « chacune apportant de nouvelles preuves de la toxicité significative de cette substance sur les abeilles ».
Neurotoxicité pour l’Homme : des preuves qui devraient conduire à « l’interdiction de la substance »
Selon Générations futures, les preuves neurotoxicité de développementale de l’acétamipride (effet DNT) « commencent à s’accumuler dans la littérature académique », avec au moins 4 études in vitro, démontrant des mécanismes d’action toxique au niveau de cellules neuronales humaines, 7 études in vivo pointant des effets DNT sur organisme entier et également 3 études conduites sur le modèle poisson zèbre. Et de signaler également la publication ces deux dernières années de 13 nouvelles études indiquant « des effets sur la santé variés, notamment cancérigène et perturbateur endocrinien » ou encore « les preuves » qu’un métabolite de l’acétamipride traverse la barrière hémato encéphalique et se retrouve dans le liquide cérébrospinal chez des enfants. « Cette évaluation illustre, une nouvelle fois, le fait que la majorité des données académiques ne sont pas prises en compte dans les conclusions finales des évaluations car jugées non fiables par la procédure d’évaluation. Ou tout simplement parce qu’elles n’ont pas été incluses dans les évaluations », dénonce l’ONG, faisant référence au dernier avis en date de l’EFSA datant de 2024, abaissant les seuils de toxicité.
Usage biocide : un risque « inacceptable »
En France,198 produits à base d’acétamipride d’une AMM pour des usages domestiques (contre les mouches, fourmis, cafards) ainsi que pour traiter les mouches dans les bâtiments d’élevage en application sur les murs (par pulvérisation ou au pinceau). « L’acétamipride devrait être considérée comme une substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B, ce qui constitue un critère d’exclusion dans la réglementation biocide », estime l'ONG, qui évoque les risques pour les applicateurs mais également la contamination « avérée » de l’environnement via les épandages de fumier et de lisier, « sans aucune évaluation de son impact sur les abeilles ». Il faudra attendre le 1er janvier 2026 pour que la méthode d’évaluation du risque pour les abeilles de l’ECHA soit appliquée mais elle ne concernera que les nouvelles demandes d’AMM de biocides. « Lorsque le nouveau seuil de toxicité fixé par l’EFSA en 2024 est appliqué, le risque pour les utilisateurs professionnels est inacceptable, même lorsque tous les équipements de protection sont préconisés. Le risque aigu pour les enfants suite à l’usage de produit domestique contenant l’acétamipride n’est plus acceptable », écrit l’ONG qui réclame l’interdiction « immédiate » des usages agricoles et biocides de la substance.
(*) Agence européenne des produits chimiques
(**) Autorité européenne de sécurité des aliments