La route du bœuf passe par le Gaec Chaize

Dans la Loire, Christophe Chaize s’apprête à mettre un jarret dans la vente directe en proposant la fine fleur de ses charolaises, engraissées 100% à l’herbe. L’éleveur fait le pari carnivore du moins, du mieux, du lien à l’Homme et au terroir, empruntant ainsi au vin, avec la Côte Roannaise à portée de museau. Le tout à déguster avec modération.

A Pouilly-les-Nonains (Loire), quand les charolaises relèvent la tête entre deux lampées d’herbe, elles ont la vue sur la Côte Roannaise, une AOP qui s’étend sur un peu plus de 200 ha dominant Roanne. En tournant la tête sur la droite, elles pourraient presque entrevoir la maison Troigros, une sommité de la gastronomie française, qui va doucement sur son centenaire. Et jamais très loin, il y a Christophe Chaize, l’éleveur qui veille sur elles et qui vient chaque matin les changer de paddock. L’éleveur a fait du pâturage tournant dynamique un des aplombs de son système d’élevage. Ex-conseiller élevage à la Chambre d’agriculture de la Loire, Christophe Chaize est passé de l’autre côté des cornadis et des barbelés en 2012, en reprenant l’exploitation familiale. Mais l’éleveur à un faible pour le fil électrique.

L’ex-conseiller élevage à la Chambre d’agriculture est passé de l’autre côté des cornadis et des barbelés, ou plutôt des fils électriques des paddocks
L’ex-conseiller élevage à la Chambre d’agriculture est passé de l’autre côté des cornadis et des barbelés, ou plutôt des fils électriques des paddocks

Un système super-pâturant

Exploitant une surface de 150 ha répartis à parts égales sur deux sites distants de quelques kilomètres, Christophe Chaize achève actuellement la conversion de ses prairies au pâturage tournant dynamique. « Le système génère une production de matière sèche fantastique, explique-t-il. Sur ce paddock pâturé une fois, il n’y a aucun épi, à ce stade, c’est un vrai tourteau ».

Cette année, les premiers lots de génisses ont été mis à l’herbe le 1er février. Autant dire que l’ex-conseiller détonne un peu dans le paysage mais il avait anticipé la manœuvre en réservant des paddocks exempts de pâturage les trois derniers mois de l’année 2020. Le système hyper-pâturant a des co-bénéfices sanitaires, réduisant l’usage des antiparasitaires. La dégradation des bouses, par ailleurs mieux réparties, ne s’en porte que mieux.

"En instantanné, on est sur 120 UGB par hectare, un feed-lot, mais très vert"

Pour maximiser la productivité de ses prairies, Christophe Chaize est capable de changer de paddock deux fois par jour, ce qui fait un peu tourner la tête à son jeune stagiaire, ébahi par la pratique. « Le système change complètement le rapport aux bêtes, explique l’éleveur. Quand elles me voient, elles savent que je suis là pour les changer de paddock et pas pour les attraper. Du coup, elles sont sympas et paisibles. Avec mon expérience de conseiller, je pensais connaître le métier d’éleveur, mais, là je le redécouvre tous les jours ».

Les génisses d’un an auront la tâche d’araser les refus qui finiront par apparaître, économisant ainsi le passage d’un engin. Les paddocks exposés au nord seront réservés à la constitution de stocks sur pied pour assurer l’affouragement estival. D’autres seront récoltés en foin. « Le pâturage tournant, c’est le meilleur moyen de ne pas épuiser le système racinaire, poursuit l’éleveur. Je suis persuadé que l’on peut hiverner des bovins en les faisant pâturer et sans apport aucun de fourrage, c’est mon prochain défi ».

Changement de paddock pour les génisses 100% herbe
Changement de paddock pour les génisses 100% herbe

La côte Charolaise de Christophe, la Côte Roannaise de Romain

Ce sera peut-être le bon côté du changement climatique, face auquel l’éleveur espère être plus résilient, même si ces gelées d’avril n’ont rien de très rassurant. Avec 300 bovins sur une SAU de 150 ha, Christophe Chaize vise l’autonomie alimentaire. « Là en instantané, avec 25 génisses sur 2000 m2, on est sur 120 UGB par hectare, un feed-lot, mais très vert, rigole-t-il. Avec les paddocks, toute l’herbe est exploitée, rien n’est perdu ».

L’éleveur a néanmoins recours à de l’aliment pour finir ses vaches et génisses. Mais toutes n’y ont pas droit. A compter de cette année, il a en effet décidé de se lancer dans la vente directe, en proposant une viande 100% nourrie à l’herbe qu’il proposera en caissettes, en local mais aussi à distance via internet. « Mes petites laitonnes de 28 à 30 mois auront pâturé pratiquement 11 mois sur 12 entrecoupé de rations exclusivement à base de foin. C’est ce que je compte vendre à mes clients. Je pense que la consommation de viande pourrait emprunter la trajectoire du vin, consistant à en consommer moins mais mieux, avec un lien plus affirmé au terroir et au producteur. 

Plus cher aussi ? L'éleveur n'a pas encore défini son tarif. « L'idée, pour ne pas dire le rêve, serait que le client se dise : ce midi, on se mijote un pot-au-feu de Christophe Chaize et pour l’occasion, on ouvre le Clos du Puy de Romain Paire, mon voisin du Domaine des Pothiers ».

Le vigneron Romain Paire et l'éleveur Christophe Chaize (Crédit photo : Christophe Chaize)
Le vigneron Romain Paire et l'éleveur Christophe Chaize (Crédit photo : Christophe Chaize)

Il manque juste une adresse pour le fromage. Pour les œufs, on peut compter sur ceux de  la Cocôte Roannaise produits par son épouse Véronique, des œufs bio vendus en direct et localement.

Christophe et Véronique Chaize sont déjà présents en vente directe avec leur production d’œufs bio
Christophe et Véronique Chaize sont déjà présents en vente directe avec leur production d’œufs bio

Une viande labellisée par le ministère de l’Écologie

Élevage, maturation, dégustation : la viande et le vin ont en commun certains mots, certains maux aussi. L’époque étant à la sobriété et à la responsabilité, on serait tenté de rajouter la modération. La mention ne figure pas encore en tant que tel sur la cellophane des steaks en attendant l’affichage environnemental, dont l’expérimentation en cours accouchera peut-être d’ici à l’automne prochain.

Au plan de la durabilité, le Domaine des Pothiers est en agriculture biologique tandis que Christophe Chaize s’est engagé dans la Label bas carbone. Il s’est porté candidat au second appel à projet lancé par France Carbon Agri, sous l’égide de l’Institut de l’élevage.

Pour améliorer le bilan carbone de son exploitation, il fera pousser des haies et de la luzerne dans ses prairies temporaires et poussera dans ses derniers retranchements le pâturage tournant dynamique. « Le jour où j’apposerai sur mes caissettes le Label bas carbone délivré par le ministère de l’Écologie, une autre étape aura été franchie ».

En attendant, Maxence, le fils de Christophe et Véronique Chaize, âgé de dix ans, fait du pâturage tournant dynamique avec ses Kapla. Labellisés PEFC.

L’éleveur va poursuivre la plantation de haies, en invitant écoliers à participer au chantier, histoire de recréer du lien
L’éleveur va poursuivre la plantation de haies, en invitant écoliers à participer au chantier, histoire de recréer du lien